Une bonne dizaine de fois, Bernard Tapie et Yves de Jonghe d’Ardoye iront au restaurant, au "Canterbury" notamment, face aux étangs. "Je me souviens d’une fois, il avait commandé un poulet frites compote, la spécialité de la maison. Il avait tellement faim qu’il a mangé toute son assiette sans utiliser de fourchette, de couteau, de cuillère… Il désossait son poulet. Ses frites, ils les trempaient dans la compote avant de les avaler… Il a vidé son assiette de façon extraordinaire."
Un homme au charisme certain, qui a à ce moment déjà connu la prison, une démission du gouvernement après avoir été ministre de la Ville du président Mitterrand, la banqueroute mais qui écarte les bonnes manières devant une spécialité bien belge.
Tapie borderline ? Personne ne le niera mais…
"C’était un homme enthousiaste, il positivait tout", enchaîne Yves de Jonghe d’Ardoye. "Bon, qu’il ait été un peu borderline dans sa vie, je crois que personne ne le niera. Mais dans tout ce qu’il a fait, il était exceptionnel que ce soit dans les affaires, dans le football, dans ses émissions de télévision, au théâtre…"
"Moi", poursuit l’ancien mayeur, "je l’ai vu je ne sais pas combien de fois au théâtre à Bruxelles. Sur scène, il était fabuleux. Au cinéma, il était fabuleux. Il faut revoir ce film de Claude Lelouch "Hommes, femmes, mode d’emploi" avec Fabrice Luchini. Lucchini, que je connais bien, qui était un ami m’a dit : quand j’ai tourné ce film avec Bernard Tapie, moi qui suis vraiment un professionnel de la comédie, j’ai été bluffé par son culot, par son enthousiasme, par sa façon de parler, de s’exprimer, sa diction… Tapie avait un talent pour tout… Ce mec était 'multidiscipline' et chaleureux. Il était aussi un vendeur incroyable, capable de tout vendre. A ses débuts, il vendait des téléviseurs."
Un talent aussi pour casser les barrières. "La première fois que je l’ai rencontré, il m’a tutoyé après 15 minutes. Il me parlait comme s’il me connaissait depuis toujours. Il était amical, il vous tapait sur l’épaule. Quand il vous aimait bien, il faisait comme s’il vous connaissait depuis toujours. Et je crois qu’il m’aimait bien. Quand il me téléphonait, il me demandait quand je pouvais venir à Paris pour le voir, pour le voir au théâtre, pour déjeuner avec lui. Chaque fois, qu’il passait par Bruxelles, il m’appelait."
La dernière rencontre, en face en face, remonte à il y a quatre ans. Les deux hommes dînent dans un restaurant italien à Louise. "Depuis son cancer, on ne s’est plus vu mais on s’est eu deux fois au téléphone. La dernière fois, c’était il y a un an. Il était toujours aussi combatif. On avait prévu de se voir. Ce n’est que quand les gens disparaissent qu’on se dit qu’on aurait dû le faire. On croit toujours que les amis sont éternels."