Cinéma - Interviews

Todd Field : Cate Blanchett est l’un des esprits les plus brillants que je connaisse !

L'interview de Todd Field pour "Tár"

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Dans le film écrit et réalisé par Todd Field, Lydia Tár, incarnée par Cate Blanchett, est une star de la musique classique. Rare cheffe d’orchestre dans un monde d’homme, elle s’apprête à diriger la 5e symphonie de Mahler avec le prestigieux orchestre philharmonique de Berlin. Professeur à la Julliard School à New York, invitée dans le monde entier, Lydia est entièrement dévoué à son art… Au risque de se brûler les ailes.

Ce que réussit Cate Blanchett dans ce drame psychologique défie l’entendement. Elle parvient à exprimer avec une sobriété parfaite toutes les contradictions de son personnage : Lydia est à la fois brillante et arrogante, belle et fragile, sensible et distante… Et ce que le cinéaste Todd Field (auteur des magnifiques "In the bedroom" et "Little Children") parvient à questionner à partir de ce personnage, c’est le pouvoir né de la célébrité, et le danger d’un mauvais usage de ce pouvoir. Film exigeant, totalement atypique, "Tár" est un grand film, porté par une grande actrice.

L’interview de Todd Field

"Tár" parle d’art, de célébrité, du pouvoir de la renommée et du mauvais usage de ce pouvoir, quelle était votre première idée quand vous avez écrit ce film ?

Todd Field : Vous avez bien résumé, j’ai eu cette idée de personnage, il y a environ une dizaine d’années. D’habitude, je fais plutôt des adaptations d’histoire ou d’univers écrits par d’autre, mais on était dans cette période particulière en mars de l’année 2020, on était tous confinés et on se demandait s’il y aurait encore du cinéma, et le studio m’a dit : écrivez tout ce que vous voulez ! Et je me suis, j’ai ce personnage ! Et je peux la laisser vivre, et développer ces thèmes.. Il y a des thèmes éternels mais cette histoire se place au moment présent : la manière d’envisager le pouvoir, le temps qu’il faut pour l’analyser, et j’ai vu un élément de scandale dans ce film, et les outils que la presse à scandale utilise pour passer au crible et décider ce qu’on pense d’un scandale sont très présents. L’histoire se déroule en trois semaines, en novembre 2022, il y a 6 semaines… c’était l’idée principale. La toile de fond, c’est la musique classique, avec ce personnage qui est la cheffe d’un orchestre important, et l’idée derrière tout ça était très pragmatique : si on parle de pouvoir, on pense à une pyramide avec qui soutient ce pouvoir et qui en bénéficie, ce n’est jamais unidirectionnel, c’est souvent une transaction complice, personne n’arrive au-dessus tout seul ! Donc, l’idée d’avoir une cheffe qui est assise au point d’équilibre littéralement d’une pyramide, et donnant les directions à partir de ce point, était le point de départ du projet.

Le réalisateur Todd Field avec Cate Blanchett à la Mostra de Venise en septembre 2022
Le réalisateur Todd Field avec Cate Blanchett à la Mostra de Venise en septembre 2022 © Tous droits réservés

Vous avez dit "sans Cate Blanchett, il n’y aurait pas eu de film", pourquoi était-ce si important ?

Todd Field : Si vous avez la chance d’être payé pour écrire, ce qui a été un de mes privilèges, vous pouvez vous attendre à un résultat raisonnable. Quand vous écrivez un scénario, c’est souvent à partir d’un article, ou de quelque chose, sauf si vous avez le temps de créer une histoire originale, mais j’ai une grande famille et pas un grand compte en banque, donc, je n’ai jamais eu ce luxe. Là on m’a donné carte blanche. Je n’ai jamais écrit pour un acteur puisque la plupart du temps j’adapte le matériel littéraire écrit par d’autres, j’appréhende le projet comme un lecteur amateur et si je pense à un acteur, je pense à quelqu’un qui a déjà fait le même genre de projet. Mais dans ce cas-ci, j’avais rencontré Cate Blanchett il y a environ une dizaine d’années : Joan Didion et moi avions écrit un scénario ensemble et nous voulions que Cate joue le rôle, ce qu’elle avait accepté. Un soir, j’ai passé quelques heures avec elle, et j’ai été frappé par son intelligence et la manière incroyable qu’elle avait de regarder le projet, pas tant en tant qu’actrice mais comme réalisatrice, avec un des esprits les plus brillants avec lesquels j’ai pu discuter. Et donc, c’est elle qui m’est apparue alors que j’étais en train d’écrire à mon bureau, et je ne pouvais me débarrasser de l’idée. Elle ne savait pas que j’étais en train d’écrire pour elle, elle l’a appris par la suite, ce fut une période très stressante pour moi, vous pouvez l’imaginer, d’attendre pendant qu’elle lisait le scénario, de savoir si elle allait le faire ou pas. A ce moment-là il était impensable pour moi d’imaginer que qui que ce soit d’autre puisse jouer le rôle.

Tár

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Une dernière question, pourquoi attendre si longtemps entre votre formidable "Little Children", et ce film ?

Todd Field : Merci pour le compliment, pour répondre rapidement, ce n’était pas faute d’essayer. Mais plus sérieusement, j’ai eu un enfant "surprise", ma femme m’a appelé alors que j’étais en tournée de promotion de "Little Children", avec notre fils aîné, pour m’annoncer qu’elle était enceinte. Et quand j’ai tourné "Little Children", j’ai travaillé pendant des mois avec ces enfants de 3 ans et demi, et je me souviens avoir dit à ma femme Serena, j’aimerais bien avoir encore un enfant, et elle m’a dit, voilà ton vœu est exaucé ! Et j’ai vraiment voulu être présent, parce que j’ai été un jeune papa, et alors on court partout pour gagner sa vie, construire sa carrière, mais là je voulais vraiment être présent avec cet enfant. Et je l’ai fait. Mon ambition était très haute, et il est très facile pour les gens de dire non à ce que je voulais faire, mais mon fils a maintenant presque 15 ans, donc, je suis prêt à reprendre le travail !

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