Belgique

Trop vieux pour donner du sang une première fois après 65 ans ? Nos experts de la santé publique pensent que oui

Don de sang : le conseil supérieur de la santé le déconseille pour les plus de 65 ans

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Par Pascale Bollekens, Anne Pollard, Isabelle Huysen

On le sait, depuis plusieurs années, les pénuries de sang sont très fréquentes chez nous, surtout dans certains groupes sanguins. Le ministre fédéral de la Santé a donc demandé aux experts du conseil supérieur de la santé (le CSS) si l’on pouvait relever l’âge maximal du premier don au-delà des 65 ans. Et leur réponse est étonnante, ces experts recommandent de ne pas encourager ces seniors de plus de 65 ans à faire ce geste. En cause apparemment des risques plus élevés pour leur santé et aussi pour celles des receveurs.

Aujourd’hui, les personnes entre 60 et 65 ans qui n’ont jamais donné, sont autorisées à le faire, moyennant le feu vert du médecin présent lors de la collecte. Jusqu’ici, c’était une recommandation du conseil supérieur de la santé publié en 2009. Et pour ceux de 66 ans et plus, pas de problème non plus s’ils ont déjà donné au moins une fois leur sang sous réserve de l’avis médical. Mais selon ces mêmes experts, de nouvelles recherches scientifiques montreraient le contraire.

Âge du donneur plus élevé = risques plus élevés pour sa santé

Selon nos experts, les réactions modérées à graves comme des évanouissements ou des convulsions sont plus nombreuses chez les nouveaux donneurs plus âgés. Des incidents qui peuvent fortement émouvoir le patient mais aussi le personnel de la Croix-Rouge et les autres donneurs présents. Quant au rétablissement, il peut prendre davantage de temps que chez un plus jeune.

Un donneur de sang lors d’une collecte à Namur.
Un donneur de sang lors d’une collecte à Namur. © RTBF

Risque plus élevé aussi pour ceux qui reçoivent le sang des plus âgés ?

Des études sur le risque de transmettre via le sang, certaines maladies neurodégénératives ou certains cancers sont en cours. Véronique Deneys, directrice de la banque de sang aux Cliniques universitaires Saint-Luc et experte au CSS, le confirme : "Nous avons collationné de nombreuses publications scientifiques et, pour nous, il existe un risque accru de complications au don de sang pour les plus âgés et surtout s’ils donnent pour la première fois leur sang."

Et de poursuivre : "à ces âges, l’incidence de certaines maladies augmente, certains cancers mais aussi des pathologies de la moëlle osseuse qui font qu’elle travaille moins bien, ces seniors sont anémiques, non pas parce qu’ils manquent de fer, mais à cause de leur organisme qui fonctionne moins bien".

Il est donc prématuré de prendre position. Mais le conseil de la santé insiste sur le fait que ces maladies se multiplient chez les 65 à 70 ans et qu’au stade précoce, le patient ne ressent aucun symptôme. Il n’en parlera pas au médecin du centre de don. Le développement des cellules sanguines chez les seniors est souvent perturbé, leurs globules rouges, plaquettes et autres globules blancs seraient de moindre qualité. "Il n’y a toutefois pas de données scientifiques qui permettent de dire que leur sang est moins bon", admet l’experte.

Un message des experts de la Santé qui pourrait être très mal interprété

Jean-Claude Goyens a 67 ans, il a déjà donné en tout (sang, plaquette et plasma) près de 715 fois à la Croix-Rouge et il ne comprend pas : "Je pense qu’après 65 ans, mon sang est de la même qualité, il ne change pas, je ne suis pas malade et si cela peut sauver une vie…" Il promet de donner son sang jusqu’à sa mort.

Thomas Paulus, le responsable de la Communication à la Croix-Rouge, lui, ne décolère pas : "Le Conseil supérieur de la Santé déconseille de donner une première fois du sang après 65 ans. Mais c’est inutile puisque la loi belge l’interdit déjà."

Et précise sa pensée : "Ma crainte, c’est que le message soit mal interprété et que ces 'plus de 65 ans' qui ont déjà donné pourraient avoir peur d’encore le faire. De plus, notre équivalent flamand de la Croix-Rouge a montré dans une enquête que les 65-70 ans font moins de malaises que tous les autres groupes d’âge."

Mais ils sont apparemment précieux. Ils représentent 6 à 7% de l’ensemble des donneurs en Wallonie et donnent deux à 3 fois par an, contre une fois et demie pour les autres.

Nos experts n’en démordent pas, il en va de la sécurité de la transfusion sanguine

Nos experts restent clairs. Il faut trouver davantage de donneurs dans notre pays. Mais le don du sang n’est pas un droit. Il faut garantir la sécurité de la transfusion, c’est une priorité.

Mais le don du sang n’est pas un droit. Il faut garantir la sécurité de la transfusion, c’est une priorité.

Véronique Deneys s’appuie sur des études menées en Scandinavie : "En Belgique nous n’avons pas de système épidémiologique qui permette d’affirmer des transmissions par le don de sang. Mais au nord de l’Europe, grâce à d’énormes bases de données sur les donneurs et receveurs, les chercheurs ont des données intéressantes. Il y a des facteurs de risque. Une thèse publiée l’année dernière, montre que certaines pathologies (fréquentes chez les plus âgés) pourraient être transmises au receveur."

Voilà pourquoi, le CSS recommande la prudence en matière d’âge maximal pour donner et la mise en route de campagnes de recrutement plus larges au sein de toute la population tous âges et sexes confondus.

Faut-il avoir peur ?

Thomas Paulus reste serein. Toute personne qui fait un don de sang à la Croix-Rouge doit passer devant le médecin du centre de don. Les 3 fois 20 y font l’objet d’une attention toute particulière pour s’assurer qu’ils sont dans de bonnes conditions. "Il doit passer un examen et remplir un questionnaire très complet. Toute anomalie détectée l’écartera du don. Chaque pochette de sang fait l’objet d’une analyse et là encore à la moindre détection anormale, la poche est écartée et le donneur prévenu. Le contrôle est très strict."

De son côté, le cabinet du ministre fédéral de la Santé publique Frank Vandenbroucke (Vooruit) a confirmé, par voie de communiqué, que les règles actuelles peuvent se poursuivre, ceux qui ont déjà donné avant 65 ans pourront continuer à le faire mais on n’élargira pas à de nouveaux donneurs après 65 ans. Le ministre insiste. La sécurité de la transfusion sanguine est pleinement garantie dans notre pays.

Rappelons que donner son sang peut sauver des vies.

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