Diables Rouges

"Tu es juste mauvais, arrête" : Amadou Onana, le Diable qui revient de loin, très loin…

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En tant que journaliste sportif, il y a de ces histoires qu’on aime raconter. Parce qu’elles sont belles, parfois touchantes et illustrent que la route vers la gloire est (souvent) parsemée d’embûches. Footballeur pro, Amadou Onana n’a failli jamais le devenir. A 16 ans, il a pensé à tout plaquer quand, une à une, les portes se refermaient devant son nez. Il a douté, réfléchi, ressassé. Et finalement, il a persévéré. Grâce à un mental forgé d’acier. Et au soutien, inconditionnel et quasi obsessionnel, de sa sœur ainée, Melissa. Portrait.


2016, au détour d’un couloir étroit du stade Arc-en-Ciel de Zulte-Waregem. Regards fermés, les coaches du Essevee sont formels : à 15 ans, Amadou Onana n’a pas le niveau pour viser plus haut. "Tu es juste mauvais" lui assènent-ils gratuitement en guise d’ultime uppercut.

Abattu, son légendaire sourire caché derrière quelques doutes de plus en plus intimidants, Onana se pose mille questions : disent-ils la vérité ? Doit-il tout plaquer ? A-t-il eu tort d’inciter sa famille à quitter Dakar pour le suivre dans sa quête d’une carrière professionnelle ? Il hésite. Songe à tous les sacrifices qu’il a déjà dû faire. Repense à sa mère qui l’a toujours soutenu mais qui était sceptique, elle aussi. "Je pourrais écrire un livre sur ma mère. Une saga comme Harry Potter, en cinq tomes. Quand on est arrivés en Belgique, elle me disait : "Je m’en fous du foot, concentre-toi sur tes cours. Tant que tes points sont bons, tu peux continuer. Sinon, c’est fini le football. Au moins, c’était clair" confie-t-il au Times.

A ses côtés heureusement, une personne ne semble pas décidée à lâcher : sa sœur Melissa. Elle, qui le suit depuis des années, et qui filme le moindre de ses matches. Malgré un cancer qui la ronge depuis l’intérieur, elle se met donc en tête de lui dénicher un nouveau point de chute. Direction Hoffenheim, en Allemagne, club où, au prix d’une dizaine de mails, elle est parvenue à gratter un entretien : "Pour aller à Hoffenheim depuis Bruxelles, c’est cinq heures de route avec plusieurs changements de train. Elle était très malade. Elle venait de sortir de sa chimio, elle avait le crâne rasé. On a eu quelques problèmes avec le train, elle a dû courir. C’était difficile pour elle. C’est dingue, les choses qu’on a dû endurer…" se remémore Amadou Onana, avant de s’interrompre, ému.

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Ultime bouée de sauvetage : Hoffenheim

Direction Hoffenheim donc pour le binôme qui veut prouver qu’il en a toujours sous le capot. Que malgré les critiques et les doutes, le talent est bien là. Déterminé, Onana va d’ailleurs se montrer monstrueux pendant les tests. Ses prestations suffisent en tout cas à convaincre Danny Galm, l’entraîneur des jeunes de l’époque, de l’enrôler… après une journée.

"C’était un énorme soulagement. Je savais que j’étais bon mais quand les gens te disent que tu es nul, ça te trotte en tête. Surtout en tant qu’adolescent parce que c’est une période où on se pose plein de questions. J’ai eu la chance, finalement, que les coaches me critiquent. Ils me disaient que je n’allais pas y parvenir. Moi, je me disais 'Oh, que si… je vais y parvenir. Juste pour les faire taire…" renchérit-il au Times.

Au TSG, Onana intrigue. Son physique longiligne, pas encore sculpté par les heures à la salle, le catapulte milieu défensif. Mais du ballon, Onana en a plein les pieds et il le prouve très vite. Lentement mais sûrement donc, il s’impose et avance donc sur l’échiquier pour déployer ses longues échasses ci et là. Volontaire et déterminé, certes. Revanchard, aussi.

Hambourg, Lille puis Everton : suite logique d’un grand meurtri

La suite est finalement beaucoup plus linéaire et contraste méchamment avec ce début de carrière si tumultueux. En 2020, il rejoint Hambourg et fait ses débuts professionnels. Une petite année plus tard, le voilà embarqué pour Lille. L’occasion de franchir un nouveau palier mais aussi de se rapprocher de sa maman, malade à son tour.

Enfin estimé à sa juste valeur, déjà étonnamment mature et réfléchi malgré ses 20 printemps, Onana se fraie une place de titulaire et tape très vite dans l’oeil du grand public… et des recruteurs. Son style de jeu, façonné dans les ruelles de Dakar, mêlant puissance, technique et surtout une hargne démesurée, est atypique : "C’est le genre de joueur que je suis. Je vais me battre jusqu’au bout, comme je l’ai toujours fait dans ma vie. Je ne vais laisser tomber personne. Il n’y a pas de secret. Seul le travail paie" analyse-t-il toujours au micro du Times.

A 20 ans, cinq petites années à peine après être passé à deux doigts de tout plaquer, Onana se retrouve donc à l’aube d’une décision importante : que faire ? A quelles sirènes européennes céder pour donner le bon virage à sa carrière ? Il succombe finalement à l’appel du pied d’Everton, après moultes discussions avec Romelu Lukaku ou Roberto Martinez, eux aussi passés par Goodison Park, et Frank Lampard, le manager des Toffees.

"Onana, that’s my name, Onana, that’s my name"

Onana en Premier League, un roc dans une Ligue de costauds. Le mariage a tout pour réussir, sur papier. Onana, en tout cas, en est persuadé. Titulaire dès la 3e journée face à Brentford, il ne quitte quasiment plus l’équipe-type par après.

Face à Southampton, il y a dix jours, il délivre son premier assist. Contre Manchester United, il brille malgré la défaite et se retrouve à la base du but d’Everton. Preuve qu’il prend tout doucement ses marques. Sur le terrain et dans le coeur des Anglais. Certains supporters en ont d’ailleurs déjà fait leur nouveau chouchou. Plusieurs médias le surnomment désormais "l’athlète suprême".

Sa maman, elle, se contente de l’appeler après chaque match. Parce qu’elle aussi s’est mise au football et se surprend désormais à suivre le moindre geste de son fiston. Complètement remise de son cancer, sa sœur Melissa l’accompagne, elle, toujours dans toutes ses décisions.

Aujourd’hui, les doutes semblent bien loin. Les cahiers et les bancs scolaires aussi. Onana est un footballeur professionnel. Et il a souvent une petite pensée pour ses premiers détracteurs : "Je ne suis même pas fâché. J’aimerais même les remercier."

Les remercier de ne pas avoir cru en lui. Comme trop de gens à cette époque-là…

 

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