Trésors de la Mer du Nord : 280 épaves répertoriées, un patrimoine sous surveillance

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Par Daphné Van Ossel

Il n'est pas indispensable d'aller jusqu’en Egypte, en Australie ou en Floride pour trouver des épaves dignes de ce nom. Les eaux belges de la Mer du Nord cachent aussi des trésors. Il suffit de jeter un œil à la carte de nos eaux territoriales pour s’en rendre compte : elle est parsemée de points, autant de bateaux échoués là, dans les profondeurs marines.

280 épaves sont répertoriées. Une loi pour les protéger est récemment entrée en vigueur. C’est qu’elles ne sont pas toutes bien conservées. La corrosion a fait son oeuvre, mais l’homme aussi : certaines, qui faisaient obstacle aux bateaux ont été détruites à coups d’explosifs, d’autres ont été entaillées par des ancres, ou pillées par des chercheurs de cuivre.

Capture d’écran de la base de données des épaves du Département CÔTE de l’Agence maritime flamande des services maritimes et du littoral
Capture d’écran de la base de données des épaves du Département CÔTE de l’Agence maritime flamande des services maritimes et du littoral © https://wa-wrakkendatabank-old-prod.azurewebsites.net/

Un patrimoine culturel subaquatique sous surveillance

Désormais, tout ce qui se trouve sous l’eau depuis plus de 100 ans et qui présente un caractère culturel, historique ou archéologique est automatiquement considéré comme patrimoine culturel subaquatique. Des épaves plus récentes, dont celles de la Seconde Guerre mondiale, pourront aussi être protégées, sur décision du ministre en charge.

Ce statut de patrimoine culturel subaquatique implique qu’aucune activité de dragage ne peut être entreprise à proximité sans autorisation, qu’on ne peut pas jeter l’ancre dans les environs, qu’on ne peut ramener aucun élément à la surface sans autorisation, et que le chalutage (pêche au filet) est également interdit dans un certain périmètre.

Des contrôles, notamment, par avion sont prévus. Les contrevenants sont passibles d’amende pouvant aller jusqu’à 160 000 euros.

Ben van Asselt, plongeur de l’association GUE-Belgium (Global Underwater Explorers) qui a participé à la modélisation 3D de certaines épaves (voir ci-dessous), se souvient d’ailleurs d’avoir fait l’objet d’un contrôle : “On sait que de plus en plus d’épaves sont protégées, mais on pensait qu’il n’y aurait pas de contrôle. Puis, un beau jour, lors d’une plongée, on a vu arriver un grand bateau (le P902 Pollux) avec des militaires de la marine belge. Ils sont montés à bord de notre embarcation avec leur armement pour tout vérifier. C’est bien de voir que la Belgique protège son patrimoine marin. ” 

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Un intérêt historique et écologique

55 épaves sont ainsi protégées et viennent de faire l’objet d’une étude approfondie. Sven Van Haelst est plongeur, il travaille pour le VLIZ, l’Institut Flamand de la Mer, et il a participé à cette étude. Pour lui, la valeur de ces carcasses de bateaux ne fait aucun doute : “Certaines sont de véritables cimetières marins, elles peuvent aussi nous renseigner sur l’histoire du commerce dans nos contrées, on peut également y trouver des informations sur des navires devenus rares, sur les techniques de construction, etc.”

Deux tiers des épaves belges datent des deux guerres mondiales. “Par exemple, pour la première guerre mondiale, on a vraiment un exemplaire de chaque type de sous-marins allemands. On a une sorte de collection de sous-marins allemands !”, s’exclame Sven Van Haelst.

On a une sorte de collection de sous-marins allemands.

Outre leur valeur historique, les épaves ont aussi une valeur écologique. “Ce sont des sortes d’oasis dans un désert, explique le plongeur. On y retrouve de tout, du plus petit organisme, des anémones, des crabes, jusqu’au plus gros poissons. Dernièrement, on a même croisé un dauphin sur l’épave du Westhinder !

Dernièrement, on a même croisé un dauphin!

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On estime que plus de trois millions d’épaves gisent au fond des mers et des océans du monde. Pourrait-on encore en découvrir dans les eaux belges ? “Sans aucun doute, il y en a encore, enfouis dans le sable. Mais, même avec les technologies modernes, c’est compliqué de les trouver. On peut mesurer les perturbations du champ magnétique avec un magnétomètre, mais ensuite il faudra encore creuser pour voir ce qu’il y a, et on peut tout aussi bien tomber sur un conteneur. Ça demanderait beaucoup de travail pour peu de chances de réussite.

C’est plutôt le hasard qui pourrait encore mener à des découvertes.

C’est plutôt le hasard qui pourrait encore mener à des découvertes, poursuit Sven Van Haelst, à l’occasion de travaux de dragage, de placement d’éoliennes ou de câbles par exemple.

Et, en cas de découverte, si le propriétaire du navire n’est pas connu, c’est le découvreur qui en devient le nouveau propriétaire.

  • West-Hinder - 26 mètres de profondeur

La lumière de ce bateau-phare s’éteint pour toujours le 13 décembre 1912, quand il est heurté par un autre bateau. Une dizaine d’hommes se trouvent à l’intérieur. Tous périssent. “Il y a un détail dramatique, explique le plongeur Ben van Asselt. Le capitaine du Westhinder était le fils du pilote qui, pour des raisons d’économie, n’a pas embarqué sur le bateau qui a finalement provoqué la collision.

Westhinder
Westhinder © Archief Navigo Nationaal Visserijmuseum Oostduinkerke

Le Westhinder était le premier bateau-phare belge, un phare mobile, avec une sirène pour alerter les marins. Il leur indiquait les bancs de sable à éviter, la route à suivre. Il pouvait aussi être utilisé pour toutes sortes de recherches en mer. Depuis 1864, il se trouvait à côté du même banc de sable : le West-Hinderbank.

Les bateaux-phares ont servi en Belgique jusqu’en 1993.

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  • ‘t Vliegent Hart - 17 mètres de profondeur

Gravure d'un bateau des Indes orientales du même type que le Vliegent Hart.

​t’Vliegent hart coule le 3 février 1735 alors qu’il entame à peine son deuxième voyage vers l’Indonésie. C’est un imposant trois-mâts, qui appartient à la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Il est censé transporter des marchandises vers et en provenance de l’Asie. Il quitte la Zélande à 14 heures, suit un autre bateau, l’Anna Catharina. Les deux s’échouent sur un banc de sable. A 23h30, après un dernier signal de détresse,  ​t’Vliegent hart sombre avec ses 256 occupants (167 membres de l’équipage, 83 soldats et 6 passagers). Des restes d’épaves et des marchandises seront rejetés sur les plages de Blankenberge et de Nieuport.

En 1981, l’épave est officiellement identifiée par une équipe anglo-néerlandaise après 2 ans de recherche à l’aide d’un sonar à balayage latéral, d’un magnétomètre et de recherches en plongée.

  • Vorpostenboot Senator Sthamer - 7 mètres de profondeur

Chalutier à vapeur allemand, construit en 1906, il est réquisitionné par la marine allemande pour servir pendant la Première Guerre mondiale. Il est alors transformé en patrouilleur (vorpostenboot), baptisé Senator Sthamer. Le 2 avril 1918, il patrouille entre Ostende et Zeebruges quand il heurte une mine à tribord.

Vorpostenboot Senator Sthamer
Vorpostenboot Senator Sthamer © MDK – Afdeling Kust – Vlaamse Hydrografie 2019
  • UB-29​ - 22 mètres de profondeur

UB-29, dessin du site de l’épave.

L’UB-29 (U-Boot) est un sous-marin de la marine allemande datant de la première guerre mondiale. Le bateau a effectué 17 missions, et coulé 36 navires. Le 27 novembre 1916, il quitte Zeebrugge et disparaît en décembre de la même année. Le navire a probablement été éperonné par un destroyer, poursuivi sa route, puis heurté une mine.

22 membres d’équipage se trouvaient à son bord. Le sous-marin a été retrouvé relativement intact et il a pu être identifié en 2017, grâce à une plaque de cuivre portant l’inscription “UB-29 Vorn”.


L’exposition " Les secrets de la mer du Nord – Une histoire cachée sous l’eau" vient d’ouvrir au musée national de la pêche NAVIGO à Oostduinkerke. Elle y sera accessible pendant les mois de juillet et août avant de faire le tour de la Belgique.

 

 

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