Liège

Surpopulation de cervidés dans les bois de Stoumont : mauvais pour la biodiversité et les finances communales

© Photo privée avec l’aimable autorisation de l’auteur

Par B. Verpoorten

Dès ce 21 septembre, les chasseurs pourront tirer à l’affût et à l’approche dans certaines communes. C’est le cas à Stoumont où la population de cervidés explose. 200 têtes par mille hectares. C’est six fois supérieur à ce qui est recommandé. Une surpopulation qui pose problème, car elle empêche la forêt de se régénérer.

Les cervidés raffolent de la sève d’épicéa, ce qui n’est pas sans conséquence pour la santé de l’arbre et la qualité du bois.
Les cervidés raffolent de la sève d’épicéa, ce qui n’est pas sans conséquence pour la santé de l’arbre et la qualité du bois. © RTBF

Les bois de Lorcé sont les plus fréquentés de la commune "Ici, années après années, les cervidés sont venus grignoter les bouts et donc petit à petit, il y a le plan qui se déforme", constate Didier Fortemaison, riverain passionné par la gestion des forêts. "C’est un arbre qui a peut-être 15 ans, mais qui se racrapote".

Les cervidés mangent bon nombre de pouces et plants. En temps normal, cela ne pose pas problème, mais ici, ils sont tellement nombreux que cela empêche la régénération de la forêt "Si la quantité de gibier est vraiment élevée et que la pression est trop forte, on va voir disparaître certaines strates au niveau du sol et cette perte de strates va engendrer une perte de biodiversité", explique Didier Fortemaison.

"Voir ce qui n’est plus là"

A gauche, un bois sans cervidé où les espèces végétales se développent. A droite, les cervidés mangent tout ce qui pousse. Les deux environnements ne sont pas représentatifs d’une forêt "à l’équilibre".
A gauche, un bois sans cervidé où les espèces végétales se développent. A droite, les cervidés mangent tout ce qui pousse. Les deux environnements ne sont pas représentatifs d’une forêt "à l’équilibre". © RTBF

Ces dégâts sont visibles pour des experts, mais pour des non-initiés, c’est plus compliqué "il faut voir ce qui n’est plus là" confie notre guide. Nous arrivons alors devant un terrain clôturé qui nous permet de mieux comprendre la situation. Au cœur de cette zone, pas de cervidé. La végétation pousse partout "les branches sont plus longues, les arbres grandissent bien et il y a des plantes au sol comme ces mûres, qui font 20 cm de haut" détaille Didier Fortemaison, qui embraye "ce n’est pas normal non plus. Une zone sans gibier, ça n’est pas un équilibre. C’est aussi mauvais qu’une zone surpeuplée". Et justement, le contraste avec la zone surpeuplée est saisissant : pas de pousse et pas une plante au sol ou presque "Vous voyez, les mûres ont traversé le grillage, mais ici, elles ne font que 4 ou 5 cm et on voit qu’elles sont grignotées".


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Les chasseurs contraints de tirer plus

La Division Nature et Forêts impose maintenant aux chasseurs de tirer 20% de cervidés en plus sur Stoumont. C’est essentiel pour la biodiversité, mais aussi pour les finances de la commune. Marie Monville, échevine du patrimoine forestier explique : "Un arbre qui est abîmé offre moins de rentabilité. Donc, dès à présent, quand on exploite un arbre qui est abîmé, on a une perte importante. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est sur du long terme. Si la forêt ne se régénère pas, je crois que les pertes seront nettement plus importantes et la biodiversité de la forêt sera menacée". Une perte de diversité déjà pointée du doigt.

Une pression supplémentaire pour les chasseurs qui risquent des amendes s’ils n’atteignent pas les quotas imposés. C’est pour cette raison qu’ils s’étaient opposés à cette demande et avaient introduit un recours, débouté début septembre. Le conseil cynégétique reconnaît qu’il y a une surpopulation, mais il estime qu’elle est exagérée.

La commune demande de respecter la quiétude des zones de chasse. La commune souhaite également sensibiliser ses riverains. Des balades guidées sont prévues ces 17 et 23 octobre.

Comment en est-on arrivé là ?

"C’est multifactoriel" explique d’emblée le DNF. "Il y a le réchauffement climatique avec des hivers moins rudes. On a dès lors plus de cervidés qui survivent" explique Catherine Barvaux du cantonnement d’Aywaille. Un phénomène renforcé par le nourrissage "Normalement, les chasseurs nourrissent les cervidés pour maintenir artificiellement la population quand la nourriture vient à manquer, comme en hiver où la neige peut couvrir une partie de ce que mangent les animaux". Mais en l’absence d’hiver rugueux, cela permet à la population de se développer et d’avoir des cerfs toujours plus imposants et résistants.

Enfin, la Division Nature et Forêt rappelle que la surpopulation ne date pas d’hier. Elle craint même qu’elle ait été sous-estimée durant plusieurs années et que cela ait entraîné des prélèvements trop faibles.

#Investigation : la chasse, le poids du fusil (11/02/2021)

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