Monde Moyen-Orient

Sous le régime des talibans, les Afghanes se terrent pour échapper à leur ex-mari

Femmes divorcées en Afghanistan (AFP 08/03/23)

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Se cacher, pour échapper aux coups de son ex-mari. C’est le quotidien de Marwa. Cette Afghane, mère de deux enfants, vit terrée depuis le retour au pouvoir des talibans. Ils ont annulé son divorce comme celui de bien d’autres femmes, l’obligeant à retourner vivre auprès de son bourreau.

Il me battait tellement que toutes mes dents ont été cassées.

Marwa fait partie du nombre restreint mais croissant de femmes qui, sous le précédent gouvernement soutenu par les Etats-Unis, ont obtenu une séparation légale dans ce pays pourtant patriarcal et profondément conservateur. Mais le soulagement d’être enfin séparée, après 20 ans de mariage, n’aura été que de courte durée.

Aussitôt au pouvoir, les talibans se rendent chez elle accompagnés de son ex-mari qui leur assure avoir été forcé à divorcer. Ils lui demandent la décision de justice, la déchirent lui rétorquant qu’elle n’est plus valable, et l’obligent à retourner vivre avec le père de ses enfants.

"Mes filles et moi avons beaucoup pleuré ce jour-là. Je me suis dit : "Oh mon Dieu, le diable est revenu", raconte Marwa à l’AFP, un chapelet à la main. Sommée de reprendre sa vie conjugale, la mère de famille voit les coups redoubler.

" Mes mains ont été brisées sept à huit fois ; ces doigts ont été brisés. Il y avait des jours où je tombais inconsciente et mes filles me nourrissaient. Il avait l’habitude de me tirer les cheveux au point de me rendre en partie chauve. Il me battait tellement que toutes mes dents ont été cassées et que j’ai dû mettre ces dents artificielles.", explique Marwa.

A l’été 2022, elle se résout à prendre la fuite avec ses enfants, échappant à la vigilance de son ex-mari parti à une cérémonie familiale.

Chaque fois qu’on frappe à la porte, j’ai peur qu’il ne m’ait retrouvée.

Le sort de Sana n’est pas très différent de celui de Marwa. Cette femme de 37 ans, dont le prénom a été changé, se terre avec ses sept enfants dans une maison, où l’AFP lui a parlé, afin d’échapper aux griffes d’un ex-mari violent. Claquemurée dans une pièce froide aux murs dégarnis dans laquelle elle passe le plus clair de son temps, la famille vit dans l’angoisse d’être découverte.

" A chaque heure, de nuit comme de jour, mon cœur bat la chamade. Chaque fois qu’on frappe à la porte, j’ai peur qu’il ne m’ait retrouvée. Quand mes fils sortent, je leur dis de couvrir leurs visages. On reste assis là en tenant le Coran, (priant) pour pas qu’il nous retrouve. Qu’est-ce que je ferais s’il reprend mes filles, mes enfants ?", confie Sana.

Neuf femmes sur dix victimes de violences physiques

Ces femmes ne sont pas des cas isolés comme le confirme une avocate, Nazifa, qui a reçu au moins "cinq appels" ces derniers mois de clientes divorcées implorant son aide.
La jeune avocate, qui a traité plus d’une centaine de divorces et ne souhaite pas donner son nom de famille, assure aussi que des consœurs lui ont rapporté avoir reçu le même genre de demandes récemment.

En Afghanistan, neuf femmes sur dix sont victimes de violences physiques, sexuelles ou psychologiques de la part de leur partenaire, selon la mission des Nations unies dans le pays. L’avocate, aujourd’hui interdite de travailler par les talibans, le souligne : "Selon l’Islam, en dernier recours lorsqu’il n’y a plus d’harmonie entre le mari et la femme, le divorce est autorisé".

Pourtant depuis 18 mois, les nouveaux dirigeants afghans à l’interprétation austère de l’Islam ont remis en cause les divorces prononcés antérieurement, plongeant les femmes comme Marwa dans des situations d’autant plus désespérées que presque tous les organismes susceptibles de les aider ont disparu.

Le pays le plus répressif au monde pour les femmes

Depuis leur arrivée au pouvoir en août 2021, les talibans ont multiplié les mesures liberticides à l’encontre des femmes. L’accès à l’université leur est interdit, comme celui à l’école secondaire. Elles ont aussi été exclues de nombreux emplois publics, ou sont payées une misère pour rester à la maison. Elles n’ont pas le droit de voyager sans être accompagnées d’un parent masculin et doivent se couvrir intégralement lorsqu’elles sortent de chez elles. En novembre, les talibans leur ont également interdit d’entrer dans les parcs, jardins, salles de sport et bains publics.

Les Nations unies ont appelé les talibans ce mercredi, pour la Journée internationale des femmes, à "immédiatement" mettre fin aux "restrictions draconiennes" prises à l’encontre des droits des femmes en Afghanistan, "pays le plus répressif" au monde dans ce domaine.

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