Comme les plus grands champions avant lui, Wout van Aert a quelque chose d’unique. Est-ce une qualité ? Un défaut ? Sans doute un mélange des deux. En tout cas, ça fait son charme. Cette caractéristique en question ? Celle de ne jamais vouloir se cacher, quitte à parfois en pâtir.
À l’arrivée d’un Tour des Flandres qu’il considèrera sans doute comme décevant au vu de sa 4e place, le Belge n’a, comme souvent, pas essayé se cacher derrière de fausses excuses qui, de toute façon, auraient sonné creux sortant de sa bouche : "On s’est retrouvé homme contre homme plus vite que prévu. À ce moment-là, on a vu que Pogacar et van der Poel étaient plus forts. Sur le Hotond-Kruisberg, j’ai été surpris par l’attaque de van der Poel. J’étais peut-être projeté vers les côtes suivantes mais les jambes ont parlé sur ce coup."
Savoir s’avouer vaincu et saluer les exploits d’une concurrence toujours plus féroce, la marque des plus grands. Déjà se focaliser sur ses prochains objectifs, le témoin d’une insatiable soif de revanche, dont seuls les plus grands ont le secret : "On tournera la page demain. Je vais commencer à y penser calmement et je ne compte pas me cacher la semaine prochaine."
Son esprit est donc déjà rivé vers Paris-Roubaix et ses mythiques tronçons pavés. Là où, l’année dernière, il était passé proche d’un 2e Monument derrière lequel il court depuis Milan Sanremo en 2020. Mais à l’approche du Vélodrome de Roubaix, il avait alors dû s’avouer vaincu face au coup de force fomenté par INEOS et Dylan Van Baarle, rival de l’époque, depuis devenu coéquipier.
Toujours placé, rarement gagnant
Si proche et en même temps, si loin. C’est un peu le résumé des dernières années (frustrantes) de Wout van Aert sur les Monuments. Lui, qui est pourtant habitué à empiler les victoires partout où il passe (40 victoires en carrière dont 15 sur les courses d'un jour), tombe toujours sur (un peu) plus fort que lui dès qu’il prend la route, au parfum si particulier, des cinq Monuments.
Pourtant, il fait preuve d'une incroyable régularité dans l'effort. Rendez-vous compte, depuis 2018, van Aert a disputé 15 Monuments. Mis à part le Tour de Lombardie, qu’il n’a jamais couru, le Belge a signé au moins un podium sur les quatre autres Monuments. Son bilan ? Cinq podiums, en quinze courses. Sa pire place ? 22e, sur Paris-Roubaix en 2019.
Pour le reste, c’est une victoire, cinq podiums et douze top 10 (!) en… 15 courses. Monstrueux.
Monument |
Nombre de participations |
Nombre de podiums |
Meilleur résultat |
Milan Sanremo |
5 participations |
3 (2023,2021,2020) |
Vainqueur en 2020 |
Tour des Flandres |
5 participations |
1 (2020) |
2e en 2020 |
Paris-Roubaix |
4 participations |
1 (2022) |
2e en 2022 |
Liège-Bastogne-Liège |
1 participation |
1 (2022) |
3e en 2022 |
Tour de Lombardie |
Jamais participé |
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Une régularité incroyable… qui ne paie pas
Sauf que pour l’instant, cette régularité ne paie pas puisqu’il manque toujours ce petit quelque chose pour l’emporter. Des bonnes jambes aux bons moments, des adversaires un peu moins fringants, des faits de course à son avantage, un peu de chance, peut-être.
Le voilà donc bloqué à une victoire, et ce, depuis plus de trois ans maintenant. Et si, pour le commun des mortels, un bouquet sur un Monument, serait déjà énorme, pour l’appétit dévorant de van Aert, c’est évidemment trop peu. Surtout que, dans le même temps, ses deux grands rivaux, Mathieu van der Poel et Tadej Pogacar, ne se privent évidemment pas de lui subtiliser, avec une certaine malice, les lauriers.
En 2020, quand van Aert triomphe sur Sanremo, les palmarès de van der Poel et de Pogacar sont, eux, toujours vierges sur les Monuments.
Aujourd’hui, ils en comptent respectivement trois (Tour des Flandres 2x et Milan Sanremo pour van der Poel) et quatre (2x le Tour de Lombardie, Liège-Bastogne-Liège et le Tour des Flandres pour Pogacar).
Preuve de leur montée en puissance, ils viennent de rafler les deux Monuments cette année, mais surtout quatre des 6 derniers. Depuis Paris-Roubaix 2022, seuls Dylan Van Baarle et Remco Evenepoel sont en effet parvenus à interrompre l’hégémonie du tandem de gloutons néerlando-slovène.
Si brillant sur le Tour de France, où il compile les victoires (9) et les coups d'éclat, notamment sur le Mont Ventoux où son hallucinant coup de panache avait marqué les esprits de pas mal de monde, van Aert reste donc dans l'ombre de ses deux rivaux sur les Monuments. On pourrait d'ailleurs pousser l'analyse jusqu'aux championnats du monde, où van Aert est souvent placé mais jamais gagnant (4e, 11e, 2e sur ses trois participations).
De là à le décourager ? Ce serait mal connaître le bonhomme, qui carbure à la confiance. "Je ne compte pas me cacher la semaine prochaine" confiait-il, dimanche, à l’arrivée du Tour des Flandres. On ne l’a pas oublié. Ses rivaux sans doute non plus. Van Aert va sortir de sa boîte, chronique d’une attaque annoncée. Pour enfin vaincre le signe indien ?