La sixième chambre correctionnelle du tribunal du Hainaut, division de Mons, a examiné ce lundi matin un dossier concernant un vol de plus de deux millions de litres de kérosène au préjudice de l’OTAN. Des peines lourdes ont été requises, alors que l’Etat belge réclame un préjudice de 2.457.000 euros pour 47 vols.
Plusieurs préventions ont été retenues par le ministère public : organisation criminelle, vol avec effraction de kérosène destiné à l’étranger au moyen d’un piquage sur un pipeline, faux, usage de faux, recel, défaut de permis de classe deux pour l’exploitation de l’entrepôt.
Le système établi par les prévenus est digne d’un film. Toutefois, le mode opératoire, consistant à piquer un pipeline, relié à un tuyau creusé sous une galerie de plus de deux cents mètres sous un Ravel, était extrêmement dangereux. Il a mis en danger la population. "Il y avait une bombe potentielle", a déclaré Laurence Dubois, substitut du procureur du roi, dans son réquisitoire.
Baisse de pression
Le 8 août 2019, un représentant belge de la Belgian Pipeline Organisation (BPO) dépose une plainte car, depuis le 10 décembre 2018, des baisses anormales de pression sont régulièrement constatées sur le pipeline situé entre Quevaucamps (Beloeil) et Rumes.
Une enquête est ouverte et, rapidement, les policiers portent leurs soupçons sur un entrepôt situé à la rue des Carmes à Basècles, soit à 270 mètres du pipeline. Ce lieu de stockage est loué par un entrepreneur moldave, à la tête d’une flotte de quinze camions immatriculés en Bulgarie.
En février 2019, la police perquisitionne l’entrepôt et constate la présence d’une dizaine de containers en plastique, de mille litres chacun, sans aucune étiquette. Le site ne dispose d’aucun permis de classe 2, permettant de stocker des liquides fortement inflammables.
Sur une aire d'autoroute
Cinq mois plus tard, un camion immatriculé en Italie est arrêté sur une aire d’autoroute à Froyennes, près de Tournai. Il transporte du kérosène. Le chauffeur italien prétend qu’il n’est venu qu’une seule fois en Belgique.
Selon le ministère public, l’analyse téléphonique démontre qu’il est venu plus d’une fois en Belgique. Chose étrange, ce chauffeur n’a aucun GPS, ni aucun vêtement de rechange, alors qu’il roule depuis la périphérie de Rome. Il raconte aux policiers qu’il échange par Whatsapp avec un certain Yvan, lequel lui a indiqué la route de Basècles.
Le routier travaille pour une société italienne, qui n’est plus active depuis 2014 mais qui détient des licences de transport. Elle est dirigée par un avocat lequel serait, selon le Parquet, l’homme de paille d’un entrepreneur italien, Marco, déjà condamné à de multiples reprises dans son pays.
Selon la thèse du parquet, Yvan et Marco seraient les deux chefs de cette organisation criminelle internationale, dans laquelle sont impliqués les autres prévenus, le chauffeur, les gardiens de l’entrepôt, l’homme qui sous-loue l’entrepôt…
Les peines requises
Une peine de huit ans est réclamée contre Yvan, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, et cinq ans contre Marco. Deux amendes sont réclamées : 40.000 euros pour le Russe et 25.000 euros pour l’Italien.
Des peines de deux et trois ans ont été requises pour deux hommes chargés de surveiller, à tour de rôle, l’entrepôt de Basècles où les camions arrivaient la nuit. Pour le substitut du Procureur. "Ils sont venus en Belgique dans un seul but lucratif".
Une peine de quatre ans, avec sursis de cinq ans pour ce qui excède un an de prison, a été réclamée contre le Moldave qui louait l’entrepôt de Basècles, contre mille euros par mois.
Du côté de la Défense
Du côté de la Défense, Me Elena D’Agristina a plaidé l’acquittement des deux Italiens, absents au procès en raison de problèmes de santé. La pénaliste estime que le premier était "un simple chauffeur", alors que le second ne porte pas le costume de chef d’association criminelle, que lui a taillé le parquet.
Me Franck Discepoli, avocat de l’entrepreneur moldave qui louait l’entrepôt de Basècles, n’a pas contesté le vol. Le prévenu a sous-loué son entrepôt contre une importante somme d’argent. "Son erreur est d’avoir laissé la situation perdurer", a déclaré son avocat. Le Moldave a passé huit mois en détention préventive, son épouse l’a quitté.
Me Nasreddine Benzerfa défend le seul détenu. L’avocat a plaidé l’acquittement du ressortissant letton dont le rôle était de surveiller le site et de remplir les camions, contre rémunération.
Le jugement sera prononcé le 3 octobre.