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SNCB, TEC, STIB : les transports en commun belges sont-ils toujours en retard ?

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Par Jean-Marc Streel et Antoine Binamé

"Mon train a encore eu du retard ce matin", "Tu prends le bus ? J’ai arrêté moi, jamais à l’heure…". Vous avez déjà entendu ou dit ces phrases ? Vous n’êtes pas les seuls… Mais on peut légitimement se poser la question : nos transports en commun belges respectent-ils les horaires prévus ?

Une question de méthodologie

Avant de se plonger dans les chiffres, il est toujours important de savoir si on compare bien des choses comparables. Il faut donc se poser cette question : comment sont créées les statistiques concernant la ponctualité des transports publics et peut-on les comparer ?

La réponse est sans équivoque : non, on ne peut pas comparer les statistiques de ponctualité des opérateurs de transport public, car les méthodologies de calcul sont différentes.

La SNCB utilise souvent comme base de calcul l’heure d’arrivée en gare, alors qu’à la STIB, la méthodologie consiste essentiellement à regarder le retard à chaque arrêt, et à pondérer les valeurs de chaque arrêt par le nombre de voyageurs. Chaque opérateur utilise une norme différente pour dire si un véhicule est à l’heure ou pas.

Autre variable importante : alors que le train est en grande partie isolé de la circulation, excepté aux passages à niveau, les bus et trams de la STIB sont eux au beau milieu de la circulation, excepté sur les sites propres. Un embouteillage, un accident entre tiers, des manifestations ou l’intervention des services de secours provoquent du coup très rapidement des retards sur les lignes.

Ce sont des éléments importants pour avoir un aperçu réaliste de la situation.

Un enjeu majeur pour le TEC

Du côté de la société TEC, la question est épineuse. Stéphane Thiery, porte-parole : "Les chiffres dont nous disposons actuellement sont inexploitables et pas suffisamment fiables pour en sortir une statistique sur toute la Wallonie." L'entreprise est en pleine transformation à ce niveau : l'enjeu est d'équiper de systèmes fiables les 2400 bus qui composent la flotte wallonne (et les 44 motrices de tram utilisées à Charleroi) et de développer des canaux de diffusion (tableaux dans les gares de bus, application smartphone etc.). L'objectif, c'est le temps réel : "Être capable, par exemple, d'indiquer aux usagers un problème sur leur ligne à cause de travaux notamment."

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Parmi les problèmes évoqués actuellement : la qualité du réseau en Wallonie qui ne permettrait pas de remontées efficaces des données des bus vers une centrale quelconque (un problème qui n'existe pas à Bruxelles côté bus et qui ne se pose pas du côté du rail).

Reste que, selon le rapport annuel de 2019 du TEC, "Seuls 54% des répondants se disent satisfaits du respect des horaires. De plus, la ponctualité est spontanément citée pour répondre à la question 'Qu’avez-vous déploré lors de vos déplacements sur le réseau TEC ?'", le travail menée par le TEC est donc d'autant plus important.

Côté TEC on met en avant un critère de fiabilité : il s'agit tout simplement du pourcentage de lignes assurées conformément au contrat de gestion convenu entre le TEC et la Région Wallonne sur un total de 770 lignes. Et le bilan est bon d'après les chiffres fournis par la société : "La mesure disponible pour le 1er semestre 2022 est de 97,65 %".

La STIB en quelques chiffres

Du côté de la STIB, en moyenne et selon les chiffres communiqués par la Société des transports intercommunaux de Bruxelles, en 2022, 86,5% des voyageurs utilisant un bus ont bénéficié d’un service conforme au service de référence en matière de ponctualité, 89,5% au tram et 94% au métro.

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Cindy Arents, Press Officier pour la STIB, précise : "Pour le métro, c’est la régularité qui est essentielle". L’idée est simplement de maintenir l’intervalle de passage entre les rames comme prévu à ce moment-là de la journée. Par exemple : un métro toutes les 2min30 sur le tronc commun des lignes 1-5 en heure de pointe. Sur ce critère de la régularité, 98% des voyageurs du métro ont bénéficié d’un service conforme au service de référence.

La STIB s’est engagée depuis très longtemps dans une démarche de certification, avec des critères normalisés, via les normes de l’AFNOR. Un exemple pour les bus : En 2004, lors des premières mesures de ponctualité dans le cadre des normes de ponctualité, 73,2% des voyageurs bénéficiaient d’un service conforme au service de référence, contre 86,5% en moyenne l’an passé.

Des pistes d’amélioration

Pour arriver à ces chiffres, la STIB a travaillé à différents niveaux : la longueur des lignes (une ligne trop longue a plus de risque d’être moins ponctuelle à l’arrivée), le suivi de l’évolution de la ville et son impact sur les temps de parcours, une révision plus fréquente des horaires, l’adaptation des temps de parcours/horaires si des chantiers de longue durée impactent fortement les lignes, l’augmentation des sites propres, l’augmentation du nombre de collaborateurs et collaboratrices en charge de la régulation et du suivi des véhicules en temps réel.

Du côté des voyageurs, les résultats du baromètre annuel montrent que le taux de satisfaction des voyageurs par rapport à la ponctualité des véhicules (bus, tram et métro ensemble) est en augmentation : il est passé d’un score de 5,9/10 en 2011 à 6,9/10 en 2021 selon les chiffres communiqués par la STIB. De manière générale, les clients se montraient toujours très satisfaits des services offerts, en attribuant à la STIB la note globale de 7,3/10.

Les temps d’attente sur le réseau de la STIB, que ce soit pour le métro, pour le bus ou pour le tram, sont assez courts, et les fréquences augmentent chaque année, que ce soit en heures de pointe, en heures creuses, en semaine, en soirée ou le week-end. Les voyageurs doivent donc moins attendre, voire très peu attendre, avant de pouvoir monter dans un véhicule.

Depuis le 6 mars la STIB a encore augmenté la fréquence de sa flotte.

Et "chose très importante, rappelle Cindy Arents : les voyageurs de la STIB disposent de nombreuses sources d’information pour connaître la situation en temps réel sur le réseau. Temps d’attente en station et aux arrêts de bus et tram, site internet, application mobile…".

 

… et du côté de la SNCB ?

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Du côté des trains, souvent fustigés, selon les derniers chiffres d’Infrabel, depuis 5 mois la ponctualité des trains est restée sous la barre des 90%. Au mois de janvier, le taux de ponctualité des trains était de 81,1%. Ce qui signifie que 9 trains sur 10 sont arrivés au terminus à l’heure ou avec un retard de 6 minutes maximum. Pour l’ensemble de l’année 2022, le taux de ponctualité était de 89,2% ce qui n’était plus arrivé depuis 2018.

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Jery Baele, porte-parole de l’association d’usagers navetteurs.be, nuance cependant : "Il ne faut pas oublier que les trains supprimés, par exemple, ne sont pas pris en compte dans ces statistiques". Et effectivement, en janvier 2023, 3026 trains ont été complètement ou partiellement annulé, ce qui représente toute de même près 3,1% des trains.

La SNCB ne nie pas le problème et est bien consciente de l’importance ces trains supprimés : l’annulation ou la surpression des trains fait d’ailleurs partie des critères présents dans le nouveau contrat de gestion de la société, signe de l'importance du sujet.

"La notion de ponctualité est tout à fait relative"

Jery Baele soulève également un autre point crucial : "La notion de ponctualité est tout à fait relative. En effet, si on prend le cas d’un usager prenant la ligne Tournai-Bruxelles et dont la Capitale est le terminus, si le train a un retard de dix minutes, il n’aura en effet, au final, qu’un retard acté de dix minutes. Si le même utilisateur arrive à Bruxelles mais doit prendre une correspondance et qu’il rate celle-ci… Rien ne change côté statistique : son train avait bien dix minutes de retard et il n’est pas tenu compte du retard occasionné par le fait d’avoir manqué une correspondance".

La SNCB nuance de son côté cet argument à double tranchant. Dans le cas contraire, si on comptabilise du retard sur la ligne Namur-Bruxelles alors que le retard se situait sur la portion Namur-Ottignies, les voyageurs utilisant le train entre Ottignies et Bruxelles ne sont pas concernés par ce retard. De la même manière, un usager de la ligne Bruxelles-Liège qui avait un retard au départ de quelques minutes pourrait le voir réduit par un arrêt plus court en garde Leuven par exemple.

On notera également que la ponctualité est l’un des critères de financement prévu par les nouveaux contrats de gestions d’Infrabel et de la SNCB, signe de l’importance accordée au sujet. Il est prévu d’atteindre une ponctualité de 90,6% en 2027 et 91% en 2032. Pour janvier 2023 il y a donc 0,6% de retard à résorber et davantage sur l’ensemble de l’année 2022.

En somme : on peut convenir que statistiquement (en termes purement chiffrés) les retards de la SNCB ne sont pas aussi importants qu’il n’y paraît mais ces retards sont à nuancer puisqu’ils ne tiennent pas compte des trains supprimés et qu’un retard, si infime soit-il, peut rapidement avoir des conséquences pour l’usager.

Et d'en tirer des leçons...

On l'aura compris : difficile voire impossible de comparer entre eux les différents opérateurs. Pour l'un les données sont incomplètes, pour l'autre les moyens de transport sont hors chaussée et ne peuvent être comparées à des véhicules circulant sur la voie publique en permanence,... Il n'en reste pas moins évidemment que l'utilisateur, lui, n'a qu'un seul objectif en tête : arriver à sa destination selon le temps prévu par l'opérateur qu'il choisit et qu'en l'état, le moindre retard lui sera préjudiciable. Pour être de véritables alternatives, il faudra encore quelques années de travail aux différents opérateurs mais gageons que le travail est en cours !

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