Les éclaireurs

Sur la banquise, pas d’mimosas !

Sur la banquise, pas d’mimosas !

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Ce samedi 05 juin 2021, Fabienne Vande Meerssche (@fvandemeerssche) reçoit dans LES ÉCLAIREURS l’océanographe Bruno Delille (FNRS-ULiège) et le glaciologue Jean-Louis Tison (ULB).

 

DIFFUSION : samedi 05 juin 2021 à 13h10’

REDIFFUSION : dimanche 06 juin 2021 à 23h10’

Bruno Delille

Bruno Delille

Bruno Delille est océanographe, Chercheur qualifié FNRS à la Chemical Oceanography Unit de l’ULiège, Vice-président du Comité antarctique belge et il est aussi le représentant pour la Fédération Wallonie-Bruxelles du Comité européen polaire.

Bruno Delille étudie plus particulièrement la biogéochimie de la glace de mer et les gaz climatiques. Il s’intéresse ainsi aux flux de gaz qui s’échangent entre la banquise et l’atmosphère : émet-elle des gaz à effet de serre ou les absorbe-t-elle ? La question est complexe et analysée par de nombreux chercheurs depuis longtemps, mais il semblerait finalement que cela dépende d’un gaz à l’autre et de leurs processus.

Jean-Louis Tison

Jean-Louis Tison

Jean-Louis Tison est glaciologue à l’ULB. Il étudie les questions liées à la glace de mer pour tenter de mieux comprendre l’histoire climatique de notre planète et en prédire son futur.

Il s’intéresse en particulier à l’Arctique qui se réchauffe plus rapidement que le reste du monde et il analyse les signes de son instabilité : recul de la banquise Arctique observé depuis le début de l’ère satellitaire, perte de masse du Groenland, fonte en surface croissante du Groenland,…

Étudier la façon dont la glace s’est comportée dans le passé devrait permettre de prédire son futur et la vitesse à laquelle elle pourrait disparaître.

Les projections sont de plus en plus pessimistes : la disparition de la banquise estivale est inexorable (observation de la première disparition de la banquise à la fin de l’été d’ici à 2050).

Réchauffement de l’Arctique
Réchauffement de l’Arctique © Jean-Louis Tison

Les recherches de Bruno Delille et Jean-Louis Tison

La cryosphère (sphère terrestre de glaces naturelles : glaciers de montagne, calottes glaciaires, banquise et pergélisol) est au centre des préoccupations actuelles : elle est en effet actrice et indicatrice de notre environnement et climat.

Aujourd’hui, il subsiste deux calottes glaciaires dans le monde : le Groenland, en Arctique, et l’Antarctique, qui représentent ensemble 15 millions de km².

La cryosphère
La cryosphère © Jean-Louis Tison

La banquise n’est pas un flotteur de glace "inerte" à la surface de l’océan… C’est un monde végétal et animal gigantesque, un écosystème très riche en matière vivante qui contrôle des échanges d’énergie et de matière (dont les gaz à effet de serre) entre l’océan et l’atmosphère.

Le monde merveilleux de la vie dans la banquise
Le monde merveilleux de la vie dans la banquise © Jean-Louis Tison
Le monde merveilleux de la vie dans la banquise 2
Le monde merveilleux de la vie dans la banquise 2 © Jean-Louis Tison

Les impacts environnementaux (et économiques) seront réels sur les populations de mammifères emblématiques de l’Arctique (l’ours blanc, le beluga, le narval et certains poissons comme la morue polaire). Des équipes de l’ULB et de l’ULiège se sont investies dans l’étude des impacts en termes de biogéochimie et en particulier sur les flux de gaz à effet de serre pour l’Océan Arctique.

Outre l’impact sur la biodiversité et les animaux, la déglaciation sera aussi porteuse d’opportunités industrielles et économiques dont les populations locales souhaitent bénéficier. Notons que le PIB régional de l’Arctique s’accroît plus vite que celui des pays aux alentours.

Les nouvelles routes commerciales Arctiques
Les nouvelles routes commerciales Arctiques © Jean-Louis Tison

Cette industrialisation nouvelle de l’Arctique s’accompagne de pressions accrues sur un environnement déjà fragilisé : transport maritime, exploration pétrolière et gazière, risque de marées noires, pêche ou encore tourisme en sont les principales causes.

Indispensable donc de trouver un équilibre entre aspirations industrielles, opportunités économiques et commerciales et protection de l’environnement ! Des pistes sont proposées par des entreprises de géo-ingénierie : pomper l’eau de mer et l’étendre sur la glace pour former davantage de glace ou couvrir la banquise de microbilles très réfléchissantes pour réduire la chaleur du soleil. Cependant, les effets collatéraux de ces solutions sont peu connus et suscitent un certain scepticisme de la part de la communauté scientifique.

MOSAIC Expedition – Navire Polarstern
MOSAIC Expedition – Navire Polarstern © ULiège
MOSAIC Expedition

La Banquise est au cœur de plusieurs études, expéditions et missions scientifiques. Ainsi, le projet MOSAIC est la plus grande expédition scientifique menée dans l’Arctique à bord du Polarstern, le plus gros navire océanographique d’Europe qui s’est littéralement laissé emprisonner dans les glaces pour récolter des données sur l’atmosphère, la glace de mer, l’océan, l’écosystème, le cycle biogéochimique de l’Océan Arctique et pour mener des analyses (auxquelles Bruno Delille a participé).

MOSAIC Expedition
MOSAIC Expedition © Daiki Nomura

Déjà dans les années 60, une expédition américaine avait été organisée au Nord du Groenland. Objectif annoncé : mettre en place une base sous la glace pour effectuer des analyses. Cependant, en pleine Guerre froide, la première motivation était en réalité d’installer des missiles aériens sous la banquise.

Expédition Camp Century
Expédition Camp Century © Jean-Louis Tison

Les équipes avaient réalisé un premier carottage jusqu’au fond rocheux, mais le camp fut rapidement abandonné par les Américains. Bien des années plus tard, en 2019, des échantillons de sédiments se trouvant en-dessous de la glace furent redécouverts par hasard, lors d’un déménagement. Des sédiments très précieux aux yeux des scientifiques puisqu’ils remontent à un million d’années !

Découverte des échantillons
Découverte des échantillons © Jean-Louis Tison

L’analyse des échantillons révèle des fossiles végétaux… À cette époque, le Groenland était donc totalement dénué de glace, avec une végétation de toundra généralisée !

Les fragments de sédiments
Les fragments de sédiments © Jean-Louis Tison

Il y a un million d’années, même s’il faut noter que nous étions dans un contexte climatique différent, les températures de l’époque étaient similaires à celles d’aujourd’hui. Il est donc temps d’agir !

Prévision pour la calotte glaciaire groenlandaise
Prévision pour la calotte glaciaire groenlandaise © Jean-Louis Tison

À l’heure actuelle, certains modèles projettent la disparition totale de la calotte glaciaire du Groenland en l’an 3000, avec en conséquence 6 à 7 mètres de montée du niveau de l’eau.

La fiabilité des modèles est limitée dans leur habilité à reproduire l’évolution réelle du climat, mais c’est le seul outil prédictif que possèdent les scientifiques et ils sont validés par les observations paléoclimatiques. Le rôle de l’équipe de Jean-Louis Tison est notamment de fournir aux modélisateurs des données de terrain leur permettant de développer et de valider ces modèles.

Jean-Louis Tison effectue ses recherches en collaboration avec les glaciologues de la VUB et les biologistes du Laboratoire d'écologie des systèmes aquatiques et du Laboratoire d'océanographie chimique et de géochimie des eaux. Ce type d’étude nécessite en effet une approche pluridisciplinaire.

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