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Tunnels d'ozone pour lutter contre le Covid 19 : avis défavorable du CSS

Tunnels d'ozone pour lutter contre le Covid 19 : avis défavorable du Conseil Supérieur de la Santé

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En avril, deux sociétés belges ont installé devant des magasins à Boussu et à Anderlecht des "tunnels" où une brume d’eau ozonée désinfecterait le caddie, les mains et les vêtements des clients. 

Ce mercredi, le Conseil Supérieur de la Santé a donné son avis qui est fortement défavorable à leur mise en circulation. Il envisage même une interdiction par les autorités. Explications et réactions des installateurs.

Alerter la population et les secteurs visés

Le 23 avril, la députée fédérale, présidente de DéFI pour la périphérie bruxelloise Sophie Rohonyi a posé cette question au Conseil Supérieur de la Santé : " Beaucoup d’employeurs sont à l’affût de solutions visant à reprendre leur activité commerciale tout en assurant la protection du personnel et des clients. Il faut cependant rester prudents, et ne pas donner à la population l’illusion d’une protection efficace. Une grande surface a ainsi installé un tunnel d’ozone. Il s’agit d’une sorte de sas dans lequel les clients et leurs caddies passent 9 secondes dans une brume d’ozone censée tuer virus et bactéries. Les petites gouttes projetées seraient composées d’eau et d’ozone. Aucun produit chimique ne serait ajouté. L’investissement serait de l’ordre de 10.000 euros. S’ils sont efficaces, ils pourraient être recommandés dans le cadre du déconfinement, par exemple à l’entrée des gares, des grandes surfaces, des entreprises etc. A contrario, s’ils sont inefficaces, il me semble utile de le faire savoir par une mise en garde, pour ne pas entretenir une illusion de protection au point de négliger les règles d’hygiène et de distanciation sociale. Cette piste a-t-elle été étudiée d’un point de vue scientifique ? Si oui, quelles conclusions en avez-vous tirées ? "

Ce 13 mai, le CSS émet un avis fortement défavorable à la mise en circulation et la généralisation de cette technique en Belgique : " En l’absence de preuves scientifiques évidentes et avérées de l’efficacité du système évoqué dans cette question parlementaire pour " désinfecter " les clients et le personnel des supermarchés (ou les chariots) et au vu du risque, même à des doses très faibles, de manifestations de toxicité (notamment pulmonaire) pour les personnes les plus fragiles. Une interdiction devrait même être envisagée par les autorités. Une communication claire à la population et aux secteurs qui désirent tester cette technique (probablement pour des raisons marketing) doit être rapidement assurée afin d’éviter des investissements inutiles."

Attention aux dangers

Danger ozone
Danger ozone © RealPeopleGroup - Getty Images

Nous avons interrogé Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral pour la pandémie COVID-19 : " Pour nettoyer des surfaces ou des objets, l’ozone nettoie et désinfecte si sa concentration est élevée de l’ordre de 10 à 20 ppm. Mais en présence d’humains, utiliser de l’ozone, qu’il soit gazeux ou liquide, quelque soit sa dose ou sa concentration, s’il interagit avec le virus pour le détruire, alors il interagit aussi avec tout le reste y compris les muqueuses pulmonaires ! Et la question de la santé n’a plus d’intérêt. Les personnes les plus fragilisées sont allergiques ou les asthmatiques. "

Soit cela tue le virus et donc les personnes ne peuvent pas être exposées ! Soit cela ne tue pas le virus et donc cela ne sert à rien !

Pasquale Nardone, physicien à l’ULB souligne que :

  • L’ozone est toxique pour les poumons à partir de 9 ppm et provoque des œdèmes pulmonaires.
  • Pour les yeux, les concentrations sont très faibles. L’ozone est toxique dès les seuils de 0.2 ppm à 0.5 ppm.
  • Les reins et le cerveau peuvent aussi être touchés.

Les propriétés cancérigènes de l’ozone pour l’homme plaident également en faveur d’une interdiction de ces techniques appliquées à l’être humain et à grande échelle. L’ozone gazeux lié à la pollution est également un facteur aggravant des pathologies pulmonaires et de l’asthme. L’ozone, tel qu’il est fréquemment présent dans l’air ambiant, a très probablement des effets pathogènes importants sur la santé humaine, à savoir des maladies respiratoires chroniques, des cancers du poumon et des maladies cardiovasculaires.

Un faux sentiment de sécurité

Un faux sentiment de sécurité
Un faux sentiment de sécurité © Andrew Merry - Getty Images

" Cette technique procure un faux sentiment de sécurité " Estime Yves Van Laethemn car elle ne peut pas éliminer le portage du virus dans le corps (nez, bouche, poumon) et donc sa propagation par voie aérienne par le client ou le personnel asymptomatique, à l’intérieur du lieu.

Les personnes infectieuses le seront toujours après le passage du tunnel. 

Cela pourrait réduire l’attention sur les règles qui sont-elles efficaces, simples, peu coûteuses, peu énergivores et surtout non toxiques comme un détergent.

Comment réagissent les sociétés à l'initiative de ces tunnels ?

Tunnels d'ozone pour lutter contre le Covid 19 
Tunnels d'ozone pour lutter contre le Covid 19

Nous avons contacté les deux sociétés qui ont installé ces tunnels d’ozone devant des magasins.

Dimitri Ernst et Yavuz Cadir, de la société liégeoise R-go Wash spécialisée dans les car-washs, avaient installé le 9 avril un sas devant un Intermarché à Boussu. Ils préfèrent attendre les résultats de leurs études en laboratoire qui sont encore en cours avant de réagir à cet avis.

Quant à Redouane Lassri de la société bruxelloise Belcontruct, spécialisée dans la construction de châssis, qui avait installé le 27 avril une cabine de désinfection devant le magasin de bricolage ETM à Anderlecht, estime que : " Si on me dit que ce n’est pas bon, ce n’est pas bon et je n’ai pas le temps de courir après des agrégations belges ! C'est très compliqué dans notre pays et ce, même si on a des agrégations européennes. De plus, je suis occupé à développer un nouveau business qui est de fabriquer des écrans de protection pour les commerces en verre. 

Fin avril, ces cabines avaient été démantelées par le SPF Santé qui leur avait demandé de les arrêter et de faire des études d’innocuité en laboratoire.

Décision finale

Ces tunnels de désinfection, sont régis par le règlement européen biocides (EU 528/2012). Vinciane Charlier, Porte-parole SPF Santé publique, nous explique les conséquences de l’avis : " le service biocides n’octroiera pas d’autorisation temporaire pour les tunnels de désinfection, une demande d’autorisation au niveau EU est requise. Tant que la demande d’autorisation n'est pas acceptée, le produit ne peut pas être mis à disposition sur le marché. Ce produit ne peut même pas être utilisé comme nettoyant ! "

Quant au Conseil Supérieur de la Santé, son avis a été défavorable à leur mise en circulation et il est même question d'interdiction par les autorités. Le SPF Santé publique va donc contacter les fédérations concernées pour les informer du contenu de ces avis. Quant à une interdiction pure et simple, ce n’est ni une compétence du Conseil Supérieur de Santé, ni du SPF mais bien du Politique ! Wait and see...

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