Bruges – Liège – Bruxelles – Paris. La nouvelle classique du calendrier fait mal aux pattes et ce dimanche plus que jamais, tout se jouait dans le final. Un peu tardif, celui-ci pouvait transformer une fantastique après-midi de sport en une belle journée de merde. Si vous n’avez pas bien suivi l’issue de la course, voici un bref résumé. Il est un peu plus de 19h45 à Paris, le peloton oscille entre la fringale et la crise d’angoisse. À cette heure-là, on apprend que 28% des coureurs n’ont pas souhaité prendre le départ ce 24 avril, jugeant sans doute que le bouquet était promis à un sprinteur qu’ils vomissaient, comme s’il y avait une raison, une seule, de comparer un cador logiquement impopulaire à une équipe entière dont l’idéologie va à l’encontre des valeurs du cyclisme. Comme prévu par les organisateurs, l’arrivée s’est jouée à 20h précise, pas sur les Champs-Elysées mais sur le Champ de Mars, où le favori des bookmakers a modestement levé les bras, conscient mais sans doute pas assez, de son succès au rabais. Tout sauf maillot vert de l’écologie, Emmanuel Macron a eu ceci d’élégant qu’il m’a permis de profiter de mon dimanche jusqu’au bout. Car bien avant l’arrivée à Paris qui m’a rempli de soulagement, la Bruges-Liège-Bruxelles-Paris a été riche en émotion.
Suite au résultat du 24 avril au soir, je resterai belge d’adoption, ce qui est déjà pas mal. La preuve un peu plus tôt, dans les couloirs du métro parisien, station Louvre-Rivoli, quand un voisin très curieux ou peu poli, regarde tranquillement derrière mon épaule pour voir ce qu’il se passe sur mon téléphone. Manque de chance pour lui, il ne reconnait pas plus les sigles " CLUB " ou " RAFC " que les voix de Benjamin Deceunick et de Nordin Jbari. Il est un peu plus de 13h30 et je profite d’une odyssée souterraine pour m’envoyer le premier match de ces Champions Playoffs. Un match entre Brugeois et Anversois qui a lancé la suite de la compétition comme Mark Renshaw le faisait avec Mark Cavendish à leur belle époque. Une vraie bonne rencontre que je n’attendais pas forcément, qui a fini d’acter le duel à la vie à la mort entre les blauw en Zwart et l’Union Saint-Gilloise pour le titre, un feuilleton plus à mon goût que celui sur lequel s’est achevé ma journée de dimanche. Étonnamment pas plus au courant des traditions belges que l’impoli des transports en commun, Laurent Jalabert, consultant iconique de France Télévisions sur les courses cyclistes, exprime une inquiétude complètement française au moment où Remco Evenepoel fait tout péter, et presque sa chaîne avec, dans la Redoute. L’ancien vainqueur du Tour d’Espagne 1995 s’inquiétait alors de savoir si " Remco n’était pas parti trop tôt " comme si celui-ci n’était pas capable de s’envoyer un contre-la-montre d’une petite heure, solo, pour aller lever les bras en sifflotant. Des bras que j’ai également levé tant l’attaque du crack de la Quick-Step était folle et tant sa réaction à son succès était remplie d’humanité. Pour ne rien gâcher, le petit triplé belge à la maison a continué de m’orienter sur les routes du pays, direction Bruxelles et plus précisément le Parc Duden, pour l’ultime bosse avant le final.
Et force est de constater que Felice Mazzu a peut-être regardé un bout de Liège-Bastogne-Liège avec Alex Teklak, sur son téléphone. Car l’intensité avec laquelle les joueurs de l’Union ont commencé la rencontre face à Anderlecht avait à peu près la même allure. Des courses hyper intenses d’entrée de jeu, un pressing et une envie à la hauteur de l’événement. Ce dimanche, on a retrouvé l’Union que l’on avait entrevue lors de l’enchaînement infernal de mi-saison (Genk, Bruges, Anderlecht et Antwerp en un peu plus d’un mois, début 2022). Celui où l’on promettait aux coéquipiers de Teddy Teuma la perte de leur première place ou au moins, la fonte de leur avance. Sur cette deuxième partie de saison, l’Union a plus aimé le goût des grosses rencontres que les réceptions de petits. Hier, la machine s’est remise en marche. Une machine que certains jugent " très classique ". C’est peut-être vrai. Hier, notamment en seconde période, le 3-5-2 unioniste a récité une partition bien connue de tous les observateurs de Pro League. Ceux qui n’aiment pas parlent " d’équipe qui joue le contre ". Ceux qui aiment apprécieront la maitrise incroyable d’un système pas si simple à jouer. Undav et Vanzeir qui ferment les lignes vers les milieux axiaux, le boulot de Lazare et Teuma une fois que le ballon est sur les côtés, la volonté d’enfermer le ballon vers la touche, mais surtout de créer des pertes pour vite se projeter. La course de Nieuwkoop est un classique de la saison, tandis que Vincent Kompany a tout dit de la malice de cette équipe-là. Alors on est en droit de tout. De dire qu’Anderlecht a déçu dans la concentration, dans l’application défensive, même si les Mauves ont eu un vrai temps fort dans la rencontre et que les xG ne sont pas aussi sévères que le score. On peut aussi débattre – on le fera, promis, du bien pour le foot belge ou non de l’Union en Ligue des Champions si jamais ils gagnent le titre. (C’est un non débat pour moi, pour être honnête : le champion est le champion, et Bruges a pris 4 points cette saison.) Toujours est-il qu’à 20h01 ce dimanche, ils étaient nombreux, supporters de Bruges, de l’Union et de Remco Evenepoel a pouvoir profiter du temps printanier pour faire la fête. Pour ma part, l’arrivée du Liège-Bruges-Bruxelles-Paris n’a pas fini dans l’effusion de joie mais dans le modeste soulagement. À défaut de la fête, il n’y a au moins pas de gueule de bois ce matin, même si je dois bien avouer que 41,5%, ça pique un peu plus qu’un Orval.