Transports en commun : la Belgique doit-elle changer de ligne de conduite et se démasquer ?

© Tous droits réservés

Par Kamel Azzouz

Si le port du masque n’est plus indispensable sur les quais des trains, trams, bus et métros, il est toujours obligatoire dans les transports en commun. Avec des indicateurs de l’épidémie à la baisse, le ministre fédéral de la mobilité, Georges Gilkinet, souhaite une réunion rapide pour lever cette mesure. Quelques spécialistes de la santé, qui comprennent cette logique, restent néanmoins prudents quant au timing dans la mesure où les variants Omicron sont hautement transmissibles.

Une volonté politique de faire tomber les masques

Depuis la mise en vigueur du code jaune, la Belgique se démasque au fur et à mesure dans les lieux publics. Actuellement, les transports en commun restent une des exceptions. Même s’il est fréquent de rencontrer de nombreux usagers démasqués, l’obligation du port du masque est toujours d’actualité dans les trains, trams, bus et métros. Sur base des derniers chiffres qui montrent que la plupart des indicateurs sont à la baisse, Georges Gilkinet, le ministre fédéral de la mobilité, souhaite qu’un Codeco se réunisse dans le but de lever cette mesure : " En concertation avec mes collègues en charge de la mobilité, j’ai demandé vendredi au kern que le Codeco puisse se réunir le plus rapidement possible pour pouvoir décider de la fin du port du masque obligatoire dans les transports en commun. J’espère que cela pourra être le cas la semaine prochaine au plus tard. "

Les transports en commun restent quand même un milieu de vie à risque.

L’évolution de la pandémie permet logiquement d’envisager une réflexion sur la fin du port du masque buccal dans les transports en commun. Comme Israël, l’Angleterre ou l’Autriche, des pays ont changé de ligne de conduite en levant cette obligation tout en soulignant que le masque est recommandé. D’autres pays comme l’Italie, la France, ou l’Allemagne préfèrent maintenir cette mesure. Yves Coppieters, professeur de santé publique à l’ULB, estime que les données statistiques permettent d’aller dans cette direction tout en émettant quelques réserves : Je pense que c’est clairement nécessaire de l’envisager. Maintenant sur la situation épidémiologique, il n’y a pas beaucoup de nouveaux signes qui permettent de l’envisager d’emblée. C’est-à-dire que le virus circule beaucoup. Il est vrai que la tendance est à la baisse, mais cela doit se confirmer dans les jours qui viennent. Quoi qu’il en soit, les transports en commun restent quand même un milieu de vie à risque. Surtout pendant les heures de pointe car il y a peu de ventilation, beaucoup de monde, et le virus circule. Donc peut-être qu’une mesure généralisée est un peu trop précoce. En tout cas, il faut envisager encore le port du masque pour les personnes les plus fragiles ".

Les sous-variants Omicron et l’équation du juste équilibre

Beaucoup plus transmissibles, les variants d’Omicron sont toujours d’actualité. C’est pourquoi certains spécialistes, comme Yves Coppieters, se demandent si c’est vraiment le moment idéal d’envisager de faire tomber les masques : " Le problème c’est que les souches, les sous-variants d’Omicron qui circulent sont des variants très contaminants. On le voit toutes et tous autour de nous qu’il y a toujours des gens qui tombent malades. Heureusement avec moins de formes graves mais la contamination reste importante. La situation est sous contrôle mais il faut aussi pouvoir gérer cet équilibre et la répercussion entre guillemets de ce type de mesure sur la société puisque fatalement on va augmenter les contaminations. "

Je pense qu’il faut se décider à un moment de passer le cap dans les prochaines semaines

Dans le cas où le port du masque ne sera plus obligatoire, les experts s’accordent à dire que les personnes âgées, celles qui souffrent de comorbidités, ou les personnes qui prennent des médicaments les rendant plus fragiles par rapport aux infections ont intérêt à continuer de conserver ce geste barrière dans les transports en commun. Une certitude, les chiffres publiés par Sciensano sont en constante diminution. Un constat qui conforte l’épidémiologiste Yves Van Laethem dans l’idée d’envisager pour la population de ne plus rendre obligatoire le port du masque dans les transports en commun : " Au vu de l’évolution de l’épidémie, au vu de l’absence de nouveaux variants problématiques, du printemps qui est bien installé, on voit assez bien les transports en commun ne plus nécessiter l’emploi d’un masque malgré le fait que ça reste un endroit où les gens se rencontrent et que c’est un endroit confiné. Mais en sens inverse, avec une situation où il y a toujours du virus qui circule mais moins qu’avant, pas spécialement agressif, ouvrir des fenêtres des transports en commun est beaucoup plus facile maintenant que durant l’hiver. Avec la consigne de ventiler le mieux possible, je pense qu’il faut se décider à un moment de passer le cap dans les prochaines semaines ".

Code jaune et relâchement

Depuis le passage au code jaune, un relâchement au sein de la population se constate au quotidien. Preuve en est le nombre croissant d’usagers des transports en commun qui ne portent plus le masque. Autre indicateur de ce relâchement, le nombre de personnes qui se font tester est également à la baisse. Comme d’autres spécialistes, Yves Van Laethem reconnaît que les chiffres ne reflètent pas totalement la réalité tout en apportant une certaine nuance : " Le problème c’est de décider à partir de quel chiffre on décide. C’est une balance difficile à établir. De plus, on voit qu’il y a moins de tests aujourd’hui. On a plus ou moins 20.000 tests par jour. Cela n’a rien à voir avec les autres périodes. C’est aussi le témoin qu’il y a moins de maladies qui requièrent de faire des tests, ou qu’il y a moins d’obligations de le faire suite à un contact à haut risque. Donc, il est clair que les chiffres sont biaisés et qu’il y a des infections qui passent largement sous le radar. Mais comme ces infections conduisent de moins en moins les gens à l’hôpital, aux soins intensifs, comme les chiffres diminuent sans arrêt, et qu’on n’a pas un nouvel ennemi plus virulent à l’horizon, je pense qu’il faut à un moment se décider. "

Entre confiance dans les recommandations et la perception de l’utilité des masques

Pour Yves Van Laethem, l’immunité acquise grâce à la vaccination et par les vagues successives permet également d’envisager dans un futur proche de lever l’obligation du port du masque dans les transports en commun : " C’est un équilibre sur un fil avec un balancier entre des précautions nécessaires parce que c’est quand même un virus qui est plus sévère qu’un tas d’autres virus respiratoires. Mais pour l’instant au vu des dégâts du virus dans la population, qui ne sont pas nuls mais qui deviennent bien moins importants, je pense qu’il y a un moment où il faut savoir lâcher un peu la bride. D’autant plus que s’il faut réintroduire le port du masque plus tard, lever prochainement cette obligation permettra à la population de garder une certaine confiance dans les recommandations car, aujourd’hui, la perception de son utilité devient extrêmement évanescente pour le moment. "

Même s’ils appellent à une certaine prudence, les experts de la santé ne sont pas contraires à l’idée de lever l’obligation du port du masque dans les transports en commun. Il est fort probable que si les chiffres du baromètre continuent de diminuer de la sorte, le port du masque ne sera plus obligatoire dans les prochaines semaines. Cependant, il sera vivement recommandé aux personnes à risque.

Les masques dans les transports en commun

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous