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Tournaisis : "Un pain à 12 euros, c'est impossible à vendre"

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Deux boulangeries viennent de fermer leurs portes, à Velaines (Celles) et à Frasnes-lez-Anvaing. La mort dans l’âme, Alain et Alexandre Catoire cessent leurs activités. Les factures d'énergie ont quadruplé. Des clients sont venus leur témoigner leur soutien, ce dimanche.

"Voilà, j’ai acheté mon dernier pain", annonce Willy. Client "depuis toujours", cet habitant de Velaines est déçu et très remonté, aussi. "C’est un scandale ! On ne fait rien pour aider les petits indépendants ! Il n’y a plus rien ici : plus de banque, plus de boucherie, maintenant plus de boulangerie…"

"C’est vrai qu’on avait le luxe d’avoir une boulangerie de village, de qualité" poursuit Françoise. "Un très bon service, de bons produits". "Je viens pour représenter mon père, un habitué de cette boulangerie. Il vient ici parce que c’est le goût du terroir", nous explique Didier. "Un pain de bonne qualité, à l’ancienne. Où peut-on encore trouver ça ?" 

"Moi je n’habite pas le village, je suis de Mont-de-L’Enclus", précise Nicole. "Je fais une dizaine de kilomètres juste pour venir ici. Avant le Covid, on avait tendance à acheter le pain en supermarché. Puis on est retourné dans les commerces de proximité. Ici, comme ça ferme… On va sans doute faire le chemin inverse…

En attendant, elle dévalise la vitrine de ses cornets à la crème spéculoos, achète plusieurs pains et baguettes, "je fais des stocks".

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Les yeux rougis, les membres de la famille Catoire remercient les clients qui font la file ce dimanche. A Velaines, ils étaient particulièrement nombreux, il a fallu rapatrier des pains de la boulangerie de Frasnes-lez-Anvaing. "Le couperet est tombé mardi", raconte Alain, le boulanger. "La comptable a appelé. On venait de recevoir les factures d’énergie. Elle m’a dit 'c’est plus possible, il faut arrêter. Les coûts de l’énergie ont quadruplé. 61.000 euros cette année, au lieu de 15.000 l’an dernier. Juste pour l’électricité ! Si on veut répercuter sur les prix de vente, on arrive à des pains à 12 euros. Qui va acheter ça ? C’est un peu cher, non ?" Son frère, Alexandre, était en charge de la pâtisserie. "Je fais ça depuis l’âge de 15 ans. J’ai aussi été libraire, j’ai fait d’autres boulots, puis j’étais revenu à mon métier de base, en m’installant avec mon frère", explique-t-il. "C’est moi qui ai acheté ce bâtiment. Ils vont sans doute le saisir, pour payer les factures. Qu’est-ce que je vais faire ? Qu’est-ce qu’on va devenir ? Je n’en sais rien. Pour l’instant, tout est noir. C’est la descente aux enfers". 

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La commune peut-elle les aider ? Un peu, et de façon provisoire. Le bourgmestre, Michael Busine, le reconnaît : "la situation de cette famille est catastrophique. Humainement aussi. notre niveau, communal, CPAS, on peut effectuer une aide. Mais ce sera une opération 'one shot', afin de pouvoir s’en sortir cet hiver. Les solutions pérennes, elles dépendent du gouvernement" Pour Sébastien Defontaine, le président de l’association des commerçants indépendants et artisans de Celles, la fermeture de cette boulangerie doit résonner comme un signal d’alarme. "C’est un premier commerce. On espère qu’il n’y en aura pas d’autres, mais vu la conjoncture actuelle c’est ce qui risque d’arriver malheureusement ! On est tous un peu dans le même bateau !…"

 

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En participant à la manifestation, Didier voulait "défendre l’artisanat, au sens large". Le pain a pour lui valeur de symbole. "Culturellement, le pain, c’est une part de notre identité. Dans le temps, quand ça n’allait pas, les gens allaient chercher un pain. Il leur restait 5 francs en poche, ils achetaient un pain. Le pain, c’est une valeur refuge. Maintenant, on va faire quoi ? Aller au supermarché, acheter un pain à 1 euro 50 ? Mais qu’a-t-on mis, dans ce pain ? ". Au comptoir, un client âgé s’énerve : il avait réservé des baguettes tradition. Il n’y en a plus. "Il y en aura demain ?" Il n’était pas au courant que la boulangerie, "sa" boulangerie ferme ses portes, ce dimanche. Il s’excuse et reprend 4 pistolets. "Que peut-on faire de plus ? On ne sait pas comment aider… En plus, on a nous aussi nos factures à payer", soupire Françoise. Les villageois se sentent démunis. "Voir que des gens se sont déplacés pour nous soutenir, cela nous a déjà beaucoup touchés", insiste Alexandre Catoire. "La suite : on verra…"

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