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Thierry Dailly (Président RWDM) sur le Gril : " Si on monte en D1A, je repenserai à nos matches à Ohain et Profondeville… "

Sur le Gril

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Par Erik Libois
Thierry Dailly (Président RWDM) en mode selfie
Thierry Dailly (Président RWDM) en mode selfie © Tous droits réservés

En 2015, on le traitait de " fou furieux ". Huit ans plus tard, il est aux portes de la D1A avec, comme il le dit lui-même, " ses 4 lettres magiques ". Le RWDM, le club de son cœur. Président atypique, il évoque les attentats de 2016, Johan Walem, une photocopieuse foireuse, Roméo Elvis, un coup d’envoi avec Eden Hazard, Wesley Sonck, son but marqué à Sclessin à Gilbert Bodart, les droits TV et Franky Vercauteren. Mais aussi John Textor, un derby à Botafogo, Julien Gorius, la fanfare de Molenbeek, Vincent Euvrard, des panneaux publicitaires à revisser, Marc Coucke et le conte de fées de l’Union Saint-Gilloise. Et bien sûr… le fameux bourgmestre de Profondeville. Thierry Dailly (Président RWDM) passe " Sur Le Gril ".

J’ouvre le stade le matin, je ferme le stade le soir, je déménage des meubles. Je prends aussi le téléphone et je sers le café : pourquoi un Président ne ferait pas ça ? Je suis déjà monté sur la nacelle pour revisser les panneaux publicitaires : à l’RWDM (sic), tout le monde met la main dans le cambouis ! J’ai tous les râteliers et je fais toutes les casquettes (sic). C’est normal, c’est mon club… " On nous l’avait annoncé truculent, on est servi plus qu’à foison : accent bruxellois savoureux, mots écorchés, formules revisitées, tout est réuni.

" Si on monte en D1A, je repenserai à nos matches à Ohain et Profondeville… "
" Si on monte en D1A, je repenserai à nos matches à Ohain et Profondeville… " © BELGA

Président du RWDM, Thierry Dailly s’enfonce dans le canapé de son bureau sommaire, son dos le torture depuis plusieurs jours : trop de stress sans doute. Car dès dimanche, son matricule peut faire la bascule vers la D1A. Si le RWDM s’impose samedi soir à Bruges NXT… et que Beveren ne gagne pas au Lierse le lendemain, " ce sera caisse ! " (sic)

Je ne dors pas bien… mais je n’ai jamais bien dormi ! Depuis que j’ai relancé le club, c’est impossible de bien dormir. On n’a eu que des obstacles : le White Star qui occupait le stade, les attentats de 2016 qui ont détruit l’image de Molenbeek, le Covid… Avec le Covid, on devait ouvrir le magasin, mais les clients ne pouvaient pas entrer… (sic) Alors maintenant, vous pensez, on touche presque au but… Mais je suis superstitieux, rien n’est fait : on doit encore battre Bruges et finir le week-end suivant contre Anderlecht. Fêter le titre contre les Mauves serait le top… mais si c’est possible dès ce week-end, je prends ! Même par téléphone ! " (sic)

" RWDM, les quatre lettres du cœur "
" RWDM, les quatre lettres du cœur " © BELGA

" RWDM, les quatre lettres du cœur "

Sa gouaille emplit la pièce, l’attachement est évident. Il nous montre son biceps gauche… que barre un grand tatouage RWDM. Oui, un Président tatoué !

" On a fait ça à plusieurs en 2016, après notre premier titre en 3e Division Amateure. Non, ça n’a pas fait mal : ce n’était que du plaisir. Quand il s’agit du RWDM, c’est toujours du plaisir ! (clin d’œil) Ce sont les quatre lettres magiques, ce sont les lettres du cœur (sic), les lettres de nos supporters, les lettres du Temple. Oui, le Temple : c’est comme ça qu’on appelle notre stade, ici ! Je suis né à Molenbeek, je n’ai jamais joué au RWDM… mais c’était un grand club, hein ! Et je n'ai pas fait Anderlecht non plus… (clin d’œil) Mais petit, je traînais toujours par ici car mon père jouait dans des équipes de bistrot: L'Eglantine, le Sadio Boule ou le Witte (sic). J’ai l’ADN du RWDM, le sang de ce club coule dans mes veines et je dis toujours que je resterai Président jusqu’à ma mort. Même quand ils n’étaient plus là, les Monsieur L’Ecluse à Molenbeek et les Vander (sic) Stock à Anderlecht ont continué à être appelés Présidents ! Si on monte en D1, je me mettrai à la table des autres Présidents… mais je resterai moi-même, hein : on me connaît, je suis un zwanzeur ! (clin d’œil) Ce sera peut-être une manière de compenser la carrière de joueur que je n’ai pas eue… mais dont j’ai tiré le maximum : j’ai fait une douzaine de clubs de D2 et de D3… dont l’Union Saint-Gilloise ! Avec Aarschot, je me rappelle même avoir joué à Sclessin en Coupe : on a perdu, mais j’ai marqué un but à Gilbert Bodart. C’était l’équipe avec André Cruz, Guy Vandersmissen… et même Daniel Nassen qui a joué ici après. Et le coach, c’était cet Allemand, je crois… Kessler ? Ca doit être ça, oui… Le Standard jouait la tête à l’époque. "

" En D1A ou en Provinciale, le foot est le même "
" En D1A ou en Provinciale, le foot est le même " © BELGA

" En D1A ou en Provinciale, le foot est le même "

Après avoir échoué aux barrages l’an dernier, face à Seraing, le RWDM repasse au guichet douze mois plus tard. Mais avec des arguments plus solides.

L’année passée, c’était un demi-miracle qu’on arrive si haut. Cette fois, on est mieux armé : on a des joueurs comme Kylian Hazard et Alexis de Sart, qui ont le vécu de la D1A. On a investi dans nos infrastructures comme le stade, l’éclairage et les terrains, et ça fait trois ans qu’on a la licence pour le foot professionnel. Chaque année, depuis qu’on s’est relancé en D3 Nationale (NDLA : avec le matricule racheté à Wetteren), les journalistes me demandent si on est prêt pour l’étage supérieur ! Mais on se prépare chaque année et c’est un processus permanent… et depuis le début, on visait le retour en D1A ! Si on monte, on renforcera l’équipe, c’est normal, mais on gardera l’ossature. Et les montants précédents (NDLA : l’Union, Westerlo, OHL) ont prouvé qu’une équipe promue a toujours plus facile (sic) pour continuer sur sa lancée. C’est clair que des investissements ont été faits pour monter… mais si on ne monte pas, ça ne va pas couler le club non plus (sic) : le RWDM est sain ! Vous savez, je dis toujours que quand est champion en D1B ou en 4e Provinciale, les émotions sont les mêmes : le foot est le même partout… et c’est ce qui fait sa beauté. C’est juste les budgets qui changent... " (sic)

Kylian Hazard
Kylian Hazard © BELGA

" Je photocopiais les abonnements "

On lui rappelle les débuts en 2014, le coup de fil de quelques nostalgiques du RWDM lui proposant de relancer le club coalisé. Il raconte la suite.

On s’est tous retrouvé e juin 2015 à la cafétaria du Sippelberg (NDLA : un site sportif historique de Molenbeek) : on a commencé à faire des abonnements à la main, puis on les passait à la photocopieuse. Ils étaient 400 supporters à être là, et la photocopieuse est vite morte (clin d’œil). Alors, on a juste fait des reçus… Un type me demande quel était son siège dans le stade… mais je n’avais même pas de terrain, ni de joueurs ! Et on commençait deux mois après ! Je lui ai dit qu’on allait se battre pour récupérer le Stade Machtens, mais je n’étais sûr de rien. J’avais le matricule, que j’avais racheté à Wetteren pour 100.000 euros, j’avais le logo, les couleurs et les quatre lettres magiques (sic)… mais rien d’autre ! En y repensant, c’était une folie, mais au final, c’est ce que j’ai fait de plus beau dans ma vie… (Pause) Combien j’ai mis d’argent dans tout ça ? C’est pas intéressant, l’argent ! (clin d’œil) Ma femme ? Evidemment qu’elle était d’accord ! D’ailleurs, c’est une fille du RWDM : elle a l’ADN du club, son père a coaché les jeunes du temps de Johan Boskamp, son frère a joué en jeunes… et elle court aussi aujourd'hui dans les couloirs ! " (sic)

John Textor (à gauche), avec Jean-Michel Aulas (Olympique Lyonnais)
John Textor (à gauche), avec Jean-Michel Aulas (Olympique Lyonnais) © BELGA

" Je ne suis pas pauvre... mais pour le foot, oui ! "

Fin 2022, Thierry Dailly a accueilli le magnat américain John Textor (déjà propriétaire de l’Olympique Lyon, Crystal Palace et Botafogo) qui, en rachetant 80% des parts du RWDM, a reboosté le club, menacé de végéter.

Cet investisseur était nécessaire car je le dis souvent : je ne suis pas pauvre… mais pour le football, je suis très pauvre ! (sic) Le foot aujourd’hui demande beaucoup de capitaux, même si quand on voit les budgets, on n’est finalement que des petites PME… Mais c’est le paradoxe : il y a quelques années, on me connaissait plus, moi, Président d’un club de D3 nationale… que le Président de Solvay qui fait des choses magnifiques et dégénère (sic) des milliards de dollars ! On peut avoir un propriétaire étranger, mais ce qui compte, c’est de garder les valeurs du club. Dans la vie, il faut rester soi-même : on se prend trop au sérieux dans le monde du football… parce qu'au final, ce n’est que du foot (sic). Il faut de la rigueur et du sérieux, mais surtout… il faut rester sympathique ! " (sic)

LES PETITS PAPIERS

Le moment venu des petits papiers : parmi une quinzaine de papiers-mystères, il en choisit 5 au hasard. Et commente.

PAPIER 1 : FANFARE (NDLA : le RWDM était célèbre pour sa fameuse fanfare, qui jouait les airs le plus divers). " Ah, la fanfare : rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule… (Il commence à fredonner). Lalalalalaa, Ro-se-ma-rie ! (Soupir) C’était mythique ! J’ai essayé de la réunir, mais aujourd’hui, il ne reste que deux ou trois musiciens vivants. Ils nous ont encore suivi quand on a joué nos premiers matches à Zellik, où je connaissais encore le Président, Monsieur Freddy(sic) La nostalgie, c’est ce genre de détail qui fait la différence (silence). Les supporters ont aussi besoin de se reconnaître dans leurs joueurs : au début, j’ai fait revenir les frères Cabeke, Vincent Van Diepenbeeck ou encore Anthony Sadin, des joueurs formés ici… mais c’est de plus en plus difficile de trouver des Bruxellois. Le fait de revenir, j’espère, en D1A nous aidera aussi à garder nos jeunes… Sinon, ils filent dans des clubs qui leur garantissent de jouer au plus haut niveau. Mais c’est le projet de reformer à l’avenir des joueurs comme avant avec Johan Walem, Wesley Sonck et Boyota ! " (NDLA : il écorche le nom de Dedryck Boyata, formé à Molenbeek et aujourd’hui à Bruges)

PAPIER 2 : JULIEN GORIUS (NDLA : le Directeur Sportif, limogé lors de l’arrivée du nouvel investisseur, l’hiver dernier). " Ah, Julien, un vrai mec bien, quelqu’un qui avait l’ADN du RWDM… (son visage s’assombrit) Je ne veux pas entrer dans les détails de son éviction, car cela m’a beaucoup peiné. Je ne vais pas revenir là-dessus, c’est une décision qui n'était pas la mienne. Julien est arrivé il y a deux ans, il a travaillé avec rien et il a fait des miracles ! (sic) Il m’a aidé à professionnaliser le club et c’est lui qui amené notre coach Vincent Euvrard, qu’il avait connu à OHL. Julien est un bon garçon, avec plein de qualités et il fera encore une grande carrière : il sera toujours le bienvenu ici à Molenbeek ! "

Julien Gorius
Julien Gorius © BELGAIMAGE

" L’Union ? Nous aussi, on peut le faire ! "

PAPIER 3 : DERBY (son visage s’éclaire). " Vous imaginez, trois derbies à Bruxelles, la saison prochaine, ce serait magique ! Ca doit faire 50 ou 60 ans, non ? Ca promet le brin de combat (NDLA : il veut dire branle-bas de combat…). Anderlecht, l’Union et nous, on a des supporters qui sont ressemblables ! (sic) Je suis allé en juin passé voir un match à Botafogo, au Brésil. Un club très sympa, assez similaire au RWDM ! (clin d’œil) Et là-bas, le foot, c’est le vivant, hein ! (sic) Trois clubs de D1A à Bruxelles ? Je n’aurais pas dit ça il y a 25 ans mais aujourd’hui, avec les droits de télévision qui redessinent un peu la clé des recettes, il y a clairement place pour tout le monde ! On a chacun notre investisseur : moi j’ai le mien, il y a Monsieur Bloom à l’Union et Monsieur Coucke à Anderlecht. Et personne ne dérange personne ! Ces histoires où Anderlecht et Bruges vont soi-disant renforcer leur équipe U23 avec des titulaires de l’équipe A pour nous empêcher de monter, c’est des inventions de journalistes. La plus grande bêtise que j’ai entendue et vous, la presse, vous enflammez ça… (sic) Anderlecht et Bruges sont de grands clubs, tout va se passer de manière réglo ! (sic) Pour revenir aux derbies, je retiens surtout celui contre l’Union, il y a 3 ans : c’était le premier depuis 45 ans, en plein Covid... et on devait mettre un supporter tous les mètres cinquante (sic). On a gagné 3-1 : mon ami Felice Mazzù était mal… mais après-coup, c’était le match-référence de l’Union. Après ça, ils ont tout gagné ! Ce que fait l’Union, c’est très beau… mais nous aussi, on peut le faire ! Je le répète, la beauté du foot, c’est que tout est possible pour tout le monde… si on fait les choses comme on doit les faire ! (sic) Il faut toujours prendre le positif, même quand ça va mal. À l’Union, ils ont construit, ils ont investi et ils ont bien recruté : des joueurs complémentaires avec un plan tactique précis et de la patience, en laissant travailler les bonnes personnes… et voilà ! Chapeau à eux ! Qui va être champion ? L’Union a une chance sur trois, hein ! " (clin d’œil)

Vincent Euvrard
Vincent Euvrard © BELGA

" Roméo Elvis avec Angèle et Marka, ça ferait un beau trio… "

PAPIER 4 : VINCENT EUVRARD (NDLA : le coach du RWDM).Vincent, je ne le connaissais pas, mais c’est un grand pro et une personne très humble. Un gars formé par Frank Vercauteren… que j’ai bien connu à l’époque à l’Union Saint-Gilloise : moi je commençais, Franky terminait… et on a quelques anecdotes ! (clin d’œil) Pour revenir à Vincent, il a une vision très claire, une rigueur énorme et est d'une correction optimale… et ça, dans le monde du foot, c'est rare. (silence) Avec ses joueurs, il pratique le management des normes (sic) : il a une bonne communication, il se fait respecter sans devoir gueuler ou piquer des crises. Il a ce charisme au fond de lui. (sic) Quand il est venu le premier jour, il a vu nos terrains : il a dû être étonné, lui qui venait du Cercle et d’OHL... et était habitué aux pelouses de Monaco et de Leicester ! (sic) Mais il a cru dans notre projet : il est le premier présent à 8 h et il repart à 19 h. Retenez ce que je vous dis, il sera un jour nonimé (sic) meilleur coach de Belgique ! "

PAPIER 5 : DROITS TV.C’est sûr que si on monte, ça va multiplier nos droits TV par quatre ou par cinq… mais notre budget va aussi être doublé, hein ! (clin d’œil) Mais j’ai toujours été un gestionnaire prudent : je n’ai jamais pris de risque supérieur à 10% du budget. On peut aussi recruter des joueurs plus médiatiques, comme Kylian Hazard : ça va faire parler du club, mais ne rêvez pas, ça ne va pas ramener 10 sponsors en plus ! C’est pas comme avec David Beckham dont Adidas avait financé la moitié du transfert au Real Madrid. (clin d’œil) Maintenant, si Kylian veut nous ramener Eden pour donner un coup d’envoi, il peut le faire par amitié… Depuis que Thorgan est au PSV,il vient d’ailleurs régulièrement au Stade Machtens. Si Roméo Elvis (NDLA : le rappeur bruxellois, fils de Marka et frère d’Angèle, est un grand fan du RWDM) nous prépare une chanson pour le titre ? Ben, j’espère… pour lui, hein ! (sic) Il peut aussi demander à sa sœur, ça ferait un beau trio (clin d’œil). Mais d’abord, on doit le faire sur le terrain, hein : je suis un peu fétichiste… "

Angèle et Roméo Elvis
Angèle et Roméo Elvis © BELGA

" À Profondeville, le gars du parking… était le bourgmestre "

Le décompte est amorcé : le RWDM peut, avec l’aide du Lierse, gratter le titre ce dimanche. Et disposera d’un second joker le samedi suivant, face à Anderlecht U23.

Que de chemin parcouru… " résume Thierry Dailly, les yeux humides. " Je revisionne souvent sur mon téléphone les images de nos matches à Ohain, Hamoir ou Oudenburg : pas chaque jour, mais souvent car je me nourris de ça… (sic) A notre premier match à Zellik, on avait 1.200 supporters et la police devait s’organiser…. Je me souviens de Profondeville : on monte dans les bois, on cherchait le terrain. Un Monsieur vient vers moi avec une veste orange : je me présente, je dis qu’on cherche le terrain. Lui me répond : ‘Je suis le bourgmestre… et je gère le parking.’ Génial ! On a voyagé partout en Belgique... et partout, c’était la fête ! On était accueilli comme des stars… alors qu’on jouait en D3 Nationale. Pour ces petits clubs, c’était la recette de l’année car on amenait 400 ou 500 supporters. Dans le monde pro, c'est peut-être un peu moins sexy car il y a beaucoup plus de règles et de sécurité. C'était le gai-vivre (sic) : on n’oubliera jamais ça… Jamais de la vie… Je le répète toujours : le cœur du football, c'est le football amateur. "

Thierry Dailly (RWDM) et Marc Coucke (Anderlecht)
Thierry Dailly (RWDM) et Marc Coucke (Anderlecht) © BELGA

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