"Stranger in Paradise" chanté aussi en français sous le titre : "Étranger au Paradis". Une mélodie qui puise ses racines dans un opéra russe du 19e siècle.
Saint Pétersbourg, le soir du 4 novembre 1890. Au Théâtre Mariinsky, le public russe assiste à la création de l’opéra " Prince Igor " de Borodine.
Alexandre Borodine est un compositeur russe, fils illégitime d’un prince géorgien. Il sera adopté par un des serf de son père (Porfiri Borodine, de qui il tient son nom) mais son père biologique (le prince Guédianichvili) assurera son éducation. Alexandre apprend le français, l’allemand, l’anglais et l’italien. On lui enseigne la musique aussi : il joue de la flûte, du piano, du violoncelle… Il étudie ensuite la médecine puis la chimie. Et, sur le côté, il compose en amateur autodidacte. Alexandre Borodine fera d’ailleurs carrière à l’Académie de Médecine de Saint Pétersbourg mais, sur le côté, il continuera toujours de composer. Et, parmi ses compositions, il y a un seul opéra : " Le Prince Igor " qui est créé le 4 novembre 1890.
La mélodie des Danses polovtsiennes traverse le temps et les époques
Un extrait de cet opéra que l’on appel Les Danses Polovtsiennes. Les Polovtses étant un peuple nomade que le Prince Igor s’apprête à envahir au début de l’opéra. La mélodie de ces danses va traverser le temps. Puisqu’au début des années 50 (à peu près 60 ans après la création de l’opéra), c’est une comédie musicale qui reprend la mélodie de Borodine.
Cette comédie musicale s’intitule " Kismet " (elle a des airs de contes de Mille et une nuits) et elle doit être créée à Broadway en 1953. Le seul problème, c’est qu’à cette époque, il y a une grève des journaux à New-York et il est difficile de promouvoir le spectacle. C’est alors que les producteurs de " Kismet " ont une idée : faire enregistrer une des chansons de la comédie musicale par un jeune chanteur qui vient de se lancer : Tony Bennett. Et cette chanson, c’est " Stranger in Paradise ". On la doit au parolier Robert Wright et au compositeur George Forrest. Et ce dernier ne s’en est jamais caché : pour sa mélodie, il s’inspire des Danses polovtsiennes d’Alexandre Borodine.
C’est donc ainsi qu’en octobre 1953, Tony Bennett enregistre "Stranger in Paradise" en single. Un single qui sortira le 2 novembre, qui va permettre à "Kismet" de faire salle comble mais, surtout, qui va donner à Tony Bennett une grande visibilité, bien au-delà de l’Atlantique.
Cette mélodie de Borodine, elle a su inspirer d’autres artistes du 20e siècle ! Petit détour à la fin des années 1930 avec cette chanson "My Fantasy" enregistrée par le musicien, acteur et auteur américain Artie Shaw (de son vrai nom Arthur Jacob Arshawsky). Artie Shaw à la clarinette est donc rejoint en 1940 par la chanteuse de swing américaine Pauline Byrns pour cette "Fantasy". "My Fantasy", inspirée par la même mélodie classique que "Stranger in Paradise" mais avec des paroles très différentes.
De nombreux chanteurs francophones reprennent la chanson " Stranger in Paradise "
En parlant de parole, dans la seconde moitié du 20e siècle, c’est au tour des chanteurs francophones de s’emparer de cette mélodie pour chanter "Étranger aux Paradis".
Luis Mariano est un de ceux qui ont contribué à populariser cette chanson dont les paroles en français sont d’ailleurs signées Francis Blanche. Et un autre chanteur d’opérette qui a aussi enregistré "Étranger au Paradis" c’est Dario Moreno, en 1955.
Et parmi toutes les reprises de ces danses polovtsiennes de Borodine (extraites, donc, d’un opéra de 1890) il y a aussi une version belge signée Toots Tielemans.
Une version féminine de cette chanson "Étranger au Paradis". Cette version, elle est enregistrée en 1955 par la chanteuse d’origine espagnole Gloria Lasso. Gloria Lasso qui aurait d’ailleurs eu 100 ans en ce mois de novembre 2022 puisqu’elle est née en 1922.
