Questions-Réponses

Un an de congé de naissance à se répartir entre parents, c’est souhaitable ?

Elisabeth Degryse : la MC veut aller jusqu'à un an de congé de maternité et de paternité

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Par Maud Wilquin

C’est officiel depuis le 1er janvier 2023 : les jeunes papas ont désormais le droit de prendre 20 jours de congé (4 semaines) dans les quatre mois suivant l’accouchement de leur conjointe. Une avancée réjouissante que les concernés ont attendue durant près de 20 ans. Mais pour certains partis et organismes, ce n’est pas encore suffisant. Ainsi par exemple, le PS, le PTB et la Ligue des Familles plaident pour un congé de paternité de 15 semaines, soit l’équivalent du congé de maternité, et l’Institut pour l’Égalité des Hommes et des Femmes, un congé de paternité obligatoire.

La Mutuelle chrétienne de son côté va plus loin et propose de créer un congé de maternité et de paternité d’un an à se répartir sans condition entre les deux parents.

Ce nouveau modèle se rapprocherait ainsi des politiques appliquées dans plusieurs pays européens comme la Suède qui est le pays le plus égalitaire en la matière. Sur ce territoire, chacun des deux parents a droit à 480 jours de congés cumulés dont 60 jours réservés aux pères et 60 aux mères.

L’objectif est de permettre au mieux à l’enfant de se construire physiquement, émotionnellement et cognitivement, mais également d’aider la mère à se remettre de l’accouchement et de diminuer le plus possible l’écart entre les carrières des hommes et celles des femmes. "Aujourd’hui, il est démontré que plus que durant toute autre période de la vie, celle allant de la conception aux 1000 premiers jours de l’enfant est déterminante", écrit Lola Galer, chargée d’études à la Ligue des Familles, dans une étude publiée en 2022.

Beaucoup de stéréotypes, peu de moyens financiers

Mais en Belgique, cette proposition est-elle possible ? "Le gouvernement vient de doubler le congé de paternité de 10 à 20 jours. En tant que femme, je suis demanderesse d’aller vers plus d’égalité, mais avec ma casquette de Secrétaire d’État au Budget, je répondrais qu’il faut d’abord analyser les coûts des dernières politiques publiques", répond la Secrétaire d’État au Budget, Alexia Bertrand (Open Vld).

Alexia Bertrand : "Analyser le coût des dernières politiques publiques avant d'égaliser davantage les congés de maternité-paternité"

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Encore un peu tôt pour se prononcer, donc. Néanmoins, l’idée de la Mutuelle Chrétienne est-elle souhaitable ? Selon le rapport annuel 2022 de l’ONEM, le nombre de congés parentaux a augmenté de 9,2% entre 2021 et 2022. Et selon un sondage de l’Ipsos (décembre 2022), 67% des parents sont au moins demandeurs d’un congé de paternité de même durée que le congé de maternité. A priori, cette année de congés parentaux devrait donc être plutôt bien accueillie. Du côté de la Ligue des Familles, on se réjouit d’ailleurs que de plus en plus d’acteurs se mobilisent pour un allongement du congé de naissance.

Toutefois, quelques craintes subsistent. "Nous craignons que l’année de congés à répartir entre les parents soit surtout prise par les mères", confie Caroline Tirmarche, responsable du service d’études de la Ligue des Familles. "On le voit dans les pays où le congé de naissance est transférable entre parents et on le voit aussi pour les autres congés familiaux chez nous." En effet malgré l’augmentation, à peine 5000 pères ont pris un congé parental à temps plein ou à mi-temps l’an dernier, contre 20.000 mères. De plus en Suède, 10 à 15% des pères ne prendraient aucun jour de congé de paternité, la faute aux stéréotypes de la société d’une part et aux salaires toujours plus élevés des hommes, d’autre part. En Belgique, ce chiffre grimpe à 26% selon le dernier rapport de l’Ipsos.

Véronique De Baets, porte-parole pour l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes (IEFH), a les mêmes appréhensions. "Il faut aussi prendre en compte l’écart salarial plus important entre les hommes et les femmes dans les pays nordiques qu’en Belgique", affirme-t-elle. Selon les chiffres de l’OCDE, cet écart était en effet de 11,2% en Suède contre 5% en Belgique en 2021. "Cet écart est dû au fait que les femmes prennent de plus longs mois de congé que les hommes. Elles reprennent ensuite à temps partiel et sont souvent plus représentées dans la fonction publique dans les pays nordiques que dans la fonction privée. Si l’on octroyait de très longs congés à se partager entre parents au moment de la naissance en Belgique, nous pourrions donc nous attendre à ce que les mères s’absentent 8, 9 voire 10 mois du travail alors que les pères ne s’absenteraient qu’un mois."

De plus, un deuxième problème se pose : l’argent. "Les Suédois se partagent un congé de plus d’un an mais n’ont pas de crèche cette année-là. Au départ, l’Allemagne avait également fait le choix de ne pas développer ses crèches et d’offrir à la place des congés de naissance très bien rémunérés. Elle s’est finalement rétractée et a décidé de distribuer son budget différemment. Désormais, les parents ont le choix entre prendre des congés parentaux plus courts ou déposer leur enfant à la crèche. Cette décision offre plus d’égalité sur la sphère professionnelle. En Belgique, l’approche est mixte. Nous investissons dans le collectif (les crèches) et dans l’individuel, même si les congés parentaux, les crédits-temps et autres ne sont pas aussi importants qu’en Suède", explique-t-elle.

"Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas réfléchir à un allongement du congé de maternité. Mais si cette décision est prise, elle doit l’être en parallèle du congé de paternité", insiste-t-elle. "C’est le seul moyen de favoriser l’égalité homme-femme au travail."

Quid alors de la discrimination à l’embauche ? Les personnes en âge de fonder une famille auront-elles plus de mal à trouver un emploi ? "C’est déjà le cas pour les femmes", nous indiquent les deux organisations. Une loi de 2017 prend cependant en compte la responsabilité familiale. "Cela s’applique autant aux femmes qu’aux hommes qui prendraient un congé parental, un temps partiel ou autre. Tout traitement sur le marché du travail lié au fait des responsabilités familiales peut être couvert par la loi anti-discrimination", conclut Véronique De Baets.

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