Tendances Première

Tendez l’oreille, la nature hurle : rencontre avec un audio naturaliste

Tendances Première: Le Dossier

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Lorsque nous nous promenons au cœur d’une forêt 'sauvage', l’oreille attentive, l’une des premières constatations que nous faisons, c’est qu’elle est habitée par une grande diversité de sons : chants d’oiseaux, cliquetis et vrombissements d’insectes, polyphonies d’amphibiens, murmures aquatiques… Qu’est-ce qui peut expliquer cette diversité ? Les animaux s’expriment, est-il abusif de les qualifier de 'musiciens' ? Quel est l’impact du bruit des hommes sur la vie sauvage ? De l’appauvrissement de la biodiversité et du changement climatique ? Marc Namblard est audio naturaliste. Son ouvrage 'A l’écoute du vivant' (Bayard éditions) nous emmène à la découverte étonnante de l’univers sonore de la nature. Il contient une sonothèque accessible par QR code.

C’est un son qui semble sorti du film 'La Guerre des étoiles'. On a l’impression qu’il a été produit par un synthétiseur sonore dans les années 70. Et pourtant…

"C’est un enregistrement que j’ai réalisé sur un lac gelé dans les Vosges. C’est un son complètement naturel, je n’ai eu aucune action sur cette ambiance sonore. On peut le percevoir par nos oreilles si on est là au bon moment. C’est encore mystérieux, des physiciens se penchent sur ce phénomène acoustique lié à des contrastes thermiques. Pendant la nuit, lorsque la température est très basse, la glace prend du volume, et puis l’arrivée du soleil génère des fractures qui produisent ce son."

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Audio naturaliste ou bioacousticien ?

Marc Namblard passe son temps dans la nature à repérer les phénomènes sonores. Des sons produits par les êtres vivants ou par les éléments naturels.

"J’ai commencé à collecter des sons autour de moi quand j’étais enfant. J'utilisais un petit enregistreur cassette à l’époque. J’enregistrais dans les Cévennes les sons des troupeaux dans la montagne, des insectes, des orages…"
La curiosité est devenue un réel intérêt, une passion s’est transformée en un métier. Un audio naturaliste c’est un ingénieur du son avec une approche scientifique.

Couverture du livre de Marc Namblard 'A l'écoute du vivant'

On est plus des observateurs que des chercheurs. Ce qui nous distingue des bioacousticiens ou écoacousticiens, c’est que l’on réalise des captations au fil des saisons et en fonction de nos envies. On a énormément de liberté par rapport aux scientifiques car on n’a pas de protocole. On va parfois en forêt avec une idée en tête et puis on trouve complètement autre chose. C’est ce qu’il y a de passionnant dans ce métier, ne sait jamais ce que l’on va trouver."

La nature en chef d’orchestre

Tout un vocabulaire technique précise les bruitages de l’environnement sauvage. Des termes qui décrivent comment les sons sont produits. Dans l’orchestre de la nature, On retrouve à la section 'stridulation' les grillons, les sauterelles, criquets et même certaines araignées. Leur talent consiste à frotter deux parties du corps l’une contre l’autreLa cymbalisation n’a rien à voir, chez les cigales, c’est un organe spécifique, une sorte de membrane qui se met à vibrer comme un haut-parleur. Au chant, les oiseaux s’expriment en polyphonie. Vous ne l’aviez pas remarqué ? C’est parce qu’il est nécessaire de ralentir le son pour décoder les richesses sonores contenues dans leur chant. A cette vitesse ralentie, notre cerveau est capable de suivre, mais les oiseaux, eux, saisissent les nuances en temps réel !

La grenouille et la mouche, Kalmthout, Belgique
La grenouille et la mouche, Kalmthout, Belgique © Manuel ROMARIS

Certains animaux ont trouvé des astuces imparables pour une propagation des ondes sonores encore plus efficace. Pour le concert, ils utilisent des cavités naturelles ou des réflecteurs, cela peut-être des feuilles, des parois rocheuses. Ils vont jusqu’à fabriquer leur propre cavité comme la courtilière, un gros grillon, qui va creuser un trou dans le sol avant de chanter à l’entrée de ce creux pour amplifier son chant.

L’humain, le trouble-fête

Les facteurs anthropiques impactent à plusieurs niveaux. Tout d’abord, le silence absolu est devenu une denrée rare. La biodiversité est menacée par l’activité humaine, et le réchauffement climatique bouleverse les écosystèmes.

"Nous les humains occupons une place prédominante dans les espaces sonores. Même dans des zones qui paraissent sauvages, on peut entendre les bruits parasites provoqués par le passage d’avions, l’emploi de quads ou de tronçonneuses. Dans les lieux qui bénéficient d’un statut de protection, du type réserve naturelle ou parc nationaux, la biodiversité se maintient, et la diversité sonore aussi. Mais dans les exploitations agricoles soumises aux produits chimiques, on a un appauvrissement des ambiances sonores de par la disparition des espèces. Les êtres les plus exigeants vont se raréfier. On remarque une homogénéisation des ambiances sonores car l’espace n’est plus habité que par les espèces les plus résistantes. A côté de cela, le changement climatique influe sur les lieux de présence des animaux. Certaines espèces qu’on entendait en plaine montent en altitude, ou des espèces méridionales remontent vers le nord, comme les cigales."

Des êtres vivants jouant avec les sons pour le plaisir ?

La plupart du temps, les sons émis par les animaux sont un langage. Le travail d’enquête des bioacousticiens va se focaliser pendant une période sur une seule espèce pour tenter de comprendre ce qu’ils se racontent. Notre audio naturaliste a sa propre conviction sur l’utilité de cet exercice. "Dans la nature, l’énergie est très précieuse, et les animaux sont très économes avec leurs propres ressources. Mais j’ai tendance à croire qu’ils le font aussi pour le plaisir d’émettre des sons, c’est ma conviction que ce n’est pas toujours associé à une raison biologique."

Alors, tendez l’oreille, captez tous ces messages que la nature nous offre. Entraînez votre ouïe, l’écoute du murmure d’une rivière, de certains chants d’oiseaux, du bourdonnement d’insecte ont un bénéfice sur le rythme cardiaque, la tension artérielle, le stress. Pourquoi s’en priver ?

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