C’est un moment télé qui a bouleversé les codes. Il y aura certainement un avant et un après. En chantant pour la première fois son nouveau single en pleine interview sur le plateau du 20 heures de TF1 ce dimanche soir, Stromae a créé l’événement, la chaîne privée aussi. Ils ont été nombreux à encenser ce happening, et nombreux aussi à se demander si le maestro était à sa place en livrant un live dans un journal télévisé, et si les pistes de l’info n’étaient pas brouillées au profit de la promo pure et dure. Le fameux concept d’infotainment, pourtant pas né d’hier, a ainsi refait surface. Pour la présentatrice du JT, "on n’était pas du tout là-dedans, dimanche soir. On était dans un instant de vérité, qui a toute sa place dans un journal télévisé." Et pour Yoann Saillon, "la mise en scène, en France, est vue comme quelque chose de négatif. Or, mettre en scène, ce n’est pas trahir la réalité. C’est le fameux storytelling que les Américains connaissent bien. On n’est pas dans un truc de décrédibilisation, au contraire, c’est un outil qui a permis à Stromae de répondre à une question sensible à laquelle il n’aurait peut-être pas répondu autrement".
Laurent Delahousse, lui, invite un artiste chaque dimanche soir à la fin de son JT et lorsqu’il s’agit d’un chanteur, il chante et indirectement vend donc son disque. Mais personne ne s’en offusque, peut-être parce qu’il n’y a pas d’effet de surprise, et ça se passe dans un cadre où l’artiste ne reste pas assis en face du présentateur et part s’installer derrière son micro. Lorsqu’il s’agit d’un acteur, il vend un film, un écrivain son livre, etc. etc. Lorsqu’a lieu la finale de The Voice sur la RTBF, le JT fait un insert en direct sur le plateau de l’émission pour l’annoncer. La frontière peut effectivement être floue entre information et promotion.
TF1 voulait inviter Stromae, il était d’accord sur le principe. Mais comme l’explique le rédac chef à la DH, l’idée est arrivée par Universal, et par extension de Luc Van Haver, le frère de Paul. Avec une thématique de chanson loin d’être simple et loin d’être fun, le suicide, difficile d’envisager de la faire découvrir dans une émission de divertissement. Cyril Auffret à la DH : "Ils se sont dit que le JT était peut-être un cadre dans lequel on peut surprendre mais aussi faire sérieux. Ils sont venus avec une idée générale et il a fallu trouver le moyen de la concrétiser". Et Cyril Fausset part du principe que "le thème de la chanson, qui parle de dépression, d’envies suicidaires, pourrait être traité dans notre JT. C’est un fait de société qui concerne beaucoup de gens. Pourquoi ne pas en parler comme ça, à travers ce témoignage-là qui est très fort". Et pour lui, c’est aussi "une manière de faire évoluer l’image du JT en laissant penser aux jeunes que c’est aussi fait pour eux".