Début 2020, le système a ainsi ciblé Li Wenliang, un ophtalmologue de Wuhan qui tirait la sonnette d'alarme sur une nouvelle maladie mortelle qui allait bouleverser le monde : le Covid-19. Les autorités ont passé sous silence les premiers rapports du médecin sur le virus. "Des propagandistes sont passés à la télévision pour dire que ce médecin répandait de fausses informations", raconte Zeng.
Mais lorsque le docteur Li a lui-même contracté le coronavirus, les internautes chinois étaient furieux. "Tout le monde actualisait Twitter ou son fil Weibo (le principal réseau social chinois, ndlr) pour vérifier les dernières nouvelles" et naviguer entre rumeurs et démentis officiels. "De nombreux tweets ou posts Weibo ont été supprimés."
"J'ai posté quelque chose comme 'nous voulons la liberté de l'information. Plus de censure" et ensuite mon compte Weibo a également été censuré", raconte Zeng. "A ce moment-là, j'ai eu l'impression de faire partie de cet écosystème." La mort de Li a été la goutte de trop pour l'informaticien.
A partir de là, "j'ai senti que je ne pouvais plus faire ça", lâche-t-il.
Il quitte alors son emploi et retourne dans sa ville natale, où il perfectionne ses compétences en codage avant de s'inscrire à l'université Northeastern, qui a un campus en Californie.
Alors que Xi Jinping s'apprête à être nommé pour un troisième mandat record à la tête d'un gouvernement chinois de plus en plus nationaliste, Zeng est amer. "Je pense que je ne pourrai pas retourner en Chine avant au moins dix ans", avoue-t-il, estimant toutefois que "tout le monde est optimiste à long terme pour l'avenir de la Chine". Car "si vous regardez notre Histoire, il y a toujours des idéalistes très courageux qui font changer les choses le moment venu".