Nous avons contacté Michel Draguet, et lui avons envoyé nos questions par écrit à sa demande. Il nous a répondu dans une longue lettre de plusieurs pages.
Sur la présence des questions féministes ou décoloniales au sein des Musées, il écrit : "Je veux ici rappeler que les Musées royaux sont une institution scientifique et non de militantisme. Nous travaillons de manière objective comme l’enseigne la dynamique scientifique. Ainsi, en ce qui concerne Picasso, nous avons pris un certain nombre de mesures. Celles-ci s’avéraient nécessaires vu l’écho donné à un podcast qui incriminait l’artiste. En interne, pour répondre aux sensibilités de certains ou de certaines, nous avons engagé une animatrice néerlandophone et un autre, masculin, de registre francophone. Ceux-ci ont permis au personnel de s’exprimer librement et de réfléchir à la problématique soulevée tout en anticipant les questions qui pourraient venir du public. Pour le public, nous avons organisé un programme de conférences où des spécialistes [essentiellement des femmes] ayant travaillé la question ont pu contextualiser et remettre en perspective les faits reprochés au peintre."
En ce qui concerne l’écriture inclusive, "nous sommes une institution fédérale, souligne Michel Draguet. "Cette pratique n’est pas développée en Flandre et aucune obligation légale ne l’impose actuellement. Je n’empêche pas le personnel de l’utiliser dans sa correspondance propre, mais, par souci d’équilibre avec la langue néerlandaise – et par conviction personnelle, ce qui est encore un droit élémentaire –, je ne souhaite pas la voir appliquée pour la communication du musée." Il poursuit : "Par ailleurs, je ne pratique ni le cri, ni le hurlement."
Quant aux messages s’apparentant à de la "drague", "je ne m’y reconnais pas, réagit Michel Draguet. "La ‘drague’ que vous évoquez ne constitue certainement pas une pratique justifiable ou à justifier. Je pratique en revanche souvent l’humour pour améliorer la convivialité des réunions. Je ne vois vraiment pas à quoi il est fait allusion. D’autant qu’il est rare que je m’adresse à des collaborateurs sans mettre leurs chefs de service et/ou mon secrétariat en copie."
Je veux ici rappeler que les Musées royaux sont une institution scientifique et non de militantisme
En ce qui concerne les cours donnés à l’ULB, "j’ai davantage le souvenir d’étudiantes surprises d’avoir réussi plutôt des pleurs d’avoir été humiliées. […] J’attire votre attention sur le fait que les enseignants de l’ULB sont régulièrement soumis à des avis dits pédagogiques qui recueillent la critique des étudiantes et des étudiants. En trente-deux ans de carrière, je n’ai jamais reçu de critiques sur ce plan. […] je ne me suis jamais vu en raciste antiféministe. […] mais je ne cache pas mon questionnement intellectuel à l’égard des dérives qui transforment la recherche scientifique en posture militante. J’ai toujours conçu mes cours comme un exercice de critique historique guidée par le libre-examen."
Et le directeur de conclure : "Je me revendique féministe car universaliste. Je l’ai d’ailleurs clairement affirmé lors de la pose de la bâche en soutien aux femmes iraniennes sur la façade des Musées royaux des Beaux-Arts. […] Si j’ai choisi ces sujets [tels que Picasso ou la restitution d’œuvres d’art africain], c’est précisément parce qu’ils sont au cœur de notre société et que l’université comme le musée sont des lieux de réflexion et de contextualisation basés sur l’analyse critique de faits objectifs."
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Michel Draguet brigue un quatrième mandat de directeur des Musées des Beaux-Arts de Belgique. Les travailleurs et travailleuses qui s’expriment dans la lettre ouverte du 16 décembre demandent que l’évaluation se fasse "en toute transparence" et que les "dysfonctionnements" soient pris en compte.
Contacté par nos soins à ce sujet, Thomas Dermine, en charge de ce renouvellement en tant que ministre chargé de la Politique scientifique et des musées fédéraux, répond : "J’attends les conclusions du Service externe de prévention et de protection au travail Empreva pour établir les faits. Toutefois, je souhaite insister sur l’importance du bien-être au travail et indiquer que je condamne toute forme de sexisme. Les musées publics doivent être particulièrement exemplaires à ces égards car ils sont des lieux de culture et donc aussi de transmission de valeurs."
Ce 19 décembre, syndicats et direction des Musées royaux des Beaux-Arts se sont en effet réunis dans le cadre du Comité de Concertation en présence des conseillers d’Empreva, le Service commun de prévention de la fonction publique. Après un tour d’horizon de la situation, il a été décidé de commander à Empreva une enquête psycho-sociale concentrée sur les 49 membres de la direction opérationnelle des services aux publics. Cette enquête écrite sera menée confidentiellement par Empreva.