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Troisième Guerre mondiale, missiles sur Paris... Pourquoi les médias russes changent de ton sur le conflit en Ukraine

Des journalistes et chroniqueurs débattent sur le plateau de la chaîne de télévision publique russe Rossiya 1.

© Capture Twitter

"Soit nous perdons en Ukraine, soit la Troisième Guerre mondiale commence", "Un missile Sarmat prendrait 200 secondes à atteindre Paris depuis Kaliningrad"... Ces mots n'ont pas été prononcés par des haut gradés de l'armée russe, mais par des journalistes sur un plateau de télévision.

Depuis plusieurs semaines, les médias en Russie semblent changer de ton à propos de la guerre en Ukraine. Un changement qui s'inscrit dans la ligne de la nouvelle stratégie de communication du Kremlin.

Cacher la guerre

Vladimir Poutine et les médias russes le martèlent depuis le début du conflit. L'intervention de la Russie sur le territoire ukrainien entre dans le cadre d'une "opération militaire spéciale". Son objectif est de "dénazifier" le pays et de répondre à l'appel à l'aide des habitants des républiques de Donetsk et de Louhansk dans la région du Donbass.

Cette volonté de cacher la réalité du terrain a entraîné une campagne de censure de la part du Kremlin, dont les premières victimes ont été les médias indépendants du pays. Certains ont été contraints de fermer leurs portes alors que d'autres ont suspendu leurs activités ou se sont sabordés face au durcissement de la répression, avec notamment des peines de prison pour la diffusion d'informations "discréditant" l'armée.

"Rien ne pouvait nous sauver: la propagande (du Kremlin) doit être totale lors d'opérations de ce genre", expliquait à l'AFP il y a quelques jours, Alexeï Venediktov, chef de l'emblématique radio libérale Ekho Moskvy ("Echo de Moscou") fermée pour son rejet de l'offensive russe contre l'Ukraine.

À l'inverse, les médias d'Etat russes Sputnik et Russia Today ont été interdits de diffusion dans l'Union européenne. Cette décision a été prise au quatrième jour de l'invasion de l'Ukraine dans l’objectif "d’interdire la machine médiatique du Kremlin".

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Ces médias "ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine", avait déclaré sur Twitter la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. "Nous développons des outils pour interdire leur désinformation toxique et nuisible en Europe."

Changement de ton

Avec l'élargissement du conflit dans le temps et dans l'espace, la tentative de déguiser cette guerre en "opération militaire spéciale" cantonnée à l'est du pays n'est plus tenable. Les pertes militaires tant humaines que matérielles - dont celle du croiseur Moskva qui a beaucoup fait parler au pays - obligent les autorités russes à revoir leur copie.

Celles-ci optent à présent pour une diabolisation généralisée du peuple ukrainien. Le terme de "nazis", autrefois réservé aux dirigeants, se répand dans les médias russes à l'égard des civils également.

"C'est une stratégie utilisée à de multiples reprises lors d'un conflit", explique Barbara De Cock, professeure en linguistique à l'UCLouvain spécialisée dans les discours de guerre. "L'objectif est de diaboliser au maximum la partie adverse pour justifier ses actes. Ce changement de discours peut être un point de départ pour des attaques plus généralisées."

Préparer le terrain

Selon nos confrères du quotidien The Independent, relayant des indiscrétions du renseignement britannique, la Russie pourrait opter le 9 mai prochain pour un changement de qualification du conflit

Le terme "opération spéciale" pourrait être abandonné au profit de celui de "guerre totale", permettant au Kremlin d'activer la loi martiale, d'impliquer ses alliés dans l'aide militaire et de proclamer une mobilisation de masse, rappelant également les réservistes.

Dans ce sens, la propagande actuelle des médias russes peut aussi servir à sensibiliser l'opinion publique russe et préparer le terrain avant de telles annonces.

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