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Talibans et membres de la société civile afghane prennent langue à Oslo

Arrivée de délégués talibans en Norvège le 22 janvier 2022

© Terje Bendiksby

Par AFP

La crise humanitaire en Afghanistan, où des millions de personnes sont menacées de famine, et les droits humains vont dominer les discussions qui s'ouvrent ce dimanche à Oslo entre talibans, Occidentaux et membres de la société civile afghane.

Lors d'une visite de trois jours en Norvège, la première en Europe depuis leur retour au pouvoir, les talibans emmenés par leur ministre des Affaires étrangères Amir Khan Mutaqqi vont rencontrer des responsables norvégiens et des représentants des Etats-Unis, de France, du Royaume-Uni, d'Allemagne, d'Italie et de l'Union européenne.

"La formation d'un système politique représentatif, une réponse aux crises humanitaire et économique, les préoccupations en matière de sécurité et de contre-terrorisme, et les droits humains, en particulier l'éducation des filles et les femmes" seront sur la table, a indiqué le département d'Etat américain.

Les talibans espèrent que ces entretiens contribueront à "changer l'atmosphère guerrière en situation pacifique", a dit le porte-parole du gouvernement islamiste.

Aucun pays n'a pour l'instant reconnu leur gouvernement et la cheffe de la diplomatie norvégienne, Anniken Huitfeldt, a souligné que ces discussions "ne constituent pas une légitimation ou une reconnaissance". "Mais nous devons parler aux autorités qui dirigent de facto le pays. Nous ne pouvons pas laisser la situation politique déboucher sur un désastre humanitaire encore plus grave", a-t-elle dit.

Depuis août, l'aide internationale qui finançait environ 80% du budget afghan s'est soudainement arrêtée et les Etats-Unis ont gelé 9,5 milliards de dollars d'avoirs de la Banque centrale afghane.

Le chômage a explosé, les salaires des fonctionnaires ne sont plus payés depuis des mois et la faim menace aujourd'hui 55% de la population selon l'ONU.

"Apartheid des sexes"

"On ne peut pas continuer à distribuer de l'aide en contournant les talibans. Si on veut qu'elle soit efficace, il faut bien impliquer le gouvernement d'une manière ou d'une autre", a renchéri l'ex-représentant de l'ONU en Afghanistan, Kai Eide, auprès de l'AFP.

La communauté internationale attend cependant de voir comment les fondamentalistes islamistes comptent gouverner l'Afghanistan. Malgré les promesses, les femmes sont largement exclues des emplois dans les services publics et les écoles secondaires pour filles restent pour la plupart fermées.

A Oslo, les talibans doivent rencontrer dès le premier jour, à huis clos, des membres de la société civile afghane, notamment des militantes féministes et des journalistes.

Ex-ministre afghane des Mines et du Pétrole aujourd'hui réfugiée en Norvège, Nargis Nehan dit avoir décliné de participer aux discussions, redoutant qu'"elles normalisent les talibans, qu'elles les renforcent sans qu'ils changent d'un iota".

"Si vous regardez ce qui s'est passé dans les discussions des trois dernières années, les talibans obtiennent toujours ce qu'ils réclament de la communauté internationale et du peuple afghan mais ils n'ont pas fait un seul pas de leur côté", a-t-elle déclaré à l'AFP.

"Quelle garantie a-t-on qu'ils respecteront leurs promesses cette fois-ci?", a-t-elle précisé, soulignant que les arrestations de militantes féministes et de journalistes avaient continué dans son pays ces derniers jours.

L'analyste politique Davood Moradian a critiqué une initiative de paix "ronflante" pour le pays hôte.

"Accueillir un haut responsable des talibans jette une ombre sur la réputation de la Norvège en tant que pays soucieux des droits des femmes, alors que les talibans ont de facto institué un apartheid entre sexes", a-t-il estimé.

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