Raphaël Kergueno, chargé de plaidoyer auprès de Transparency International, nous a expliqué ce que pourrait faire le Parlement européen pour s’améliorer sur ce point. L’ONG publie d’ailleurs un petit guide à l’usage du Parlement européen, un manuel en 10 points, dont certains assez techniques, mais dont nous passons ici en revue les principaux.
- Une première chose à changer serait une vérification proactive des déclarations de contacts avec les lobbys, suggère Raphaël Kergueno. Pour l’instant, les députés qui ne déclarent rien ne sont pas contrôlés : c’est comme s’ils n’avaient pas eu de contact dans le cadre de leur travail législatif. "Donc les lobbyistes peuvent rencontrer des députés européens sans se déclarer sur ce registre. Les députés ont estimé qu’ils ont un mandat libre, même si on les a régulièrement alertés que c’était aussi une mesure de protection, ce registre, car il proscrit certaines pratiques, il y a un code de conduite. Quand on voit les accusations de corruption aujourd’hui, c’est une mesure de protection qui a fait défaut".
- "Le Parlement pourrait au moins décider dès aujourd’hui de forcer les députés à publier les rencontres avec les lobbyistes des pays tiers", poursuit Raphaël Kergueno. Vu que la seule obligation concerne les rencontres débouchant sur une législation européenne, tout le reste se fait sur base volontaire, surtout quand ce sont des rencontres avec des entités non enregistrées, ce qui est souvent le cas de groupes non européens, comme par exemple une entreprise qatarie…
- Transparency International prône aussi une obligation générale de déclarer les rencontres et de s’enregistrer comme lobbyiste.
- Autre élément : mettre en place une structure capable de vérifier et de sanctionner. Une autorité indépendante de déontologie, appelée de ses vœux par Transparency International, par des députées comme Nathalie Loiseau (Renew) et d’ailleurs imaginée, de façon assez complexe, par la Commission européenne. Complexe et donc lent, Tranparency International préconise d’agir vite et recommande surtout que les questions de déontologie et d’éthique ne soient plus laissées au Bureau du Parlement européen avec les chefs de groupes politiques car "ils se protègent eux-mêmes". A la place, il faudrait une entité externe ou interne mais indépendante. Actuellement, c’est un comité consultatif composé de députés qui recommande au président du Parlement. Celui-ci ou celle-ci ne prend pas ou très peu de sanctions dans la pratique. L’ONG envisage donc sur le modèle français une autorité liée au pouvoir judiciaire, par exemple le Parquet européen.
- Enfin, Transparency International souhaite qu’au-delà de la liberté d’expression, les autorités belges se penchent sur tous les membres du Parlement européen et tous les membres du personnel des institutions qui ont eu un message politique concernant le Qatar pour voir qui aurait modifié son discours.
Le Parlement européen se retrouve dans une culture de l’impunité
Transparency International travaille depuis des années sur la question et en vient à la conclusion que "le Parlement européen se retrouve un peu dans une sorte de culture de l’impunité par rapport aux questions de déontologie", juge Raphaël Kergueno de l’ONG Transparency International. "Les sanctions prévues ne sont presque jamais appliquées ou alors une fois tous les cinq ans. Ce qui laisse penser à certains, qu’on peut s’en tirer si on fait des choses beaucoup plus graves".
"On les avertit mais à chaque fois, c’est une fin de non-recevoir", note-t-il, en mentionnant les déclarations de revenus extérieurs qui semblent encore trop vagues et non suivies de vérification, les dépenses d’allocations parlementaires qui ne sont pas du tout contrôlées…
"On est surpris par l’ampleur du scandale actuel, dit l’ONG, mais on n’est pas surpris qu’il ait lieu".