Des images insoutenables sont parvenues d’Ukraine ce week-end : sur les photos prises à Butcha, des cadavres de civils abandonnés sur les routes. Le maire de cette localité au nord-est de Kiev déclare que les troupes russes avaient ainsi tué 300 habitants de sa commune. Parfois d’une balle dans la tête, les mains entravées dans le dos. Tous les cadavres sont des hommes, leur identité reste à déterminer, les corps de 57 personnes ont été retrouvés dans une fosse commune à Boutcha.
Une dizaine de cadavres étaient visibles, certains seulement partiellement inhumés, derrière une église du centre de cette localité située au nord-ouest de la capitale ukrainienne.
Le Premier ministre polonais a appelé lundi à créer une commission d’enquête internationale sur "le génocide" commis selon lui par l’armée russe dans des villes ukrainiennes, dont Boutcha. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba évoque dimanche un acte "délibéré" des forces russes.
Les Occidentaux dénoncent des crimes de guerre, le département d’Etat américain aussi, il dit avoir accumulé suffisamment de preuves dans ce sens, le secrétaire général des Nations unies demande une enquête indépendante et des enquêteurs de la Cour pénale internationale vont se rendre sur place. Mais comment procèdent-ils exactement ? Quel est leur travail ?
Pour Eric Aimeraux, ancien patron de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité en France, "ces images suscitent l’horreur, c’est bien la démonstration qu’il n’y a pas de guerre sans crimes de guerre."
"Tous ces témoignages doivent être pris avec beaucoup de précaution car une enquête judiciaire est constituée finalement d’un faisceau d’informations qui se recoupent pour tenter d’accéder à la vérité", ajoute-t-il.
ABC : Assume nothing, Believe nothing, Check everything
Le mode opératoire des enquêteurs sur le terrain consiste donc à confronter les éléments de preuves, en vérifiant leur viabilité.
C’est un travail de longue haleine : souvent, ce sont des dizaines de témoins et auteur à entendre. "Nous devons veiller à ne jamais nous laisser manipuler. C’est la raison pour laquelle on utilise souvent l’acronyme ABC : Assume nothing, Believe nothing, Check everything".
Ne rien présupposer, ne croire en rien mais tout vérifier : un travail d’enquête qui s’annonce long et minutieux à effectuer pour que justice soit faite.
Pour Vaios Koutroulis, spécialiste en droit international, c’est une guerre de communication. Car juridiquement, il n’y a pas eu de condamnation pour crime de guerre. "Il faut distinguer le politique du juridique. Je comprends que politiquement les Etats mettent en avant les accusations de crimes de guerre mais juridiquement on n’est criminel de guerre que si on a été condamné pour un crime de guerre. Jusqu’à présent, il n’y a eu aucune condamnation de cette nature. Ce qui est très important, c’est l’établissement des faits. Le problème ici, c’est aussi une guerre de l’information. Les Russes quand ils bombardent une maternité, ils disent qu’elle était utilisée par des combattants et donc devenue pour cela un objectif militaire, que l’on pouvait valablement attaquer, ce qui est démenti par la partie adverse. Et pour cette responsabilité pénale, il faut prouver que cette violation a bien eu lieu mais aussi qu’il y a eu intention de la commettre".