Séisme en Turquie et en Syrie

Séisme en Turquie et Syrie : un tremblement de terre pas comme les autres, dans la crainte du "Big One" dévastateur

Le focus sur la situation en Turquie - Partie 2

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Entre 500.000 et 1 million de séismes, en moyenne, frappent notre planète chaque année. Et si la plupart ne sont pas ressentis par les humains, certains peuvent engendrer des catastrophes comme celui de ce lundi en Turquie et en Syrie. Pourquoi cela ? Est-ce prévisible ? Pour en parler avec François Heureux ce matin sur les antennes de la RTBF, Michel Van Camp, sismologue à l’UCLouvain et à l’Observatoire royal de Belgique. Ces secousses d’une ampleur exceptionnelle sont-elles à proprement parler exceptionnelles ?

Pour le sismologue, si la tectonique des plaques explique sans mal ce tremblement de terre, d’autres éléments méritent d’être soulignés car un séisme n’est pas l’autre : "Je voudrais d’abord réagir à ce qu’a dit l’intervenant précédent quand il dit que les séismes d’Izmir en 1999 étaient tout à fait inattendus. Ce n’est pas vrai. On sait que la Turquie et certaines zones dans le Sud, comme hier, ou le nord, comme du côté d’Istanbul, sont des régions à fort aléa sismique. Le problème, c’est qu’à un endroit donné, de tels tremblements de terre ne se produisent que tous les 100 ou 200 ans. Et dans la mémoire des gens, c’est comme les inondations chez nous, ça s’oublie. Ce tremblement de terre n’était pas à proprement parler inattendu, mais c’est vrai que la magnitude était quand même plutôt forte, même pour la région. On s’attend peut-être plus à des 7,4 ou 7,5 maximum. Qu’est-ce qu’un tremblement de terre ? C’est le mouvement brutal de deux morceaux de croûte terrestre qui se mettent à glisser brutalement l’un contre l’autre. Et un tremblement de terre n’est pas l’autre. Parfois, les morceaux de côté peuvent glisser l’un contre l’autre un peu plus gentiment, si j’ose dire, ou parfois beaucoup plus brutalement. Et ici, le glissement a été particulièrement bref et intense, ce qui a généré d’autant plus de secousses et contribué aux dégâts".

Cela pose la question de nouvelles répliques. Doit-on s’attendre à de nouvelles secousses et de quelle amplitude ? "Hélas, oui", répond Michel Van Camp. "D’abord, ce qui est déjà un peu plus exceptionnel, mais pas tout à fait inhabituel non plus, c’est qu’on a eu ce qu’on peut appeler un séisme composite, c’est-à-dire un premier de 7,8 et un autre sur une autre faille de 7,5. Techniquement, ce n’est pas une réplique, c’est un second séisme causé par le premier. Donc on peut espérer qu’il n’y en aura plus d’autres. Et les répliques, quand vous avez un séisme de magnitude 7,5, vous devez vous attendre à au moins une réplique de magnitude 6,5, ce qui reste un séisme très fort. Par exemple, un 6,5 sous la Belgique, c’est toute la Belgique qui en souffre et les pays limitrophes. Et vous pouvez vous attendre à des dizaines de répliques autour de 5 ou 6, ce qui peut-être très destructeur localement, d’autant que les bâtiments sont fragilisés. Je dirais que les fortes répliques vont encore durer de l’ordre d’une à deux semaines, mais ça va normalement en décroissant".

De par sa situation dans une zone à forte activité sismique, la Turquie, à l’instar de la Californie, vit sous la menace de ce que l’on appelle un "Big One", un séisme dévastateur qui pourrait notamment frapper Istanbul. Les Turcs sont-ils prêts ? Pour le sismologue de l’UCLouvain il est impossible de ne pas en tenir compte et les Turcs en sont conscients : "Oui, cet événement fait très peur. Les Turcs s’y préparent. Si vous regardez une carte des aléas sismiques dans le monde, la Turquie est un des endroits les plus rouges que vous pouvez trouver. Dans tout le nord de la Turquie, d’est en ouest, il y a ce qu’on appelle la faille nord-anatolienne qui traverse Istanbul, et dans le Sud, il y a ce qui a malheureusement bougé hier. Istanbul est vraiment une zone qui pose des gros soucis parce qu’on sait que tôt ou tard il y aura un tremblement de terre dans le même genre que celui d’hier. Et évidemment, Istanbul, c’est plus de 10 millions d’habitants. Les Turcs ont des excellents ingénieurs et ils ont des systèmes, notamment d’alerte précoce. Au moment où le tremblement de terre se produit, s’il est suffisamment loin de la ville, on peut par exemple arrêter des trains et ce genre de choses, fermer le gaz ou arrêter des ascenseurs. Ils font beaucoup. Le problème, c’est que le bâti est ancien. Le problème, comme partout, c’est que vous avez de la corruption ou même du simple amateurisme dans la construction. Quand vous voyez un immeuble détruit et que vous voyez à la place des fers à béton ou du béton, de la frigolite ou des bidons vides, ça pose des questions. Et on ne voit pas ça qu’en Turquie. Je pourrais vous montrer un exemple à Taïwan, par exemple. Et comme disait un collègue, le monde irait beaucoup mieux au niveau sismique si le béton était transparent. J’entends par là que si on pouvait voir ce que tripotaient parfois certains entrepreneurs en coulant leur béton, on éviterait peut-être déjà pas mal de problèmes".

Sur une planète "vivante", dans quelle mesure est-il possible de prévoir ces "Big One" dévastateurs ? Peut-on dire quand il se produira ou tout le moins les anticiper ? Là aussi, Michel Van Camp est très clair : "Le mot 'prévoir', au sens de mes collègues météorologues qui vous disent qu’il pleuvra demain, non. Par contre, on a fait énormément de progrès dans la prévention, pouvoir dire aux ingénieurs et aux constructeurs qu’il y a une probabilité de tant d’être secoués de telle manière dans les 50 ans à venir. Et ça, on y arrive maintenant avec pas mal de précision. C’est pour ça que je vous parle des cartes d’aléas, ce sont des cartes de chance, de probabilité d’avoir des fortes secousses du sol. Et quand je vous dis qu’elles sont rouges à Istanbul, c’est parce qu’on le sait, on connaît les failles, on connaît leurs déformations, notamment avec les mesures GPS, et on sait qu’on a tiré très fort sur l’élastique et on sait que l’élastique est prêt à craquer. Le problème, c’est qu’on ne peut pas vous dire si c’est demain ou dans 50 ans. Et la meilleure solution à apporter à ça, c’est de construire de manière que rien ne s’effondre, parce que si je vous dis que ça tremble demain, vous n’allez pas empêcher un bâtiment mal construit de s’effondrer et d’avoir des dégâts économiques".

La science au secours de l’homme donc, sans aucun doute mais aussi l’homme au secours de lui-même à travers la manière dont il érige et colonise la planète. ses pratiques Turquie, l’une des régions les plus rouges sur les cartes de risques sismologiques,

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