Alice Zeniter pointe le fait que les femmes lectrices ont toujours appris à se mettre à la place de l’autre. Elles le font systématiquement car peu de personnages leur ressemblent et elles doivent donc composer avec des rôles qui sont parfois leur exact contraire.
Pour certains lecteurs et certaines lectrices, se mettre "à la place de" et "aimer, pleurer et être un personnage" sera facilement possible, pour d’autres, il sera plus simple de se diriger vers des personnages de fictions qui leur ressemblent et elle ajoute qu’"il y a tout à gagner, […], à accepter de se tourner vers les régions et les marges que nous ouvre la fiction, et de permettre ainsi un agrandissement de nos mondes, une pratique accrue de l’altérité."
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Si Zeniter parle avec passion de son rapport aux personnages tant aimés, c’est qu’elle entretient avec eux une relation presque familiale et amicale. Ces "êtres de papiers" l’ont accompagnée pendant tout son parcours de jeune lectrice et continuent à être présents à ses côtés, "le lien que je tisse avec les personnages est infiniment plus simple que celui que j’ai avec les personnes réelles et c’est une des raisons pour lesquelles je les chéris."
On peut reprocher à cet essai son côté légèrement élitiste dans tout ce qu’il donne comme références littéraires, il faut néanmoins souligner l’aisance d’Alice Zeniter pour étayer son propos. Totalement décomplexé et décontracté, cet essai oscille entre thèse fouillée et discussion entre ami·e empreinte d’un humour succulent et de notes de bas de pages à ne zapper sous aucun prétexte.
L’auto-dérision dont fait preuve l’autrice permet de se sentir très proche d’elle et de donner de la légèreté à un sujet qui risque de faire couler beaucoup d’encre.
Toute une moitié du monde – Alice Zeniter
Editions Flammarion, 240 pages, août 2022, 21€