Serie A - Football

Série A - Arthur Theate sur le Gril : "On ne m'a rien laissé... alors aujourd'hui, je ne lâche plus rien !"

Dans "son" stade de Bologne, Arthur Theate se prête au petit jeu du selfie

© Tous droits réservés

Par Erik Libois

Sa chevelure (mais pas que…) avait crevé l’écran de Pro-League la saison passée : au gré de ses tacles rageurs, de son pied gauche profond et de ses coups de tête "au bout de sa life", il a gagné son ticket pour la Série A… 13 mois seulement après ses débuts pros. Il évoque Nicolas Anelka, la tactique vidéo, Cristiano Ronaldo, la méritocratie par le travail, Roberto Martinez, la notoriété et Marouane Fellaini. Mais aussi les coups francs de Siniša Mihajlović, ses rêves de Diable, Marko Arnautovic, le Standard de Liège et le Qatar. Et forcément… la sauce bolo. Arthur Theate passe " Sur le Gril ".

Arthur Theate en interview vidéo depuis Bologne

On le cueille en interview Zoom, tout au bout d’une journée-marathon, scandée par l’entraînement de terrain, une session de muscu, puis enfin une séance vidéo centrée sur les prochains profils des week-ends à venir. Bienvenue à Bologne.

Quand on parle de la tactique à l’italienne, ce n’est pas faux " sourit Arthur Theate, depuis un local du stade Renato-Dall’Ara. " Rien n’est laissé au hasard, on vous enfourne vidéo sur vidéo, où sont analysés toutes les facettes du jeu des avants que vous allez devoir surveiller : pied gauche, pied droit, avec la fréquence des appels, des feintes, des centres ou des frappes. Après, on vous laisse aussi de la place pour, en match, jouer à l’intuition… mais au moins, vous disposez de tous les détails pour prendre la bonne décision. Je ne parle pas encore italien, je vais recevoir des cours mais je comprends déjà l’essentiel… et dans le foot, quelques mots suffisent : ‘à gauche’, ‘à droite’, ‘remonte le bloc’, ‘stop’, c’est international ! (clin d’œil) Mais la communication est centrale quand on joue en défense : j’ai la chance d’être piloté par des mecs comme Gary Medel (NDLA : ex-Inter et Séville) et Adama Soumaoro (NDLA : ex-capitaine de Lille), et ça le fait… "

Arthur Theate lors de son dernier match en Belgique... à Sclessin.

Ayant participé à 4 matches sur 7 possibles, Theate a crevé l’écran… en grattant deux buts (face à l’Inter et la Lazio !) et un assist ! Et ce samedi, c’est l’AC Milan de Zlatan Ibrahimovic et Olivier Giroud qui se dresse face à lui.

C’est cool, hein ? " rigole-t-il. " Comme tous les gamins, j’ai rêvé de ça, mais aujourd’hui, je me rends compte que je ne suis pas plus impressionné que ça… Moi, quand je monte sur un terrain, je raisonne toujours pareil : je dois manger mon opposant direct, ne rien lui laisser, aucun ballon, aucun contrôle. Nicolas Anelka le disait : ‘aucun joueur ne m’est supérieur, je suis plus fort que mon adversaire !’ Sinon, vous êtes mort ! On ne m’a rien laissé quand j’étais jeune… donc là que je tiens quelque chose, je ne lâche plus rien ! Il y a 15 mois, aucun club ne me voulait… et samedi, j’affronte Zlatan. Donc je remercie tous ceux qui ne m’ont pas fait confiance, car les embûches m’ont endurci. Chaque matin, je me lève pour l’entraînement : je bouffe les godasses, je bouffe les ballons, je bouffe tout ! Et pareil pour Zlatan et Giiroud samedi… Je n’ai jamais rien lâché : je suis toujours arrivé le premier et reparti le dernier… et pourtant, parfois j’en avais marre ! Je regrette juste que Cristiano Ronaldo ait quitté le Calcio car j’aurais bien aimé me jauger face à lui. Contre Karim Benzema aussi ! Peut-être un jour en Ligue des Champions ? (rire) Un maillot de Zlatan ou un selfie avec lui ? S’il me le propose, pourquoi pas… (clin d’œil) mais ce sera pour faire plaisir à mes potes. Moi, ça ne me dit pas plus que cela… "

" Le cancer, le plus grand des matches… "

Au quotidien, Theate tourne sous la férule d’un ex-grand nom du Calcio : son coach se nomme Siniša Mihajlović…

Le coach dit souvent qu’on joue comme on s’entraîne… et je pense comme lui. C’est une vraie référence pour moi : il joue à mon poste et il est gaucher, et ça a joué dans mon choix de signer à Bologne car il va beaucoup m’apprendre. Je ne l’ai pas encore vu faire ses fameuses frappes à l’entraînement, mais je suis allé sur YouTube… et c’est fort. Je n’oserais pas prendre les coups francs devant lui : je le ferais même rentrer en match pour les tirer à ma place ! (rire) Le premier truc qu’il m’a dit, c’est qu’encaisser un but était ce qu’il détestait par-dessus tout… et c’est aussi mon cas, donc ça nous fait déjà un point commun ! C’est un guerrier et sa force mentale est une vraie source d’inspiration : il a vaincu un cancer, et ça c’est le plus grand des matches que vous pouvez gagner... Aujourd’hui, il est en forme, et ça s’entend quand il crie ! " (rire)

Avec Eden Hazard chez les Diables Rouges
Avec Eden Hazard chez les Diables Rouges © Belga

Transféré d’Ostende à Bologne pour 6 millions d’euros (alors qu’il était arrivé au KVO comme joueur libre…), le Liégeois brûle les étapes. Sa prochaine : les Diables Rouges…

Je profite de chaque moment… quand je vois d’où je viens. Mais j’ai aussi confiance en moi et je me fixe chaque fois de nouveaux challenges : au début c’était signer pro, puis jouer mon premier match, puis deux, puis enchaîner… et ainsi de suite. Et dans ma tête, je vois déjà plus loin… et notamment les Diables Rouges. On a bien parlé, avec Roberto Martinez, quand il m’a convoqué pour la Nations League : il m’a posé la question… et je ne lui ai pas caché que je rêvais de jouer la Coupe du Monde pour mon pays. Le Qatar ? C’est proche et loin à la fois… On verra comment je progresse à Bologne, mais tout peut aller vite… dans un sens comme dans l’autre : vous pouvez perdre deux fois, causer un penalty et vous valsez à la trappe… Vous pouvez faire de bons matches… mais si votre équipe prend 54 buts (sic), c’est compliqué ! Mais c’est vrai qu’avant, on ne voulait de moi nulle part… et aujourd’hui, j’ai l’impression que je suis chaque fois là au bon moment ! Apparemment, la roue a tourné… "

" Ils ont lâché ma laisse, comme un chien… "

Appelé en Nations League, mais sans gratter de minutes, Theate a franchi le palier des Diablotins.

Jouer à l’étranger est un avantage pour être sélectionné ? Je ne sais pas… La Pro-League belge est sous-estimée et quand je vois Bruges, le Club vaut pas mal de clubs étrangers. Sauf mardi contre City… car Bruges a mal joué : un Club au max de sa force aurait pu inquiéter Manchester ! Mais depuis que les Diables sont n°1 FIFA, les scouts viennent voir notre championnat. Des transferts comme le mien, on les doit aux Diables actuels qui nous ont ouvert la porte… et je dis merci ! J’avais des offres d’Allemagne, de France et d’Angleterre mais l’Italie était le championnat qui m’attirait le plus car c’est le sommet pour un défenseur. Et Bologne me voulait depuis… un an : après 5 matches pros seulement, en août 2020, je pouvais déjà y signer ! Je suis reconnaissant à vie à Ostende car le club ne m’a jamais bloqué. Au contraire, le Président Gauthier Ganaye et le coach Alexander Blessin m’ont aidé à franchir le pas : ils ont lâché la laisse, comme un chien, et ils m’ont dit ‘Va t’amuser !’ J’avais envie de partir, c’est vrai, mais jamais je n’aurais mis le bordel (sic) pour forcer mon transfert ! "
 

© Belga

En Emilie-Romagne, Theate se paie sa part de notoriété : sa tignasse n’y est sans doute pas étrangère…

C’est ma marque de fabrique, mais ça n’a rien de stratégique : j’ai ces cheveux depuis mes 16 ans. Mais c’est sûr, un jour, je les couperai ! Si on me les tire en match ? Non, jamais… d’ailleurs si ça arrive, je prends rouge direct. J’ai vu que c’est arrivé à Marouane Fellaini en Chine : moi, ça me rendrait fou ! Mais rayon notoriété, la mienne n’a rien à voir avec celle de mon équipier Marko Arnautovic. Lui, c’est vraiment un top mec : on le dit caractériel, mais c’est parce qu’il fait tout à fond. A 32 ans, il a toujours la dalle ! Et il a le cœur sur la main : vous crevez un pneu en Thaïlande (sic), Marko est le premier à venir vous aider ! Il m’aide actuellement à trouver une maison et on échange beaucoup… car il parle 7 langues ! Il a joué sous le duo Leko-Still en Chine et du coup, on cause football belge ! "

Plus de muscles…

Passé par Sclessin en jeunes mais éconduit par le Standard (" J’ai encore des contacts avec mes potes Raskin, Siquet et Tapsoba, et le Standard a tout ce qu’il faut pour jouer le top… mais c’est vrai que pour l’instant, il est dans le dur… "), Arthur Theate reçoit régulièrement à Bologne la visite de sa famille.

La meilleure sauce bolo reste celle de ma Maman " s’esclaffe-t-il. " Mais ne demandez pas une pâte bolognaise ici, ils ne comprendraient pas. Ici, on dit al ragù ! Et Jean-François Gillet m’avait prévenu : la nourriture ici est incroyable. Vous entrez dans n’importe quel boui-boui, c’est divin ! Mais je rassure tout le monde : j’ai exactement le même poids qu’à Ostende… et en plus, mon indice de graisse a baissé. Donc j’ai plus de muscles ! (clin d’œil) Mais je l'avoue : les boulets liégeois me manquent !"

La lente fin de la génération dorée, accentuée par le vieillissement de la défense : chez les Diables, Theate veut jouer son rôle.

J’ai été très bien accueilli par Alderweireld, Denayer et Boyata. Jan Vertonghen m’a même dit qu’avec mon profil, central, jeune et gaucher, on allait avoir besoin de moi. Et je n’ai pas de doute qu’on peut encore gagner au Qatar. Regardez le Portugal en 2016 ou l’Italie cet été : qui les voyait gagner l’Euro ? Ils n’étaient pas les meilleurs sur papier, mais ils formaient une vraie équipe. J’ai passé cinq jours avec les Diables lors de la Nations League et je peux vous certifier qu’il y a chez nous le même ciment, en plus des qualités individuelles. De toute façon, même sans trophée, les Diables ont déjà gagné… car ils ont mis la Belgique sur la carte mondiale ! Et avec ceux qui suivent, les De Ketelaere, Vanheusden, Openda ou Saelemaekers, je ne m’inquiète pas : on va encore faire peur ! "

Avec Leandro Trossard et Thomas Foket chez les Diables Rouges
Avec Leandro Trossard et Thomas Foket chez les Diables Rouges © Belga

Foi de Theate. Car chez l’intéressé, le credo ne changera pas…

J’ai toujours pensé que si on donnait tout, ça finissait par marcher. C’est mon message aux jeunes : bossez, ayez confiance en vous, soyez patients et respectueux… car tôt ou tard, ça paie. Moi, je dis toujours pareil : la seule erreur d’un coach, c’est de m’avoir mis un jour dans son équipe… car après, je fais tout pour l’empêcher de m’en sortir ! J’ai fait ça à Ostende, je suis en train de le faire ici à Bologne. Et évidemment, je me dirai ça aussi à mon premier match chez les Diables ! " (clin d’œil)

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous