Dans le débat sur la sortie du nucléaire, les défenseurs du nucléaire estiment qu’il serait illogique d’investir de l’argent pour construire des centrales au gaz qui produisent du CO2 et qui, donc, polluent. Les défenseurs des centrales au gaz rappellent que ces émissions liées à l’électricité seront comptabilisées au niveau européen. La Belgique s’en lave-t-elle les mains ?
Tout d’abord, il faut comprendre le mécanisme : l’Union européenne a établi en 2005 un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ETS), qui couvre les secteurs industriels à forte intensité de carbone, dont le secteur de l’électricité.
Les entreprises qui sont soumises au système doivent acquérir un nombre de quotas équivalents à leurs émissions de gaz à effet de serre. C’est un "permis de polluer". Si une entreprise émet moins de CO2, elle peut revendre ses quotas non utilisés à une entreprise plus polluante. Le nombre de quotas de CO2 est plafonné pour chaque année et, comme le rappelle Estelle Cantillon, professeure d’économie à la Solvay Brussels School, on est dans une phase où le nombre de permis émis diminue de 2,2% par an.
Pour certains, il est un peu hypocrite de produire de l’électricité qui pollue et de simplement faire porter le chapeau à l’Europe.
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Selon Pierre Henneux, ce système pose deux problèmes : "Il faut prendre en compte le fait que l’Europe n’est pas un système fermé et qu’à un moment donné, les entreprises vont juger plus rentable de délocaliser la production et ensuite importer. Le second problème réside dans le fait que les quotas de CO2 diminuent au fil du temps. Cette diminution est une décision politique, qui est elle-même influencée par le prix du CO2. Si à un moment donné le CO2 atteint un prix très élevé, il sera plus délicat pour des politiques de baisser les quotas, parce que cela va faire augmenter la facture pour le consommateur."
Pour Estelle Cantillon, le système "n’est pas parfait", mais reste "efficace". "Lorsqu’une entreprise belge émet plus, une autre (belge ou pas) va devoir émettre moins. Qui plus est, les émissions sont plafonnées et ne vont pas augmenter." D’un autre côté, le système essaie également de limiter la "délocalisation du carbone" (carbon leakage, dit-on dans le jargon).
"Pour l’éviter, la réponse actuelle est que les secteurs soumis à une forte concurrence et qui seraient tentés d’aller produire ailleurs, reçoivent une partie des permis gratuitement. Les études ont montré que cela freine les investissements en matière de réduction des émissions. Pour trouver une solution, l’Union européenne est en train de discuter d’un mécanisme d’ajustement aux frontières (CBAM) pour lequel les entreprises étrangères désirant exporter en Europe devraient acheter des permis, sauf si leur pays d’origine a déjà un prix du carbone. C’est une manière d’assurer que tout le monde soit sur un même pied d’égalité", détaille l’experte.