La couleur des idées

Serge Tisseron, psychanalyste et psychiatre : « Le déni est une sorte de bras de fer avec la réalité »

Le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron

© Eric Fougere – Corbis / Getty Images

Ce samedi dans la couleur des idées, Pascale Seys reçoit le psychanalyste et psychiatre Serge Tisseron. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages autour des images, des secrets de famille, des émotions et de l’empathie, il publie chez Albin Michel un nouvel essai intitulé "Le Déni ou la fabrique de l’aveuglement" dont l’écriture a débuté en 2020, lors de la première vague de Covid-19. À cette époque, le mot est sur toutes les lèvres, employé à toutes les sauces, chacun semblant y mettre sa propre signification. Serge Tisseron s’interroge alors : "Ceux qui emploient ce terme, que veulent-ils dire ? Que signifie ce mot, "déni" ? Comment s’installe-t-il ? Quelles en sont les particularités ? Peut-on être dans le déni d’une partie de soi ? Et surtout, comment en sortir ?". Ne trouvant pas de réponse dans la littérature, qu’elle soit philosophique ou psychanalytique, Serge Tisseron décide d’y remédier et se met au travail.

Notre invité opère une distinction majeure entre le déni d’une part et les biais cognitifs de l’autre, ces erreurs de jugement qu’Olivier de Schutter, rapporteur spécial à l’ONU, évoquait au micro de Pascale Seys la saison passée et qui expliquent en partie notre incapacité à prendre en compte l’urgence climatique et à adapter nos comportements face à elle. Les biais cognitifs peuvent être contrés, en effet, une personne souffrant de dissonance cognitive est tout à fait prête à changer d’opinion si on lui prouve qu’elle a tort, le déni lui est beaucoup plus difficile à combattre. Serge Tisseron le résume ainsi :

Le biais cognitif se situe du côté de la paresse intellectuelle, le déni c’est autre chose, c’est une sorte de bras de fer contre la réalité.

Le déni est d’abord un mécanisme protecteur, c’est une façon de se donner le temps et les moyens d’assimiler une réalité très douloureuse. Serge Tisseron pose donc un avertissement :

Il ne faut pas brusquer les personnes qui sont dans le déni.

Alors comment faire pour qu’il ne s’installe pas ? Le déni se construit en plusieurs étapes. Il est d’abord la volonté d’éviter une information trop douloureuse, celle-ci peut être d’ordre intime (l’annonce d’un décès par exemple) comme politique (la crise climatique). D’abord, l’on va chercher à ignorer l’information puis l’on va chercher des arguments pour la réfuter. Il est très difficile de trouver seul les arguments à opposer à une réalité, les personnes dans le déni vont donc chercher du soutien auprès de groupes, notamment sur les réseaux sociaux. Ces mêmes réseaux sociaux vont alors les conforter dans leurs opinions premières du fait de leurs algorithmes qui vont leur envoyer des informations qui confirment leur a priori. En général, à ce stade-là, la théorie du complot n’est pas loin. Le sujet dans le déni est alors convaincu qu’il est le défenseur d’une réalité cachée et que ce sont les autres qui sont dans le déni.

En médecin, Serge Tisseron préconise la prévention pour lutter contre le déni. Si nous sommes tous menacés par le déni, notamment les dénis de la vie intime, nous pouvons nous mettre dans une disposition psychique où l’on court moins de risque de s’enfermer dans le déni qu’on pourrait définir par un renoncement à la curiosité. La prévention passe donc par le fait de cultiver sa plasticité psychique en confrontant son opinion, en discutant avec des gens qui ne pensent pas comme nous, en restant ouvert à toutes les expériences...

Retrouvez l’intégralité de l’entretien mené par Pascale Seys, à écouter ci-dessous ce samedi 8 octobre dès 12 heures.

La couleur des idées

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