Guerre en Ukraine

Un an de guerre en Ukraine : la majorité de la population russe suit Vladimir Poutine, la contestation étouffée

Guerre en Ukraine : la majorité des Russes soutiennent Poutine (reportage de L. Portal sur LP 24/02/23)

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Par Louis Portal, correspondant RTBF à Moscou

Un an après le début des opérations en Ukraine, les sondages d’opinion montrent qu’une majorité de la population soutient la politique de la Russie en la matière. Certes, la contestation est totalement étouffée, ce qui ne veut pas dire que les opposants sont inexistants. Mais force est de constater qu’ils restent minoritaires.

En dépit des sanctions économiques et de la rupture des relations avec l’Occident, la population russe suit Vladimir Poutine et soutient ce qu’il a nommé "l’opération militaire spéciale des forces russes en Ukraine". Mais tous les soutiens de l’armée russe ne sont pas pour autant des partisans du président russe. C’est le cas d’Ilya.

"Protéger sa patrie"

À 68 ans, Ilya n’a pas hésité une seconde à s’engager pour venir en aide aux populations civiles du Donbass. "Le premier sentiment qui m’a animé pour y aller, c’est l’amour de ma patrie, de mon pays. Depuis l’enfance, on nous a enseigné que chaque homme doit protéger sa patrie", avoue-t-il avant de préciser que la guerre n’a pas débuté en février 2022. Il estime en effet que la guerre a commencé en 2014, lorsque l’armée régulière ukrainienne et les bataillons nationalistes sont partis dans le Donbass pour mater ces populations qui refusaient d’accepter le changement de pouvoir issu de la révolution de Maïdan.

Après avoir pris des renseignements à Moscou, il a chargé sa voiture pour aller distribuer de l’aide humanitaire dans le Donbass comme volontaire civil, déterminé à se faire sa propre idée de ce qu’il s’y passait. Aujourd’hui encore sa voix se serre lorsqu’il évoque les mains décharnées qui se sont tendues vers lui lorsqu’il a ouvert son coffre pour distribuer de l’aide alimentaire.

Ilya reste également marqué par les témoignages spontanés qu’il a recueillis sur place. Des gens coincés dans des caves que les forces ukrainiennes ne laissaient pas sortir que ce soit pour aller chercher de l’eau ou venir en aide à un mari, un frère, au sol à quelques dizaines de mètres, blessé alors qu’il tentait d’aller chercher des vivres.

Se frotter au terrain

Mais Ilya voulait aussi se faire sa propre idée des événements. "Je voulais vérifier par moi-même si ce qu’on nous disait à la télévision était vrai. Et je peux vous dire au terme de mes voyages qu’ils ne nous ont montré aucune contre-vérité", explique-t-il. Toujours est-il que cette expérience l’a conforté dans sa conviction qu’il fallait défendre la Russie.

S’il est majoritaire, ce point de vue est inaudible pour Ella. La trentaine, cette jeune femme est farouchement opposée aux actions que mène la Russie chez son voisin. "Je suis catégoriquement contre l’opération spéciale, et même contre le fait qu’on l’appelle opération spéciale, alors qu’il s’agit d’une guerre, au sein plein du terme", s’indigne cette jeune femme.

Des clivages marqués

À ses yeux, les autorités n’ont pas fourni suffisamment d’éléments pour qu’on puisse dire que la Russie est menacée par un danger quelconque qu’incarnerait l’Occident. Et en filigrane, ses propos laissent transparaître le malaise qu’elle ressent en considérant que son pays, la Russie, puisse avoir agressé un autre État, de surcroît très proche culturellement. Un point de vue qu’elle ne peut exprimer qu’en privé car s’opposer à cette opération spéciale peut avoir de lourdes conséquences.

Il est interdit de manifester contre cette opération et de porter atteinte à l’image ou à la réputation de l’armée, que ce soit sur les réseaux sociaux, dans la presse, ou même au sein d’associations. Autant de comportements qui peuvent être punis par de lourdes peines de prison et qui expliquent le silence de ceux qui contestent la nécessité de cette opération militaire.

Censure et propagande

En plus de cette censure, il faut prendre en compte le narratif des autorités qui présente la Russie comme un pays assiégé par des élites occidentales décadentes et qui veulent en finir avec lui. Un récit qui, selon Lev Goudkov, patron du Levada Center, le dernier institut de sondages indépendant classé agent de l’étranger, contribue à figer les positions des pro et anti "opération spéciale" tout en permettant au pouvoir de bénéficier d’un large soutien de la population.

D’autant plus qu’il estime qu’un grand nombre de Russes fait le dos rond, évitant de s’interroger sur la situation dans un souci d’auto-préservation à l’heure où ils sont touchés par l’inflation, la baisse des revenus réels, la peur du chômage ou la mobilisation des réservistes.

Le poids de l’histoire

Autant d’éléments qui n’impressionnent pas Anton, lui aussi, âgé d’une trentaine d’années. "Je ne suis pas allé aux manifestations mais j’essaie de parler avec les gens, avec ma famille dont certains soutiennent l’opération spéciale et j’essaie de leur expliquer qu’elle ne devrait pas avoir lieu", précise-t-il. Lui aussi estime qu’il en va du salut de la Russie, mais pour de tout autres raisons. "Un pays qui se dirige vers une impasse, qui s’isole, même s’il dit qu’il suit son propre destin, c’est un pays qui ne peut rien offrir de positif à son peuple, à commencer par ses jeunes", déplore-t-il.

Mais les opposants à l’opération, jeunes pour la plupart, doivent faire avec le poids de l’histoire comme le rappelle Ilya : "Lorsque les Allemands nous sont tombés dessus, ils sont allés jusqu’à la Volga parce que nous n’étions pas prêts. C’est pourquoi je pense, comme la majorité des Russes, qu’il faut soutenir cette opération".

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