Economie

Taxonomie : la Commission européenne propose de classer nucléaire et gaz dans les énergies "durables"

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Par Africa Gordillo

Un accord politique est intervenu ce mercredi à la Commission européenne pour intégrer le gaz et le nucléaire dans la taxonomie européenne, autrement dit dans le système de labellisation qui vise à faciliter les financements privés dans certaines activités durables. Le dossier divise les Etats membres et les experts. La Commission européenne le défend en parlant de mesures transitoires nécessaires, assorties de conditions strictes, pour atteindre l’objectif européen de neutralité carbone en 2050.

Objectif neutralité carbone

Avec la taxonomie, la Commission européenne veut mettre de l’ordre dans les investissements qui se prétendent durables sans l’être pour autant (fonds de pensions, obligations, etc.) et d’orienter jusqu’à 340 milliards d’euros d’investissements privés par an vers des sources d’énergie "vertes", avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle couvre 170 activités économiques représentant 40% des sociétés cotées dans l’UE, dans des secteurs responsables de quelque 80% des émissions directes de gaz à effet de serre, selon la Commission européenne.

"La taxonomie aide à baliser la voie pour que l’investissement privé contribue à nos objectifs climatiques. Elle permettra d’accroître la transparence des marchés financiers. C’est donc un outil pour le secteur financier, pas pour la politique énergétique", a déclaré ce mercredi après-midi la Commissaire européenne aux services financiers, à la stabilité financière et à l’union des marchés des capitaux, Mairead McGuinness.

Le gaz

Concrètement, les centrales à gaz seront considérées comme des sources d’énergie durables si leurs émissions ne dépassent pas 270 grammes de CO2/kWh. Les nouvelles centrales à gaz devront par ailleurs obtenir leur permis de construire avant 2030 et remplaceront des centrales polluantes comme les centrales à charbon qui constituent 15% de la production énergétique dans l’Union européenne aujourd’hui.

L’objectif est de basculer en 2035 du gaz naturel vers du gaz renouvelable ou de l’hydrogène. Dans l’accord politique trouvé ce mercredi par la Commission européenne, les objectifs intermédiaires ont disparu (30% au moins de gaz renouvelable en 2026 et 50% au moins en 2030).

Une victoire pour l’industrie allemande qui gagne du temps pour basculer ses centrales au gaz. "Ça donne l’impression que l’on fixe une contrainte forte en 2035 mais qu’il n’y a rien avant. Bref, que les industriels pourront faire ce qu’ils veulent entretemps. C’est un immense exercice de greenwashing d’avoir laissé tomber ce qui était contraignant à court terme", réagit Damien Ernst, professeur à l’ULiège et spécialiste de l’énergie.

Le nucléaire

Pour ce qui est du nucléaire, les nouvelles centrales devront obtenir un permis de construire avant 2045 si elles veulent être classées dans les énergies durables. Le pays dans lequel elles seront construites devra par ailleurs disposer d’une gestion sûre des déchets radioactifs d’ici à 2050.

Avant d’entrer en vigueur, le texte sera soumis au Parlement européen et au Conseil européen qui auront maximum six mois pour accepter ou rejeter le texte, sans pouvoir l’amender. Et les 27 sont divisés sur le nucléaire. L’Autriche a déjà annoncé qu’elle engagera une action en justice contre la proposition d’inclure l’énergie nucléaire dans les règles de taxonomie de l’UE. Le Luxembourg pourrait lui emboîter le pas. Les pays du sud sont également contre. L’Allemagne, elle, est engagée dans la sortie de l’atome mais ménage ses relations avec la France, attachée au nucléaire et à ses 56 réacteurs.

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