C’est en 2009 que Toni Brogno, le petit frère de Dante, a mis un terme à sa carrière de footballeur. Aujourd’hui, le Carolo de 48 ans, partage ses journées entre le rayon foot du Decathlon de Châtelineau et les terrains d’entraînements du Sporting de Charleroi et des Francs-Borains. Et quand il lui reste un peu de temps, il en profite pour jouer au padel avec Dante.
De l’usine, à Marchienne, à la D1 à Westerlo
La carrière de Toni débute véritablement à l’âge de 18 ans. Son diplôme de tourneur-fraiseur lui ouvre les portes de l’usine Technimetal à Marchienne, à 3 km de chez ses parents. "J’allais travailler en mobylette parce que je n’avais pas les moyens de m’acheter une voiture. C’est aussi comme ça que j’allais à l’entraînement à Marchienne qui évoluait en Promotion".
Son instinct de buteur tape dans l’œil de scouts du Sporting. Le petit frère de Dante intègre le noyau espoirs, sous la direction de Mario Notaro. Il fait 6 apparitions dans le noyau. On lui propose une année de contrat mais il préfère continuer son job à l’usine et signer en D3 à l’Olympic.
Avec les Dogues, il remporte le titre et file vers la D2. Le passage en Division 2 est compliqué mais Toni attire l’intérêt de Westerlo qui joue le Tour final. Il signe un contrat avec le club flamand.
C’est en vacances qu’il apprend qu’il évoluera la saison suivante en Division 1. "Waregem était le favori à la montée. Moi j’étais parti avec ma femme en vacances en Italie et c’est lors du dernier match du Tour final que tout s’est joué. Un partage suffisait à Waregem pour monter. Westerlo s’est imposé 2-3 au Stade Arc-en-ciel. Et je me suis donc retrouvé à 21 ans en Division 1."
Toni souffre de la comparaison avec Dante, son talentueux grand frère. C’est aussi cela pour cela qu’il a décidé de quitter son Pays de Charleroi. Un pari risqué, mais qui fonctionne, et qui donne une nouvelle dimension au petit mec de Marchienne.
Au Soulier d’Or en Citroën Xsara
Toni débute la saison 1999-2000 sur les chapeaux de roues.
Les dirigeants de Westerlo lui demandent avec insistance d’aller à la soirée du Soulier d’or en janvier 2000 : "J’arrive à la soirée du Soulier d’or avec ma femme et ma petite Citroën Xsara. Dans le parking on me dit que je ne peux pas rentrer que c’est un parking uniquement pour les invités et que je dois aller me garer ailleurs. Mais je dis que je suis un joueur que je m’appelle Toni Brogno et ils prennent leur lampe de poche. Ils me disent 'oh désolé on ne vous avait pas reconnu' mais je pense qu’il n’avait pas reconnu ma voiture et c’est vrai que quand je suis rentré dans le parking il n’y avait que des grosses voitures."
C’est donc avec des pieds de plomb que le buteur de Westerlo arrive au Casino d’Ostende. Et puis d’un coup ses yeux s’illuminent : "Ce qui m’a marqué c’est de voir en arrivant, un grand poster de moi de 5, 6 mètres de hauteur. Je suis resté devant pendant 20, 30 secondes sans bouger à regarder ce poster. Il y avait des affiches de Koller, Bassegio, Radzinski et moi avec mon petit club de Westerlo j’étais là, à côté de ces stars".
La suite est encore plus surprenante pour Toni Brogno. "J’étais assis à côté de Robert Waseige. On entend les résultats. On entre dans le top 10. Il n’en reste plus que trois et je dis à ma femme que je ne suis même pas dans le top 10. Robert me dit "Ah le petit Brogno est dans le top 3". Et puis le troisième, c’est moi. J’ai fait beaucoup de points au deuxième tour. C’était un super souvenir je suis arrivé dans le cours des grands. Je ne m’y attendais pas".
Toni Brogno termine derrière Jan Koller et Lorenzo Staelens. Une récompense qui booste, encore un peu plus Toni, qui termine meilleur buteur du championnat. Il marque 30 buts tout comme Ole Martin Arst l’attaquant Norvégien du Standard.
Meilleur buteur de Division 1 mais privé d’Euro 2000
On est à quelques semaines du début de l’Euro 2000. Toni fait partie du groupe des Diables qui prépare l’Euro.
C’est à ce moment-là qu’il vit la plus grosse déception de sa carrière. "On nous a appelés dans le vestiaire, Danny Boffin et moi-même. On nous a dit 'Vous savez pourquoi on vous appelle ?' Danny a dit 'ok j’ai compris'. Moi je n’avais pas compris. 'On est 24, on ne garde que 22 joueurs pour l’Euro'. Je n’ai pas compris cette décision. Je termine meilleur buteur avec 30 buts. Avant moi le meilleur buteur belge, c’était Erwin Vandenbergh (il oublie Josip Weber en 1994, ndlr). Je comprenais pas du tout. J’ai eu du mal à l’accepter".
De Sedan à l’Olympic en passant par le Sporting de Charleroi
La suite, c’est un transfert à Sedan où il jouera la coupe d’Europe.
Puis un retour à Westerlo, un passage par Charleroi, puis OHL et une fin de carrière à l’Olympic qui avait fusionné avec Marchienne… Le club de ses débuts. Une belle façon de boucler la boucle en juin 2009.
Le petit gars du Pays Noir est fier de sa carrière de footballeur. "Quand tu es gamin, que tu viens de Marchienne dans la région de Charleroi. Quand tu es fils d’ouvrier et que tu vois ton frère évoluer au Sporting de Charleroi, pour moi c’était un rêve de jouer en Division 1. Et puis tu joues en D1, tu deviens meilleur buteur, tu joues en équipe nationale, tu affrontes de grands joueurs, tu pars à l’étranger et tu joues des matchs en coupe d’Europe… C’était au-delà de toutes mes espérances de gosse".
Vendeur chez Decathlon
Depuis une dizaine d’années, Toni travaille trois jours par semaine au rayon foot du Decathlon de Châtelineau.
Pour lui c’était important de continuer à travailler après sa carrière de footballeur. "Quand j’ai arrêté le foot, j’ai pris quelques mois de congé. Et puis on m’a proposé de rester dans le foot et j’ai dit que je voulais couper. Mais je me suis dit que je ne pouvais pas rester sans travailler. Je suis jeune et ce n’était pas un bon exemple pour ma fille de rester avec ma femme à la maison. Et si on lui demandait à l’école ce que faisaient ses parents ça n’allait pas de dire qu’ils ne travaillaient pas. Ce n’est pas l’exemple que je voulais montrer à ma fille. En allant chez Decathlon un ami m’a demandé si ça m’intéressait de travailler ici. J’ai vu le directeur et j’ai signé un contrat à mi-temps"
"Vous ressemblez à Toni Brogno mais il a plus de cheveux que vous"
Malgré les années qui passent Toni reste l’attraction du rayon foot. Il aime bien charrier les clients. "Un Monsieur est arrivé dans le rayon et il a dit à un de mes collègues : 'Ce garçon-là il ressemble à Toni Brogno'. Mon collègue vient avec le Monsieur et me dit qu’il trouve que je ressemble à Toni Brogno. Du coup j’ai dit au client. C’est la troisième personne qui me dit ça et le client répond… "C’est vrai que de loin tu ressembles à Toni Brogno mais de près il a plus de cheveux que toi."
Coach des jeunes chez les Zèbres et aux Francs Borains
Toni, qui a en poche son diplôme d’entraîneur, coache les attaquants des Francs Borains, équipe dirigée par son frère Dante. Mais il entraîne aussi les attaquants du Sporting de Charleroi qui ont entre 13 et 21 ans. Là aussi il aime bien charrier les jeunes pousses carolos. "Moi j’arrive à l’entraînement avec mes godasses de foot de Décathlon à 35 euros. Les jeunes du Sporting me regardent en souriant. Eux jouent avec des chaussures fluo de Messi et Ronaldo."
"Coach c’est quoi tes godasses ? Des Kipsta à 35 euros…"
Toni a voulu prouver à un espoir du Sporting que ce ne sont pas les chaussures qui font le joueur. "Le jeune attaquant m’a dit : "Coach c’est quoi tes godasses ?" J’ai dit qu’elle venait du magasin de sport où je travaillais. Il m’a dit : "Ce sont des biesses godasses ?" J’ai dit oui mais je te propose de faire un petit concours".
Un petit concours sous le regard amusé des autres espoirs. Et qui a tout de suite mis la pression sur l’attaquant avec ses chaussures fluos d’une célèbre marque de sport. "Je lui ai dit. Il y a un gardien. Un centreur à gauche. Un centreur à droite. Ils vont centrer. Tu reprends de volée en une touche. Si le centre est mauvais on recommence. Ses copains l’ont chauffé. Je lui ai laissé l’honneur. Première balle, il shoote au-dessus. Deuxième balle le gardien l’arrête. Je fais le même exercice. Je marque les deux buts. Je lui dis, tu vois ce ne sont pas les godasses qui font le joueur. Tu as payé 350 euros et tu n’as pas mis de but. J’ai payé 35 euros et j’ai marqué deux fois. Je lui ai dit : tu as compris ou tu n’as pas compris ?'".
Toni a donc réussi à merveille sa reconversion. Entre le magasin, les entraînements de foot et les matchs des jeunes qu’il suit le week-end, il aime passer du temps à faire son nouveau sport favori, le padel, et cela tous les vendredis avec son frère Dante et quelques autres amis.