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Secteur culturel belge et Covid Safe Ticket, un "je t'aime moi non plus" qui touche à sa fin

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Par David Manfredini

Ce mardi 22 février, une carte blanche émanant d’une partie du monde de la culture belge a été publiée dans la section Opinion de La Libre. Elle a été co-signée par 335 lieux et organisations culturelles de Bruxelles et de Wallonie, ainsi que par 750 travailleurs des arts et de la culture.

Ses signataires ont décidé de faire entendre leur voix pour s’opposer au CST, le Covid Safe Ticket, un sésame obligatoire pour accéder à des représentations culturelles.

Jean-Michel Van Den Eeyden, directeur artistique de L’Ancre, est un des signataires de cette carte blanche : "Le CST nous place, nous lieu culturel, dans une position qui est plus qu’indélicate. On nous demande de jouer au vérificateur et à la police, ce qui n’est pas notre fonction. On doit refuser les personnes qui auraient oublié leur pass sanitaire ou qui ne sont pas en ordre de vaccination, mais qui ont quand même envie de se rendre dans un lieu de culture. Faire tenir le masque en salle, c’est déjà un combat." Plutôt qu’un pass, Jean-Michel Van Den Eeyden prône ainsi l’utilisation d’autres méthodes : "On a investi dans des machines très coûteuses pour purifier l’air, pour faire de l’extraction d’air et je crois plus à des éléments concrets comme ceux-là que le pass vaccinal. Si le CST était la réponse au Covid, je crois qu’il y aurait peu de monde qui s’y opposerait. Je ne dis pas que j’ai la réponse à cette question de pandémie, mais le CST n’est pas la réponse."

Un CST qui n’a plus sa place dans la situation actuelle

De son côté, l’épidémiologiste Marius Gilbert, chercheur en épidémiologie à l’Université libre de Bruxelles, est assez mitigé sur l’efficacité du CST dans la situation actuelle de l’épidémie : "Au départ, c’est un instrument qui a deux fonctions. La première fonction était d’essayer d’éviter que des personnes plus à risque d’être infecté et de faire des formes sévères, et donc non vaccinées, se retrouvent dans des lieux où la transmission était plus difficile à empêcher. Mais c’est une efficacité théorique, ce n’est pas une efficacité qui a été démontrée. C’est une efficacité qui est déduite de l’efficacité vaccinale. À ma connaissance, on n’a cependant pas pu démontrer à ce jour l’efficacité du dispositif à l’échelle des lieux ou à l’échelle de la population."

On remplace une activité à risque par une autre

Il évoque notamment certains phénomènes susceptibles de compromettre l’efficacité du CST : "On a vu avec le temps que l’efficacité vaccinale contre le risque d’infection a diminué et diminue généralement avec le temps depuis la vaccination. On peut avoir des personnes qui sont doublement ou triplement vaccinées infectés et qui sont susceptibles de transmettre le virus dans des lieux où ils pourraient être avec le CST. La deuxième chose, c’est que les personnes qui ne vont pas dans des lieux soumis au CST, comme des spectacles ou des restaurants, continuent d’avoir une vie sociale et des activités à risque dans des lieux privés. Le gain en termes de prévention des risques à l’échelle de la population devient très minime puisque l’on remplace une activité à risque par une autre activité à risque dans d’autres endroits."

Le bénéfice incitatif du CST par rapport à la première vaccination a été plus limité

Concernant l’efficacité de l’incitation à la vaccination du CST, l’épidémiologiste n’est pas non plus convaincu : "Il y a des pays dans lesquels la mise en place d’un pass sanitaire a été suivie d’une augmentation assez rapide du nombre de personnes qui se sont fait vacciner, mais en Belgique, ça a été moins un peu moins le cas, car il a été introduit assez tard. À un moment où l’on était déjà à des niveaux bien plus élevés de vaccination qu’en France par exemple. Le bénéfice incitatif du CST par rapport à la première vaccination a été plus limité. "Il ajoute que le CST n’est plus efficace auprès des tranches toujours récalcitrantes à la vaccination : "Ceux qui n’étaient pas convaincus par la vaccination. Les personnes franchement hostiles à la vaccination, chez ces personnes-là, ce n’est pas le CST qui va changer la donne, au contraire, ça a plutôt tendance à les braquer davantage. Il y a également des personnes qui sont dans des situations de précarités et pour lesquelles la vaccination vient après tous leurs problèmes, ils n’en voient pas le sens. Ces personnes-là sont peu impactées par le CST. Enfin, il reste très peu de personnes indécises qui pourraient être impactées par le CST."

Une carte blanche orientée, selon Yves Van Laethem

S’il partage certains avis sur le fait de devoir mettre au placard le CST dans la situation d’épidémie actuelle, Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral de la lutte contre le coronavirus, juge cependant que cette carte blanche présente un certain nombre de biais : "Je suis mitigé vis-à-vis de cette carte blanche. Personne ne va défendre un Covid Safe Ticket en train de mourir. C’est un peu le chant du cygne du Covid Safe Ticket. Dire que l’on pense faire un pass vaccinal alors que plus personne ne pense à une obligation et à un pass, je trouve ça par contre un peu excessif."

Il estime que la carte blanche oublie volontairement certains secteurs culturels : "Lorsqu’il a été lancé, il est vrai que c’était lancé essentiellement pour les manifestations de masse. Mais les manifestations de masse en culture ça existe aussi. Ils font un peu l’impasse sur une partie de la culture dans cette carte blanche."

Le porte-parole juge également que l’incitation vaccinale n’a pas été aussi forte que dans d’autres pays : "Ça n’a jamais été aussi exacerbé que chez nos voisins français. On n’a jamais fait ça pour ça. Certains hommes politiques ont pu le rattacher à la vaccination, mais ça n’a jamais été poussé comme ça l’a été en France."

Le CST est voué à être mis au placard

Enfin, Yves Van Laethem précise qu’aucun effet négatif sur la transmission du virus n’est à attribuer au CST : "Ça n’a pas eu un effet délétère par rapport aux endroits où cela a été appliqué. Ça a eu un effet délétère dans l’esprit des gens, qui, étant vaccinés, et accessoirement ayant un pass vaccinal, se sont dit “je peux faire n’importe quoi dans ma sphère privée. Et j’embrasse tout le monde et on est à 15 dans la maison et on danse ensemble…” Il est là l’effet délétère. Mais ce n’est pas l’effet du pass vaccinal, c’est l’effet de la croyance qu’on a eu tous, y compris les scientifiques, dans la protection de la vaccination dans certaines circonstances. Je ne dis pas que le pass était nécessaire, mais il n’a pas conduit à plus de contamination. Ils expriment les choses d’une manière qui me semble biaisée. On mélange plusieurs facteurs et on le tourne comme on veut le tourner par rapport à son secteur. Un secteur culturel que je défends pourtant, régulièrement lorsque je m’exprime dans les médias."

Il conclut en évoquant la mise au placard définitive du CST demandée par les signataires : "Le CST est voué à être mis au placard, quitte à être ressorti en fonction du prochain vaccin, du prochain variant. C’est comme la discussion de l’obligation vaccinale, cela doit être mis au placard, mais ça ne doit pas être enterré. C’est quelque chose qui devrait être réfléchi et appliqué lorsque cela aura du sens."

Le CST pourrait bientôt être mis de côté

À l’approche du prochain Comité de concertation ce 4 mars, qui pourrait lever quasiment toutes les restrictions liées à l’épidémie, dont la fin de l’obligation du CST élargi, les ministres de la Santé du pays ont par ailleurs fait le point sur la situation ce mercredi. " Ce mercredi matin, en CIM Santé, j’ai proposé à mes collègues que le CST puisse être levé dès la confirmation du passage en code jaune ", expliquait Christie Morreale, la ministre wallonne de la Santé ce mercredi 23 février.

Vers une prochaine suppression du CST ? : JT 23/02/2022

Covid Safe Ticket / Vers une suppression prochaine ?

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