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Sécheresse, guerre en Ukraine, Covid : l'Afrique de l'Ouest et du Centre en proie à une terrible crise alimentaire (analyse)

Mali, illustration

© Getty

La directrice régionale d’Oxfam en Afrique de l’Ouest et Centrale, était l’invitée de Sophie Brems dans Matin Première ce jeudi. Assalama Dawalak Sidi est revenue sur la situation inquiétante en cours au Burkina Faso, Niger, Tchad, Mali, Nigeria, tous ces pays souffrent actuellement de la faim aujourd’hui. La sécheresse, les conflits internes, le Covid et maintenant la guerre en Ukraine sont à l’origine de cette dramatique situation.

Une grande partie de l’Afrique est en proie à la crise alimentaire depuis une décennie. Quelles sont les causes du désastre ? Plusieurs facteurs se combinent. Tout d’abord, le manque d’eau. "Il y a des facteurs qui ne sont pas nouveaux, mais qui se sont accentués, c’est tous les effets du changement climatique que l’Afrique de l’Ouest subit de plein fouet, les inondations, les précipitations qui commencent tôt ou qui s’arrêtent tôt" explique Assalama Dawalak Sidi.

L’Afrique de l’Ouest est particulièrement impactée. "Statistiquement parlant, nous assistons actuellement à 27 millions de personnes qui sont déjà affectées par cette crise alimentaire et nutritionnelle. Et si rien n’est fait d’ici juin, il y aura 11 millions d’autres personnes qui vont se rajouter. Donc d’un point de vue statistique, c’est effectivement la pire crise alimentaire et nutritionnelle à laquelle on assiste dans des pays comme le Nigeria, le Niger, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad".

Des pays qui sont tous affectés par les conflits qui les déchirent. "Avec aujourd’hui plus de quatre millions de personnes qui sont déplacées internes ou qui sont des réfugiés abandonnant tout, les sols agricoles sont soit abandonnés, soit endommagés".

La production de céréales aurait chuté d’un tiers dans certains endroits du Sahel. Ce que confirme la directrice régionale d’Oxfam : "Nous constatons un déclin, ou je dirais une chute, de la production agricole dans la majorité des pays africains. Si je prends le Niger, par exemple, entre l’année dernière et cette année, il y a eu une chute d’environ 36%. Mais globalement, nous assistons à une chute de plus de 7%, en moyenne, de la production des cinq dernières années en Afrique de l’Ouest. Et les stocks s’épuisent. Donc là, nous assistons déjà à plusieurs personnes qui passent la nuit le ventre vide ou des gens qui sont en train de retirer leurs enfants de l’école pour pouvoir justement faire face à cette crise alimentaire et nutritionnelle".

Image d’illustration
Image d’illustration © Tous droits réservés

Covid-19

Et la crise du coronavirus s’est donc ajoutée aux causes : "le Covid 19 qui s’ajoute parce qu’il n’a pas impacté l’Afrique de l’Ouest comme le reste du monde. Mais il y a eu des mesures qui ont été prises, telles que la fermeture des frontières qui a occasionné une limite dans le transport et le déplacement des personnes et des vivres" ajoute la directrice régionale d’Oxfam.

Enfants en danger

"Nous assistons à environ cinq millions d’enfants aujourd’hui qui sont dans une situation de crise nutritionnelle très sévère. Ce qui est alarmant parce que nous savons que la crise nutritionnelle peut affecter ces enfants à vie, d’un point de vue cognitif, mais aussi leur développement".

Ukraine et Russie

Et puis, il y a évidemment la guerre en Europe de l’Est. "Et la crise en Ukraine, effectivement aujourd’hui qui est en train de profiter tout le monde et y compris l’Afrique de l’Ouest". Et des prix qui devraient continuer à s’envoler : "Le prix des denrées a augmenté déjà de 20 à 30% ces cinq dernières années en Afrique de l’Ouest. Et la crise en Ukraine pourrait cette année augmenter davantage ces prix. Parce que nous avons aussi des pays africains qui importent le blé, soit de la Russie ou de l’Ukraine. Et aujourd’hui, nous avons environ six pays ouest-africains qui importent 30 à 50% de leur blé de ces pays. Donc, à partir du moment où cela n’est plus possible, ça mettra la pression sur les autres denrées alimentaires qui elles-mêmes, soit n’existent plus, soit ont diminué. Et cette inflation ne permet pas aux personnes vulnérables de pouvoir joindre les deux bouts. Et bien entendu, nous avons des personnes déjà qui ont commencé à sauter des repas pour pouvoir s’ajuster et survivre à cette crise alimentaire" s’inquiète Assalama Dawalak Sidi.

 

Les céréales qui sont consommées en Afrique de l’Ouest, ce n’est pas seulement le blé. Et notre invitée d’expliquer un phénomène : "Le blé constitue une bonne partie de la consommation dans certains pays. Alors, à partir du moment où il y a rupture dans l’importation de la quantité de blé, ça veut dire que cela créer une inflation des autres produits et ce qui n’est plus à la portée de la ménagère vulnérable ou de la personne déplacée interne qui est dans un camp de déplacés ou un camp de réfugiés".

Aide internationale en baisse

"Ça, c’est l’une de nos plus grosses préoccupations" avoue la directrice régionale d’Oxfam.

"Nous avons déjà constaté certains pays ou bailleurs institutionnels qui commencent à réduire leurs appuis financiers dans le cadre du développement pour pouvoir le transférer et appuyer les réfugiés ukrainiens qui sont dans les autres pays européens. Donc, nous avons actuellement le Danemark qui a décidé de réduire l’appui au développement prévu pour le Mali d’environ 50%. Et cela nous inquiète beaucoup parce que déjà nous avons l’année dernière seulement 48% des financements qui ont été mobilisés pour le plan de réponse humanitaire. Et il faut que quelque chose soit fait parce que cette année, le nombre de personnes affectées est encore plus important. Donc il faut forcément que les bailleurs s’y mettent pour mobiliser davantage de ressources financières, pour permettre justement à cette crise alimentaire d’être jugulée pour qu’on n’atteigne pas le cap des 38 millions de personnes. Ce serait extrêmement grave".

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