Théâtre aux Riches Claires : "Etat Père – Terre Mère", si les arbres pouvaient parler

Le projet était ambitieux : sélectionner et traduire quatre des huit récits contenus dans "Histoire de femmes" pour leur donner corps. Du souvenir mélancolique de la femme rurale analphabète au rugissement de colère de l’épouse objectifiée, Sibel Dinçer change de visage avec aisance. Les univers varient d’un témoignage à l’autre, mais abordent tous de véritables enjeux sociétaux : accès à l’éducation, violence conjugale, mariage forcé… Invariablement, l’image du preux chevalier vacille sur son cheval blanc et la réalité souille les fantasmes.

Avec la complicité d’Eric de Staercke à la mise en scène, les pensées de ces héroïnes banalisées prennent vie ; la forme répond au fond pour proposer une immersion instantanée. L’ensemble est habillé par une scénographie sobre reliant ces femmes au symbole même de la Vie : racines profondes et troncs coupés, ces souches d’arbres plantées sur scène sont à l’image de ces âmes blessées dans leur épanouissement.

Sujet de plus en plus abordé, à raison ! la question de la femme et de ses combats dans notre monde patriarcal est particulièrement prisée par les arts. Des tabous tombent, les langues se délient et les dénonciations se multiplient. Forte de son rôle éducatif, la culture [et à travers elle le théâtre] est un intermédiaire essentiel pour amener un changement de mentalité bienvenu !

Ce défi est encore plus difficile quand on est seule sur scène. Tenant l’attention du spectateur par sa simple présence, la comédienne le relève pourtant aisément en incarnant avec réalisme et intensité ces quatre femmes qui, au-delà des mers, nous sont finalement proches.

De Deniz Kaptan "Histoires de femmes" ("Kadin Hikayeleri") traduit et joué par Sibel Dinçer de la Maskara Company, mis en scène par Eric de Staercke, au Théâtre des Riches-Claires du 9 au 25 novembre.