Extinction ? Ou "effondrement(s)" ?
Le terme "extinction" est-il un concept utilisé dans la littérature scientifique ? Non, pour Romain Weikmans, chercheur à l'Institut finlandais des affaires internationales, enseignement à l'ULB et spécialiste des politiques climatiques : "Dans la littérature scientifique, il n'est pas tellement question d'extinction de l'espèce humaine, en tout cas pas à court terme, pas pour les générations à venir. Ce dont il est question, dans une partie de la littérature scientifique, c'est d'effondrement. Au pluriel. Un certain nombre de travaux vont plutôt s'attarder sur des effondrements de la production industrielle, d'autres, sur des effondrements de la population humaine, par exemple."
Le rapport le plus ancien et le plus dramatique sur ces effondrements s’intitule "The limits to Growth" ou rapport "Meadows", du nom de ses principaux auteurs, remonte à 1972 : des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) avertissaient que dans un scénario de croissance économique constante (scénario BAU2, pour business as usual), si nous ne prenions pas en compte les coûts environnementaux et sociaux, nous assisterions passivement à l’effondrement de notre civilisation industrielle dans le courant de ce siècle. En 2040, ce serait l’apogée de la croissance, qui ensuite ralentirait, et provoquerait la diminution nette de la population, des ressources alimentaires et naturelles. Ce ne serait pas la fin de l’humanité, mais un tournant.
Un autre scénario tenait compte du fait que les progrès technologiques aideraient à limiter la pollution et à préserver l’alimentation (scénario CT, pour "technologie globale"). Ce modèle, moins dramatique, ne conduisait pas à un réel effondrement de notre civilisation, mais à un arrêt de la croissance mondiale d’ici une dizaine d’années.
Les réflexions sur la croissance économique, apparues dans ce rapport, ont fait naître le concept de développement durable. L’ouvrage a fait l’objet de deux mises à jour, l’une en 1992 (Beyond the Limits) et l’autre en 2004 (Limits to Growth. The 30-Year Update). Cette étude avait fait polémique, et a été critiquée, voire tournée en ridicule par des experts qui ont tordu ses conclusions et méthodes. Le principal reproche était qu'il basait le risque sur une échelle globale, là où les risques sont inégalement répartis.
Et où on en est ?
Une chercheuse néerlandaise en développement durable, Gaya Herrington, également directrice dans le grand cabinet d’audit KPMG, aux Etats-Unis, a voulu voir où l’on se situait aujourd’hui, par rapport aux scénarios du rapport Meadows. Elle a effectué cette recherche à titre indépendant, dans le prolongement de sa thèse de maîtrise à l’Université d’Harvard. En novembre 2020, elle a analysé les données actuelles, les a comparées aux scénarios, et conclu que ça collait avec le rapport si controversé.
Ces données s’accordent d’après elle avec deux des modèles envisagés en 1972 par les chercheurs du MIT (le scénario à croissance inchangée, BAU2 et celui incluant la technologie comme facteur atténuateur, baptisé CT).
L’espoir d’une stabilisation
Un 3e scénario, plus optimiste, était envisagé par les chercheurs du MIT : celui d’un monde stabilisé (Stabilized World, SW). Dans ce scénario, les priorités changent et nous limitons volontairement notre croissance économique vers 2020, pour créer une société durable.