Twitch FR : les streameurs et streameuses prennent en main le problème du harcèlement

Comment fonctionne Place de la Paix ? Comme Billy l’explique, il s’agit d’un bot (un robot) qui surveillera les tchats des streameurs s’étant abonnés au programme. Si des propos injurieux ou discriminatoires sont émis de la part d’un spectateur, il sera banni de la chaîne où il a tenu ces propos mais également et automatiquement des chaînes des autres streameurs qui font partie du réseau de Place de la Paix.

Pour les petits malins qui pensent pouvoir contourner le bannissement en créant un nouveau compte, c’est raté. En effet, Billy explique que pour ces personnes-là, elles devront confirmer leur numéro de téléphone. Si ce dernier est lié à un compte banni, c’est raté !

Pour réaliser le projet Place de la Paix, Billy n’était évidemment pas tout seul. Il était épaulé par plusieurs développeurs de Wathan.live (une boite entièrement belge, cocorico!).

A côté de Place de la Paix, d'autres développeurs, comme Némaïdès et Floliroy, se sont pris au "jeu" et ont également développé un programme de banlist, plus ou moins similaire. Némaïdès l'explique dans son thread.

Il s'agit d'une version améliorée de la fonctionnalité native et déjà existante de Twitch appelée le "partage d’informations de bannissement". Cette fonctionnalité, bien qu’intéressante, reste un peu légère.

Prenons un exemple avec cette fonctionnalité : des streameurs A, B et C ont lié leurs comptes leur permettant de partager des informations sur le bannissement d’utilisateurs. Si un utilisateur X est banni chez le streameur A, les streameurs B et C seront au courant lorsque ce même utilisateur X parlera dans leurs tchats. Une mention, seulement visible par les streameurs B et C et leurs modérateurs, apparaîtra : "L’utilisateur X est considéré comme suspect."

Avec l'outil de Némaïdès et Floliroy, désormais : les streameurs peuvent partager entre eux leur liste de bannissements. Ils pourront également consulter la liste de bannissements d’autres streameurs et, s’ils sont intéressés, "s’abonner" aux listes de bannissements d’autres streameurs pour appliquer les bannissements sur leur propre chaine.

Comme l’explique Némaïdès, il s’agit bien d’une version améliorée d’une fonctionnalité native de Twitch. Cela dit, son outil permettrait un agencement bien plus rapide et direct entre streameurs afin d’assurer un tchat sain et cordial.

Cette prise en main est un mouvement fort et porteur de sens face à la plateforme qui… ne fait pas grand-chose. Certes, chaque jour, les porte-paroles de Twitch tentent de rassurer ses streameurs avec x ou y nouvelle fonctionnalité qui pourra assurer leur sécurité. Sauf que dans les faits, il n’en est rien.

Certaines streameuses, face au harcèlement subi, ont déposé plainte auprès de la police, avec un dossier fourni en captures d’écran démontrant des propos sexistes, misogynes et injurieux. C’est le cas (parmi tant d’autres) d’Ultia, streameuse qui a été la cible d’un harcèlement constant depuis le Zevent 2021. Après avoir déposé plainte auprès de son commissariat, elle a expliqué l’enfer qu’elle vivait auprès de nos confrères de Mediapart.

Place de la Paix et l'outil de Némaïdès/Floliroy sont des dispositifs, pour ainsi dire, vitaux à l’heure où le harcèlement sévit toujours plus sur les réseaux sociaux.

Si PDP et l'outil de Némaïdès/Floliroy sont très bien accueillis par les streameurs et streameuses ainsi que leurs modérateurs et modératrices, ils ne sont pas encore tout à fait au point pour certains.

Parce que, oui, pour protéger les streameurs et les streameuses, ce sont surtout les modérateurs et modératrices qui exercent un travail colossal. Bien avant l'existence d'outils comme le partage d'informations de bannissements, les modérateurs et modératrices échangeaient déjà des informations entre eux sau sujet d'utilisateurs problématiques sur des serveurs Discord. Et c'est toujours le cas à l'heure actuelle.

Selon Tesserack, modérateur de la chaîne d'Angle Droit, bien que l'initiative de Némaïdès et Floliroy soit la bienvenue, il y a quelques fonctionnalités à revoir.

En toute cordialité, le modérateur explique que le partage de bannissement "automatique" entre plusieurs chaînes peut facilement apporter du chaos. En effet, prenons un nouvel exemple : un spectateur Z spoile un élément d’un jeu vidéo dans le chat de la streameuse A, le spectateur Z pourra se faire éventuellement bannir. Mais si la streameuse A fait partie d'un réseau de partage de bannissements, cela veut dire que le spectateur Y sera banni dans le réseau entier. Une situation un peu "too much" pour le modérateur Tesserack.

La modération, comme son nom l’évoque, est un exercice très subjectif et sensible non seulement entre modérateurs de différentes chaînes mais également entre modérateurs d’une seule et même chaîne. Appliquer un bannissement automatique sur plusieurs chaînes à la fois pour tout propos non injurieux, ni discriminatoire d’un utilisateur peut paraître ainsi exagéré.

A cela s’ajoute le fait que l'outil de Némaïdès/Floliroy n’est pas une instance régulée par Twitch, étant extérieure à la plateforme officielle (comme Place de la Paix, au final). Le modérateur d’Angle Droit explique qu’il s’agit d’une "sacrée confiance à devoir accorder si on doit donner à cet outil les droits de modération sur nos chaînes."

Place de la Paix et l'outil de Némaïdès/Floliroy débarquent ainsi dans une atmosphère certes bienveillante mais avec des aspects à améliorer selon certains utilisateurs. Plusieurs streameurs et streameuses ont déjà annoncé sur Twitter s’affilier au réseau PDP. L’initiative est bonne, à voir si Twitch décidera un jour de les implanter sur sa propre plateforme.