La chanson s’appelle Susamam, traduisez "Je ne peux pas me taire". Le ton est déjà donné. Le clip dure quasi 15 minutes durant lesquelles défilent une bonne vingtaine de rappeurs, de chanteurs et de musiciens. Chacun à leur tour, ils envoient leurs messages : pollution, inégalité, violences conjugales éducation ou encore la cruauté envers les animaux. Tout y passe, mais surtout la liberté d’expression et l’Etat de droit. Susamam est une chanson contestataire qui tire à boulets rouges sur le gouvernement turc et le président Recep Tayyip Erdogan. Elle a son succès, en un mois, le clip a été visionné 32 millions de fois sur YouTube. Ce qui est hyper rare pour ce style de musique en Turquie.
Le message politique est clair et il y a surtout un tacle qui fait parler; au début de la chanson, le rappeur Saniser, de son vrai nom Sarp Palaur, y assène : "j’ai trop peur d’envoyer un tweet, j’en suis à avoir peur de la police de mon propre pays". Dans la ligne de mire de cette punchline : le président dont les opposants politiques ont tendance à finir derrière les barreaux ces dernières années. Comme Canan Kaftancioglu, une cheffe de l’opposition à Istanbul qui a été condamnée à près de dix ans de prison notamment pour des tweets jugés insultants envers le président Recep Tayyip Erdogan.
Le gouvernement irrité
Cette musique ne plaît pas évidemment au parti au pouvoir, l’AKP. Pour l’un des vice-présidents, Hamza Dag, "l’art ne doit pas servir d’instrument de provocation et de manipulation politique". Un journal pro-gouvernemental a même affirmé que le clip était "une co-production" de "terroristes" kurdes et de membres de l’organisation accusée d’avoir fomenté le putsch manqué contre M. Erdogan en juillet 2016. Les artistes eux, préfèrent en rire. Ils savent que ce clip est une prise de risque et cela ne changera pas la donne, mais ils espèrent au moins laisser leur marque.