Justice

Un des plus importants barons de la drogue en Europe jugé à Liège

La salle de la Rotonde du Palais de Justice de Liège a été spécialement sécurisée pour l’occasion. A partir de ce lundi et durant trois semaines, le tribunal correctionnel va examiner les charges retenues à l’encontre de 37 personnes dans une vaste affaire de trafic international de stupéfiants.

Parmi les prévenus : Jos L., suspecté d’être un des dirigeants de l’organisation criminelle. Jos L., connu sous le surnom de " Bolle Jos ", sera sans doute jugé " par défaut " à Liège. Le Néerlandais de 32 ans est introuvable et selon les informations récoltées par la RTBF, il n’a jusqu’ici délégué aucun avocat pour le représenter au procès.

L’organisation a fait transiter plus de 18 tonnes de cocaïne par la Belgique.
L’organisation a fait transiter plus de 18 tonnes de cocaïne par la Belgique. © Tous droits réservés

Jos L. fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Le dossier liégeois n’est qu’une des nombreuses affaires le concernant. Il figure sur la liste des " Europe’s most wanted fugitives ", les criminels les plus recherchés d’Europe. A la mi-mars, le signalement émis par les Pays-Bas s’est enrichi d’un portrait-robot actualisé et d’une récompense augmentée à 200.000 euros (contre 75.000 auparavant) pour l’information qui mènerait à son arrestation.

Jos L., suspecté comme dirigeant de l’organisation criminelle, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international.
Jos L., suspecté comme dirigeant de l’organisation criminelle, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. © Nederlandse politie

Soupçonné d’être impliqué dans des faits de violence extrême

L’avis de recherche brosse un profil criminel du fugitif : " considéré comme l’un des principaux acteurs du commerce international de la cocaïne ", " impliqué dans l’importation de grandes quantités de cocaïne via les ports de Rotterdam et d’Anvers ", " coupable d’avoir blanchi des dizaines de millions d’euros et des centaines de kilogrammes d’or probablement tirés du trafic de cocaïne ", " soupçonné d’être impliqué dans des faits très graves de violence extrême ".

Si les autorités n’excluent pas une présence épisodique de " Bolle Jos " sur le territoire européen, le baron de la cocaïne mènerait principalement ses affaires à distance, depuis Dubaï ou plus récemment depuis la Turquie.

Une succursale en Province de Liège

Le procès qui débute ce lundi 27 mars vise la filiale liégeoise de la narco-galaxie supposément dirigée par Jos L.. Cette succursale de la drogue installée à cheval sur le Condroz et l’Ardenne a tourné de manière souterraine durant plusieurs années, jusqu’au démantèlement de l’organisation par la police et la justice belge le 18 octobre 2021.

Ce hangar, situé à Ferrières, servait de lieu de stockage pour la cocaïne.
Ce hangar, situé à Ferrières, servait de lieu de stockage pour la cocaïne. © Tous droits réservés

Pour gérer les affaires depuis l’étranger, Jos L. utilisait à l’époque la messagerie SKY ECC. Les enquêteurs l’ont identifié dans des échanges sous le pseudonyme " El Pres " (Le Président). Alors que l’enquête sur l’organisation était en cours depuis 2018, le décryptage par la police de la messagerie secrète trois ans plus tard a donné un coup d’accélérateur au dossier et a permis de préciser le fonctionnement de la structure criminelle, ainsi que l’ampleur de ses activités.

La division " Stupéfiants " de la Police judiciaire fédérale de Liège qui a mené les investigations dans ce dossier du parquet fédéral estime que l’organisation a fait transiter plus de 18 tonnes de cocaïne par la Belgique. Les criminels intervenaient à plusieurs niveaux de la chaîne du trafic : importation, transformation de la drogue pour lui donner sa forme consommable, conditionnement, stockage, distribution et revente.

De discrets villageois comme « directeurs opérationnels »

Lorsqu’ils sont intervenus à l’automne 2021 pour mettre fin aux agissements des trafiquants, les policiers ont interpellé une trentaine de personnes. Des perquisitions ont été menées à Huy, Aywaille, Strée, Ferrières, Verviers, Herve, Comblain-au-Pont, Amay, Genk et Temse.

Perquisition à Strée (Modave), le 18 octobre 2021.
Perquisition à Strée (Modave), le 18 octobre 2021. © Tous droits réservés

Ces descentes des enquêteurs ont conduit à la mise à l’arrêt d’un laboratoire de transformation et de conditionnement de la cocaïne à Strée (Modave). Un hangar de stockage de la marchandise a été mis au jour à Ferrières. L’intendance de ces laboratoires clandestins, lieux de stockage et points de redistribution était aux mains de malfrats locaux.

Pour les enquêteurs, D.L., alias " Tito " sur la messagerie SKY ECC, faisait figure de directeur opérationnel du groupe. Agé d’une quarantaine d’années, il menait avant son arrestation une vie discrète sur les hauteurs de la vallée de l’Ourthe.

De la coke dans la coco ?

Connu de la justice pour des faits anciens liés entre autres à du trafic de cannabis, D.L. s’est entouré de complices de la région, avec lesquels il entretenait des contacts de longue date. Comme D.C., son voisin d’en face, sur l’autre rive de l’Ourthe. Quand il ne travaillait pas aux champs pour prendre soin de ses chevaux et de son bétail, D.C. réglait la logistique pour le laboratoire et le lieu de stockage.

Il est possible que la cocaïne ait été camouflée dans des sacs de terreau en fibre de noix de coco.
Il est possible que la cocaïne ait été camouflée dans des sacs de terreau en fibre de noix de coco. © Tous droits réservés

Les investigations ont révélé que les malfrats avaient aménagé à Strée un laboratoire d’extraction de cocaïne, ce que les spécialistes des " stups " appellent une blanchisserie. Afin de minimiser le risque de détection de la drogue lors du transport des conteneurs par bateaux puis par camions, les trafiquants imprégnaient la cocaïne dans une marchandise présumée légale dont il fallait ensuite l’extraire.

Des images captées lors de l’intervention de la police en octobre 2021 et dévoilées aujourd’hui par la RTBF montrent des sacs de terreau en fibre de noix de coco. Selon une hypothèse que les investigations n’auraient pas permis de valider, il est possible que la cocaïne ait été camouflée dans cette matière. A charge pour des " chimistes " (parfois appelés " cuistots ") de récupérer la drogue noyée dans le terreau à grand renfort de produits chimiques.

L’intérieur du laboratoire de transformation et de conditionnement de la drogue.

Vers l’Angleterre par hélicoptère

La présence de suspects colombiens travaillant comme chimistes pour l’organisation a été confirmée. Néanmoins, ils n’ont pas pu être interpellés. Le procédé de la blanchisserie est maîtrisé depuis plusieurs décennies par les cartels sud-américains.

Le laboratoire clandestin de Strée servait de laboratoire d’extraction et de lieu de conditionnement. Sur les images de la RTBF, on aperçoit des presses qui servaient à mettre en forme les pains (blocs compacts) de cocaïne. Les pains étaient affublés de différents logos faisant référence à des marques automobiles ou à des jeux vidéo. Conditionnée de la sorte, la drogue pouvait être brièvement stockée puis redistribuée vers des revendeurs en Belgique ou dans d’autres pays d’Europe (Pays-Bas, Allemagne, France, …)

Comme Bolle Jos, D.L. et D.C. sont poursuivis en qualité de dirigeants de l’organisation criminelle. En outre, D.L. devra aussi répondre des faits de 2017 liés à l’exportation de cocaïne vers l’Angleterre par hélicoptère.

Sur le même sujet : Extrait VivaLiège (27/03/2023)

Un des plus importants barons de la drogue en Europe jugé à Liège (B. Verpoorten 27/03/2023)

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