On n'est pas des pigeons

Séjours linguistiques : Education First, les plaintes pour séjours ratés s'accumulent

Education first: les plaintes pour des séjours ratés s'accumulent

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Par C. Dath via

Il semblerait que les séjours linguistiques vendus par Education First, ne soient pas aussi idylliques que ce qu’ils montrent sur leurs brochures et vidéos. Plusieurs jeunes font état de logement miteux et de familles d’accueil, guidées uniquement par l’argent.

Le séjour de certains étudiants partis avec EF vire à la catastrophe. Ils sont parfois logés dans des familles très peu présentes et dans des logements sales, voire insalubres.
Le séjour de certains étudiants partis avec EF vire à la catastrophe. Ils sont parfois logés dans des familles très peu présentes et dans des logements sales, voire insalubres. © Getty Images

Si nous vous parlons de EF, le leader des voyages linguistiques, c’est parce que plusieurs témoignages nous sont parvenus via la boite mail d’On n’est pas des Pigeons. Deux étudiants de 17 ans sont partis à Londres avec l’organisation lors des dernières vacances de printemps et ça ne s’est pas du tout passé comme ils l’avaient imaginé.

 

Des logements vraiment très limites

Dylan a économisé tout l’été afin de s’offrir ce voyage linguistique dont il rêvait. " Mon rêve, c’était d’aller à Londres ", écrit-il. Mais dès son arrivée dans la maison, les illusions s’écroulent. La maison était en pagaille, très sale et il y avait du linge sur les escaliers. J’étais choqué ", confie le jeune.

… il n’était pas à Londres, mais à Purley. Il avait 1h30 de marche, de train, puis de transports à Londres.

Aymeric a lui connu deux familles d’accueil. Le premier logement était correct, mais trop loin du campus, selon lui et sa famille. " Nous avons constaté qu’il n’était pas à Londres, mais à Purley. Il avait 1h30 de marche, de train, puis de transports à Londres ", estime sa maman Nathanaëlle. Il demande alors à changer de famille et lors de sa deuxième semaine, il arrive chez une dame dont le logement n’est pas rangé, propre, mais surtout il est envahi par une odeur de cigarette. " Elle lui a dit que ça devait être un autre jeune qui fumait, qu’elle ne savait pas ", raconte, perplexe, sa maman.

La cuisine d'une famille d'accueil d'Education First

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Sur internet, on retrouve aussi des témoignages accablants. " J’ai des potes qui sont dans des endroits ultra-insalubres, j’ai des potes qui n’ont pas de chauffage ", témoigne sur TikTok une étudiante partie avec EF. " J’ai un pote à moi qui a une souris dans sa chambre. "

Il y avait une chambre en haut, donc finalement, on était cinq ou six.

Pour Rémi, parti à Malte en août 2020, le logement était relativement correct, mais il y faisait très chaud, d’autant plus qu’ils étaient plusieurs étudiants en même temps. " On était dans une pièce séparée en deux par une sorte d’armoire et dans cette pièce, on était quatre. Il y avait une chambre en haut, donc finalement, on était cinq ou six ", se souvient le jeune étudiant. Le contrat stipule pourtant que ce sont des chambres doubles. Et dans ses amis, partis depuis la Belgique en même temps que lui, certains ont été encore plus mal lotis. " Il y en avait qui étaient dans des familles où il y avait de la moisissure et des cafards ", dénonce Rémi.

Des familles absentes motivées par l’argent

Au-delà du logement, ce sont aussi parfois les familles d’accueil qui font défaut. Peu présentes, elles ne prennent pas les étudiants EF sous leurs ailes. Dans la deuxième famille d’Aymeric, " la dame ne semblait pas vouloir s’occuper de qui que ce soit. Elle lui a dit : ‘tu te débrouilles, tu ne respectes pas le couvre-feu, ce n’est pas mon problème’", raconte Nathanaelle, sa maman. Et alors qu’il a payé pour une demi-pension la semaine, petit-déjeuner et repas du soir, et pension complète le week-end, sa famille d’accueil ne respecte pas du tout le contrat. " Elle lui a dit : ‘Tu te prépares à manger. Il y a des pâtes et du riz. Tu fais ta vaisselle' et elle est retournée dans sa chambre ", raconte Nathanaëlle.

Ils nous vendaient l’image de la famille d’accueil dont on serait proche et en fait, ce n’était pas du tout ça.

Tout comme sa première famille, dans laquelle il est resté 5 jours, la deuxième accueillante est absente. Il n’y a aucun moment de partage, d’échange, peu ou pas de dialogue avec la famille. Pourtant, c’est ce qui avait motivé Aymeric et Dylan à prendre l’immersion chez l’habitant.

A son arrivée, Dylan est allé à la rencontre de sa mère d’accueil. Je suis allé vers elle en bas parce qu’une famille d’accueil prend soin de son étudiant, lui demande d’où il vient, s’il a des frères et/ou des sœurs et donnerait des conseils à ses étudiants. Mais non, pas du tout. J’étais invité à retourner dans ma chambre ", explique-t-il. " J’ai directement compris qu’elle faisait ça pour l’agent ".

J’ai directement compris qu’elle faisait ça pour l’argent.

Un sentiment partagé par Rémi. " Ils nous vendaient l’image de la famille d’accueil dont on serait proche et en fait, ce n’était pas du tout ça, se souvient-il. […] On sentait que c’était vraiment un complément de revenus pour eux et qu’ils nous fournissaient un lit où dormir le soir. "

Les familles sont payées

EF verse en effet une compensation aux familles pour couvrir une partie des dépenses supplémentaires qu’elles doivent engager pour s’occuper de nos étudiants ", écrit le leader mondial des séjours linguistiques dans un communiqué qu’ils nous ont envoyé en guise de réponse à nos questions. " Les familles d’accueil EF sont soumises à un processus de sélection rigoureux qui comprend une vérification des antécédents, une visite à domicile et un entretien personnel. "

La cuisine de la deuxième famille d’accueil d’Aymeric, dans laquelle il n’est pas resté.
La cuisine de la deuxième famille d’accueil d’Aymeric, dans laquelle il n’est pas resté. © Aymeric

Si ça passe mal, EF dit entendre les commentaires des étudiants et réagir rapidement pour trouver un hébergement alternatif " dans le cas rare où l’état d’un hôte ou d’une résidence EF se serait détérioré depuis l’inspection ", écrivent-ils. Mais ces cas ne sont pas si rares que ça à entendre les témoignages et à lire les commentaires.

Quand mes copines ont demandé à changer de logement pour aller dans une résidence EF, on leur a dit qu’il faudrait payer plus cher.

Et lorsque Rémi nous raconte la situation de ses deux amies, confrontées à des cafards et de la moisissure, il fallait plutôt batailler pour ses droits. " Quand mes copines ont demandé à changer de logement pour aller dans une résidence EF, on leur a dit qu’il faudrait payer plus cher ", assure-t-il.

Education First serait aux abonnés absents

Dans chaque école et dans chaque ville dans lesquelles ils sont déployés, Education First travaille avec des personnes pour gérer les problèmes de logement, de famille. Sauf que dans les faits, ces responsables ne sont pas toujours présents ou pas toujours à l’écoute. " J’ai pris rendez-vous sur rendez-vous sans arrêt, je montrais des preuves à un fameux Adam hyperprétentieux du bureau des logements de l’école EF. Il se fichait vraiment de moi et de mon problème. Il me disait qu’il allait contacter la famille pour ‘réparer ça’",  raconte Dylan.

Le problème, c’est que EF ne répond pas. EF te renvoie toujours la balle

Finalement, EF trouve une nouvelle famille dès le lendemain soir. Mais l’ancienne accueillante de Dylan, ne veut plus de lui. Vers 22 heures, l’école l’appelle. " J’étais sur le point d’aller vers des agents de police quand ils m’appellent enfin pour me proposer une famille d’accueil à une localisation qui ne permettait pas d’accès rapide, je devais prendre plusieurs bus et des métros pour m’y rendre à cette heure-ci ", raconte Dylan. Il décide de prendre un hôtel. Le lendemain, déçu, Dylan décide de rentrer en Belgique.

Récit similaire du côté d’Aymeric. " J’ai dû retéléphoner plusieurs fois. Les échanges (avec le bureau belge, ndlr) étaient assez virulents puisqu’Aymeric étant parti à Londres, la facture ayant été payée totalement, le contact relationnel était nettement moins sympathique et cordial de leur part quant à trouver une solution ", estime sa maman.

Ces témoignages ne sont pas uniques. Sur internet, dans les commentaires, d’autres personnes se plaignent du manque de communication avec l’organisation linguistique. " Le problème, c’est que EF ne répond pas. EF te renvoie toujours la balle, ils te disent d’aller voir untel, d’aller voir untel, d’aller voir untel, mais finalement, tu n’as jamais de réponse ", se plaint une TikTokeuse.

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Education First ne voit que de " rares " problèmes

Education First ne semble pas réaliser l’ampleur des problèmes. Il ne fait aucun doute que la grande majorité de nos étudiants sont satisfaits de leur expérience internationale et que nombre d’entre eux voyagent avec nous à plusieurs reprises ", se contente de réagir EF, qui est pourtant responsable des voyages de nombreux étudiants mineurs. " Nos programmes ne pourraient tout simplement pas exister à une telle échelle, depuis si longtemps, si nos engagements ne reflétaient pas l’expérience typique vécue par nos étudiants. "

On nous a vendu un Club Med et mon fils s’est retrouvé à faire un Koh Lanta.

C’est vrai, beaucoup de jeunes partent et sont très heureux de leur séjour. D’autres ont des soucis avec des familles, mais l’expérience reste, pour eux, la plus incroyable de leur vie. Et puis, il y a ceux pour qui ce séjour linguistique laisse de trop mauvaises surprises. Ce sont eux qui nous ont contactés, mais ils ne sont pas isolés. Sur internet, on peut lire de nombreux messages très négatifs : " arnaqueurs ", " à fuir ", " honteux ", " quelle déception ". Les étoiles rouges, synonymes d’avis négatifs, sont bien trop nombreuses pour une organisation de l’ampleur et de la taille d’Education First qui a pignon sur rue. " On nous a vendu un Club Med et mon fils s’est retrouvé à faire un Koh Lanta ", constate la maman d’Aymeric alors que Rémi estime que " le contexte dans lequel EF nous met n’est pas ce qu’ils nous vendent au départ."

Les familles attendent aujourd’hui des dédommagements

Les prix proposés par EF dépendent de la destination, du type de logement : en famille, moins cher, ou en résidence. Pour deux semaines à Londres, Dylan a payé aux alentours de 1800 euros. Aymeric a lui déboursé 2000 euros. 2370 euros pour Rémi lorsqu’il est parti à Malte pour quatre semaines en 2020. A ces montants, il faut rajouter l’argent de poche sur place, les voyages aller et retour, les transports sur place et d’éventuelles activités ou souvenirs.

Dans la deuxième famille d’Aymeric, les étudiants avaient un salon dans lequel ils étaient autorisés à rester. La dame était enfermée dans sa chambre.
Dans la deuxième famille d’Aymeric, les étudiants avaient un salon dans lequel ils étaient autorisés à rester. La dame était enfermée dans sa chambre. © Aymeric

Des montants que les trois familles réclament aujourd’hui, en partie en tout cas. Dylan a écourté son projet pour revenir en Belgique. Aymeric a finalement logé un week-end et la deuxième semaine chez des proches de sa famille qui vivent à Londres. Quant à Rémi, il est arrivé alors qu’une nouvelle vague de Covid venait de démarrer sur l’île. Il n’a eu que des cours à distance et il a finalement choisi de rentrer en Belgique plutôt que de se confiner dans sa chambre, partagée, on vous le rappelle, avec trois autres personnes sous une chaleur étouffante. " On nous a proposé un remboursement de 500 euros ", se souvient Rémi. Sa mère a refusé, elle estime que ce n’est pas assez. Aujourd’hui, elle n’a toujours pas de nouvelle d’EF.

On nous a proposé un remboursement de 500 euros.

Quant aux parents d’Aymeric, ils réclament aussi un dédommagement pour la deuxième semaine, mais EF Belgique refuse de rembourser l’hébergement qui est " à 0€ car compris dans la formule", écrit un responsable dans un mail. Leur proposition : 50€ de remboursement et une remise de 20% sur un futur séjour ". Les 50 euros correspondent, selon eux, à la différence entre les cours avec logement inclus ou les cours sans logement. Une proposition que Nathanaëlle et son mari ont refusée. Ils ne comptent pas non plus utiliser la réduction pour un prochain voyage. " Ce qu’on lui a vendu n’est pas ce qu’il a eu ", conclut-elle.

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