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Tsar B : "Je pense qu’un artiste ne peut pas perdurer dans le confort"

© Oriane Verstraeten

Par Guillaume Scheunders via

Fini de jouer. Cinq ans après The Games I Played, Tsar B s’envole pour un deuxième album, direction les étoiles. La chanteuse, musicienne et productrice lève le voile sur To The Stars, 10 morceaux entre pop baroque et fulgurances électroniques, parsemés de fragments R&B ou trip-hop bienvenus. Entretien.

Tout commence par une ligne de basse chaude, vous enveloppant directement, contrastée avec la voix douce et flottante de Tsar B, vous propulsant dans cet album par la porte d’entrée que constitue amara terra mia, reprise d’une chanson traditionnelle italienne de Domenico Modugno. Dans to the stars, la violoniste se livre à cœur ouvert en écrivant sur ses peines de cœur, la perte de soi-même, les difficultés de l’amour. Un processus introspectif qu’elle a entamé il y a quatre ans. "Ma musique est super personnelle. Je ne parle pas de personnes inventées, c’est à chaque fois à propos de ma vie. C’est dur et épuisant de toujours faire des musiques qui parlent de moi. C’est un voyage émotionnel parce que tu plonges constamment dans ton cerveau. Tu apprends beaucoup, même si parfois c’est trop."

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L’écriture de cet album correspond à l’arrivée de la chanteuse dans la capitale, elle qui est originaire de Gand. Nouvelle ville, nouveau rythme, Tsar B a petit à petit mis des couleurs sur la feuille blanche qui se présentait devant elle. "Venir à Bruxelles était un super bon choix car ça m’a beaucoup inspirée. Ça m’a sortie de ma zone de confort. Je pense qu’un·e artiste ne peut pas perdurer dans le confort, il faut avoir des choses à découvrir constamment." L’influence de la ville se ressent directement dans certains morceaux, cette sensation d’être perdu·e dans un endroit étranger est rappelée dans underwater, tandis que don’t wanna lose nobody fait immédiatement écho à la vie nocturne qu’elle a découverte en profondeur. "Sur l’album, on entend vraiment bien la période où je faisais beaucoup la fête. Et quand je sens vraiment quelque chose, je l’intègre dans ma musique."

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Proche de ses racines

Justine Bourgeus est presque née avec un violon dans les mains et ne l’a plus jamais quitté depuis. Mais elle a très vite voulu se détourner de son usage classique. Vers ses 14 ans, elle commence à jouer dans des groupes de pop, à découvrir le jazz, l’improvisation…"Ça me donnait beaucoup de liberté, un sentiment totalement nouveau." Elle officiera notamment comme musicienne dans le groupe School Is Cool, qui connaîtra un beau succès au début des années 2010. Et même si l’aventure lui permettra de gagner une belle expérience scénique, il restait dans sa tête une sensation d’inaccompli. "J’aimais bien, mais il y avait quelque chose en moi qui voulait s’exprimer. Pas que je ne voulais pas forcément être une artiste solo connue, mais j’avais ce besoin de raconter des choses. C’est pour ça que pendant la tournée avec le groupe, j’ai commencé à produire de la musique."

Même si la musique électronique est très vite devenue son fer de lance, Tsar B n’a pas renié ses origines pour autant et incorpore du classique dans ses morceaux. Comme sur interlude, morceau le plus intime de l’album sur lequel elle réarrange à sa manière un morceau de l’opéra Rinaldo, de George Frideric Handel, un morceau qu’elle chantait pendant son adolescence. "Maintenant, elle me procure beaucoup d’émotion parce qu’il y a beaucoup de vécu depuis. La chanter, c’est totalement différent et ça me fait souvent pleurer. D’ailleurs, les paroles disent 'laisse couler mes larmes'."

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Diversité

Véritable montagne russe musicale, to the stars emmène l’auditeur tant vers des balades trip hop (auwtch), des décharges techno libératrices (don’t wanna lose nobody) ou sensuelles (trophy), voire des passages très classiques (august). Autant de ramifications qui ne perdent toutefois pas les oreilles atteintes par la musique de Tsar B, qui garde en tout lieu une cohérence. "Ce n’était pas le but d’être si diversifiée. Je n’ai pas une manière spécifique de créer les chansons. J’aime beaucoup expérimenter pour que toutes les chansons aient un bruit différent mais une âme semblable."

Je suis très inspirée lorsque je travaille sur un film ou une série.

Ce qui se ressent sur cet album, c’est que Tsar B se complaît autant dans la chanson que dans la production, laissant beaucoup de places aux morceaux instrumentaux. Ce n’est donc pas étonnant qu’elle nous avoue passer beaucoup plus de temps à produire qu’à écrire les paroles, qu’elle décrit comme venant de son inconscient. "J’aime beaucoup la musique instrumentale, c’est pour ça que je compose beaucoup de musique pour des films et des séries. Et puis aussi pour que ma musique ne soit pas toujours à propos de ma vie parce que c’est dur, c’est personnel." Et oui, parce qu’à côté de Tsar B, il y a Justine Bourgeus, qui crée de la musique pour des films (Samuel’s Travels), des séries (Season of Sex, Assisen, LEEF !…) ou même des publicités pour… Les Diables Rouges !

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Enfin, to the stars a donné l’occasion à Tsar B d’ajouter une collaboration à son CV. Elle qui les choisit avec soin (elle s’affiche avec des noms comme Sylvie Kreusch ou Nova Twins) a cette fois fait appel à la Belgo-Congolaise Reinel Bakole pour le morceau trophy. "Elle a un EP que j’avais écouté et je trouvais que le son était vraiment nouveau et sa voix très chic. J’avais également vu des vidéos où elle dansait et je trouvais ça cool qu’une artiste n’ait pas seulement un son magnifique mais que son univers autour soit spécial." Et même si elle n'est pas Queen, Tsar B relativise sur sa volonté musicale qui épouse une jolie sincérité. "Mon plus grand but, ce n’est pas que tout le monde écoute l'album, mais que ça touche les personnes qui l’entendent. Même les chansons plus festives qui sont un peu mélancoliques, j’espère un peu que les gens aient des larmes qui arrivent (rires)Parce que moi j’ai pleuré ! Beaucoup. Donc je pense que les gens vont le sentir."

Tsar B sera notamment au Listen Festival ce 1er avril ainsi qu'à Dour le 13 juillet.

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