En philosophie, la notion de sobriété remonte aux Grecs. Rien de trop, 'meden agan' : la formule était inscrite sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes. Elle est de Solon d’Athènes, l’un des pères de la démocratie grecque.
Elle exprime l’idéal de mesure qui est au coeur de la culture grecque. L’aspiration à l’équilibre, la recherche de l’harmonie inspirent les physiciens, par exemple, qui sont en quête d’un principe organisateur de ce qu’ils appellent 'le cosmos'. Dans les mathématiques aussi ou dans la statuaire grecque et son idéal d’une beauté harmonieuse.
Et on la retrouve évidemment chez les philosophes, comme Epicure ou Epictète, qui prônent tous, dans des voies différentes, mais dans leur attention au plaisir, une forme de suffisance naturelle.
Dans sa lettre à Ménecée, Epicure affirme ainsi : "C’est un grand bien que de se suffire à soi-même. Non qu’il faille toujours vivre de peu, mais enfin que si l’abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons, bien persuadés que ceux-là jouissent le plus vivement de l’opulence qui ont le moins besoin d’elle. Et que tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, tandis que ce qui ne répond pas à un besoin naturel est malaisé à se procurer."
C’est là l’affirmation très forte d’une sorte de suffisance naturelle. Mais n’idéalisons pas les Grecs ! S’ils valorisaient la sobriété d’une vie conforme à la nature, c’est peut-être que précisément, comme tous les grands récits poétiques et épiques le racontent, ils étaient enclins eux aussi à la démesure, à ce qu’ils appelaient 'l’hubris', aux excès en tous genres.