Théâtre

Théâtre : "Le Capital. Un livre que nous n’avons pas encore lu ", aux Tanneurs

« Le Capital. Un livre que nous n’avons pas encore lu », au Théâtre des Tanneurs du 31 mai au 03 juin dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts

© Luca del Pia

Par Diane Delangre

Voilà bientôt trois semaines que le Kunstenfestivaldesarts s’épanouit dans les quatre coins de Bruxelles, offrant un programme de créations aussi riches que variées autour de la danse, du théâtre et de performances artistiques contemporaines. Venues de Belgique et d’ailleurs, ce ne sont pas moins de 28 pays et 13 langues différentes qui ont été mises à l’honneur !

De quoi ouvrir notre esprit à l’altérité et confronter nos réalités. Parmi les représentations qui clôturent ce rendez-vous culturel annuel, "Il Capitale. Un libro che ancora non abbiamo letto" brille de mille feux. Un projet italien joué actuellement au Théâtre des Tanneurs et à découvrir jusqu’au 3 juin. (ndlr : le spectacle est sold out)

Avant d’être un spectacle, "Il Capitale…" est une réalité. Ici, pas de personnages, mais des témoins portés par l’envie de raconter le bras de fer qui se joue aujourd’hui encore dans une usine en Toscane, leur usine. L’événement aurait pu paraître dans la rubrique de nos faits divers, si la pandémie ne nous avait pas coupés du reste du monde : le 9 juillet 2021, l’entreprise "GKN Automotive" met en liquidation son usine près de Florence. Choisissant la stratégie de la délocalisation, elle plie bagage et licencie au passage ses 450 ouvriers. Mais peut-on encore parler de "fait divers" quand ces mêmes ouvriers assiègent leur usine pendant 22 mois ?

"Le Capital. Un livre que nous n’avons pas encore lu ", aux Tanneurs
"Le Capital. Un livre que nous n’avons pas encore lu ", aux Tanneurs © Luca del Pia

À l’origine du projet artistique, il y a la compagnie théâtrale Kepler-452 et son envie de lire "Le Capital" de Karl Marx. Au lendemain d’un lockdown mondial qui a fortement fragilisé l’économie, l’idée n’est pas sans intérêt ! Ironie ou simple hasard, la contestation ouvrière chez GKN survient concomitamment au lancement du projet de la Cie. Deux comédiens décident de rejoindre le collectif ouvrier et s’installent dans l’usine. C’est le début d’une aventure faite de rencontres et de discussions. Ils n’ont peut-être pas lu Marx et pourtant…

Quand l’artiste rencontre l’ouvrier, deux univers se mêlent pour donner naissance à un spectacle hybride. Les sacro-saintes étiquettes sociales se décollent des fronts, l’ouvrier devient artiste et l’artiste ouvrier. Par les voix de Tiziana, Felice et Iorio, "Il Capitale…" nous invite à nous questionner sur notre rapport au travail dans un système capitaliste : dignité, temps et force de travail, mode de production, autant de sujets percutants qui méritent que l’on s’y attarde.

Vous l’aurez deviné, " Il Capitale… " n’utilise pas la langue de Molière. Pas de panique, un écran situé juste au-dessus de la scène permet de suivre le discours en temps réel (et en trois langues !) Bien qu’il soit frustrant de ne pas recevoir l’intégralité de la traduction du discours, le procédé fonctionne et conviendra à celles et ceux prêts à cet exercice de concentration. Pour la scénographie, une toile de fond nous projette directement entre les murs de l’usine. Boulons, cages, bouts de semi-essieux, les ateliers sont reconstitués et nous plongent dans l’ambiance.

Toi qui passes la porte du Théâtre des Tanneurs, chausse tes lunettes de citoyen·ne·s et regarde. Derrière cette mise en scène qui n’en est pas vraiment une, se cache une démarche inhabituelle qui mérite toute ton attention. Non seulement la qualité de jeu de ces "acteurs et actrice du monde" est à s’y méprendre, mais la dramaturgie transcende le reste et t’amènera sans doute à te poser des questions essentielles : La lutte des classes fait-elle vraiment partie du passé ? Évolues-tu dans un système économique sain et épanouissant pour l’ensemble de la société ? Comment souhaites-tu utiliser ce temps qui t’est donné et qui s’écoule inexorablement entre tes doigts ?

En pratique

De et mis en scène par Enrico Baraldi et Nicola Borghesi, Avec Nicolas Borghesi, Tiziana De Biasio, Felice Ieraci et Francesco Ioro, scénographie de Vincent Longuemare, Un projet de la Cie Kepler-452 en collaboration avec le GKN Workers Factory Collective

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous