Un entrepreneur sur huit a entre 20 et 30 ans en Belgique

12% des entrepreneurs du royaume ont entre 20 et 3O ans

© RTBF

Par Kamel Azzouz

En Belgique, ils sont plus de 120.000 à faire bouger les lignes de l’économie réelle, et à posséder leur propre boîte. Eux, ce sont les jeunes entrepreneurs, c’est-à-dire entre 20 et 30 ans. Si se lancer et devenir son propre patron peut faire peur à certains, d’autres s’investissent, très jeunes, corps et âme pour relever ce défi, pour proposer un concept qui les passionne et en vivre, voire en faire vivre d’autres en créant au passage des emplois. Une nouvelle tendance se dessinerait. Là où hier se réfugier dans des emplois "confortables" était la norme, aujourd’hui, de plus en plus de jeunes qui sortent de leurs études rêvent de lancer leur propre projet.

Sébastien Bertrand a arrêté ses études pour réaliser son rêve
Sébastien Bertrand a arrêté ses études pour réaliser son rêve © RTBF

Il s’agissait pour moi de très vite avoir une certaine maturité

C’est à 22 ans que Sébastien Bertrand arrête ses études de comptabilité qui ne lui convenaient pas. Il réfléchit à la nouvelle trajectoire professionnelle qu’il souhaite emprunter avec passion. Ancien jeune coureur cycliste de haut niveau, vendre et réparer lui-même des vélos le séduit au point de plaquer ses études dès qu’une banque lui accorde un prêt.

Sébastien Bertrand, dont les parents étaient contre ce changement de cap, s’est lancé dans l’aventure de l’entreprise mais non sans crainte : " J’ai quand même eu peur plus d’une fois. Durant les premières années, les nuits étaient très courtes. Et c’était très stressant parce que vous avez 22 ans et vous vous mettez déjà un crédit qui est quand même assez important au-dessus de la tête. Vous devez rembourser auprès des banques une certaine somme. Il y a un risque d’échec, et il y a énormément de sociétés qui font faillite chaque année, donc la peur était là. Mais je pense que c’est aussi la peur qui m’a motivé à toujours travailler énormément pour y arriver. Il s’agissait pour moi de très vite avoir une certaine maturité. Comprendre assez rapidement le marché et comment tout doit être géré. "

Le succès au rendez-vous, Sébastien Bertrand doit engager du personnel et ouvrir un plus grand magasin
Le succès au rendez-vous, Sébastien Bertrand doit engager du personnel et ouvrir un plus grand magasin © RTBF

C’était important pour moi que je puisse mener la barque comme je le souhaitais

En 2017, Sébastien Bertrand ouvre un magasin de proximité en ayant conscience que son jeune âge pouvait être un inconvénient face à des clients méfiants qui possèdent des vélos relativement chers. Mais après avoir franchi de nombreuses côtes de première catégorie, Sébastien finit par atteindre les sommets.

Son travail est tellement reconnu dans la région, qu’il doit engager du personnel et s’installer dans une plus grande structure du côté de Loverval. Il innove avec une cellule de coaching pour préparer des athlètes au sein même de son magasin. Ce jeune entrepreneur a même créé sa propre marque de vêtements et d’accessoires.

Sébastien Bertrand nous livre les ingrédients de sa réussite : " Je voulais tenter ma chance, et j’avais envie de créer quelque chose qui n’existait pas. C’était important pour moi que je puisse mener la barque comme je le souhaitais. C’est ça qui m’a donné envie de me lancer parce que, finalement, toutes les décisions reposent sur moi. Je peux voir l’avenir comme j’ai envie de le voir. Je n’ai jamais compté mes heures, et je ne me suis jamais retourné. Je n’ai pas foncé la tête baissée, mais il fallait que je me lance tout en y croyant très fort. Aujourd’hui, je ne regrette vraiment pas parce que cela fonctionne. Même s’il est vrai qu’une nouvelle journée commence pour moi tous les jours à la fermeture du magasin. "

Ma première crainte, c’est de devoir un jour licencier quelqu’un

Aujourd’hui du haut de ses 27 ans, il dirige sa société Black and Bike qui compte six employés. C’est avec de nombreuses joies et sa plus grande crainte qu’il travaille sans relâche : " Ce qui me plaît dans ma vie d’entrepreneur, c’est que les journées ne sont jamais les mêmes. J’ai énormément de fonctions différentes. C’est ça que j’adore comme garder un œil sur l’atelier, sur la vente, sur le marketing etc. C’est une société mais on fait énormément de choses. Mais c’est vrai que c’est un combat de tous les jours. Ma première crainte, c’est de devoir un jour licencier quelqu’un parce que financièrement vous ne savez plus le payer. Il y a ce stress qui est présent au quotidien. Mais c’est ce stress-là encore une fois qui m’a toujours fait avancer, évoluer, et voir plus loin. "

Amaury Michiels a 24 ans lorsqu’il est à la tête d’une entreprise spécialisée en co-living
Amaury Michiels a 24 ans lorsqu’il est à la tête d’une entreprise spécialisée en co-living © RTBF

12 % des entrepreneurs ont entre 20 à 30 ans en Belgique

Selon les derniers chiffres de Statbel, on dénombrait en 2019 plus d’un million d’entrepreneurs en Belgique. Celles et ceux qui ont entre 20 et 30 ans représentent 12% des entrepreneurs du royaume. La Flandre occupe la première place des régions avec 78.551 entrepreneurs de cette catégorie d’âge, contre 31.543 en région wallonne et 13.526 en région bruxelloise.

Il me fallait un truc méga concret, et je me suis lancé lorsqu’une opportunité de concrétiser ce rêve s’est présentée

Amaury Michiels en fait partie puisque, depuis l’âge de 24 ans et demi, il est à la tête d’une entreprise de co-living qui rénove des maisons qui allient espaces privés et partagés avec de nombreux services inclus. Le fonds de commerce est de répondre à une demande toujours croissante des jeunes actifs âgés de 23 à 35 ans. C’est durant ses études à Solvay qu’il a pensé à développer ce concept en Belgique.

Aujourd’hui, l’entreprise IKOAB a transformé plus de 70 maisons dont quasiment toutes les chambres sont occupées, et compte une vingtaine d’employés. Amaury Michiels qui a réalisé son rêve d’entrepreneur nous explique ce qui l’a motivé de se lancer aussi jeune malgré toutes les difficultés rencontrées : " Je n’avais pas envie d’aller travailler dans des boîtes de consultance, et devenir ce qu’on appelle un Man in Black. Du coup, il me fallait un truc méga concret et je me suis lancé lorsqu’une opportunité de concrétiser ce rêve s’est présentée. Ce qui m’a motivé, c’était le défi. Puis clairement, je voyais l’évolution de la société et de ce marché. Quand j’ai écrit mon mémoire, je disais toujours que ça allait devenir un nouveau mode de logement qui allait devenir enfin qui allait s’implanter dans toutes les villes. C’est vrai qu’à un moment, on a déjà eu des gros soucis. Évidemment au début quand on est jeune et qu’on se prend des grosses claques, ce n’est pas toujours marrant. Alors il faut souvent se remettre en question et c’est bien de se remettre en question mais une fois qu’on est lancé, il faut y aller… Après des soucis dans la vie, on en aura toujours. "

Son entreprise a déjà rénové plus de septante maisons un peu partout en Belgique
Son entreprise a déjà rénové plus de septante maisons un peu partout en Belgique © RTBF

Il n’y a jamais eu de soucis à partir du moment où on prouve qu’on est pro, et qu’on est sérieux

Malgré son jeune âge, Amaury Michiels n’a jamais hésité en croyant dur comme fer en son projet. S’il avoue avoir appris énormément sur la fiscalité, le secteur de la construction, en marketing, ou autres domaines, ce jeune entrepreneur de 27 ans a très vite compris qu’il fallait bien s’entourer et faire preuve de patience et d’un grand professionnalisme : " Au tout début quand j’avais 24 ans, il y avait peut-être une réticence de certaines personnes plus âgées que moi. Après, je pense que les mentalités en Belgique ont fort évolué. Les personnes plus âgées font maintenant confiance aux jeunes. A chaque fois qu’on rencontre des personnes, voire de gros investisseurs, il n’y a jamais eu de soucis à partir du moment où on prouve qu’on est pro, et qu’on est sérieux. Donc, il n’y a jamais un moment où je me suis dit : non, je suis trop jeune. Il y a des moments où je me dis que je n’ai pas les compétences pour faire telle ou telle chose. Mais il faut connaître ses limites. C’est pour ça que je m’entoure de personnes qui sont plus compétentes dans certains domaines. "

Au sein de l’entreprise, 75% du personnel est plus âgé qu’Amaury. Avec ses 35 années au compteur dans le secteur de la construction, José Garcia n’a pas de préjugés sur le jeune âge de son patron et apprécie cette jeunesse qui se lance dans l’entreprenariat : " C’est bien que cette jeunesse ose ! Le plus important, c’est qu’ils sont bons dans ce qu’ils font et qu’ils ont du respect. Je vois que ce sont des jeunes qui se lancent, mais des jeunes qui ont encore confiance aux personnes les plus âgées. Quelque part, ils reconnaissent notre savoir-faire et notre travail. "

© RTBF

Inégalités, lenteurs administratives et législatives

Amaury Michiels reconnaît que les investisseurs et les structures d’aides soutiennent bon nombre de jeunes entrepreneurs, mais il déplore la lenteur administrative et le manque de réactivité en Belgique : " La grosse problématique avec la Belgique, c’est qu’elle met beaucoup trop de temps à légiférer ou à s’adapter. En fait, on nous demande de suivre des règles de 1960. Je suis né en 1994. Vraiment, on se dit il faut peut-être changer des choses. Dès que vous faites quelque chose de nouveau, vous avez presque toujours un problème avec la législation. Concrètement nous, on développe l’habitat de demain. Du coup, on fait face à des problèmes parce que la législation ne colle pas du tout à la réalité ".

De par son expérience et ses connaissances, Sébastien Bertrand estime que les jeunes entrepreneurs ne sont pas tous logés à la même enseigne en termes d’aides : " Pour un projet comme une start-up, c’est vrai qu’il y a pas mal d’aides qui sont débloquées. Cependant pour tout ce qui est beaucoup plus large, pour un indépendant comme je suis, ou dans le bâtiment, ou dans l’Horeca, ça reste compliqué. Il n’y a pas beaucoup de soutien pour ce type de métier. Vous avez le sentiment qu’on ne fait pas trop confiance aux jeunes entrepreneurs dans cette catégorie-là. Donc ça n’aide pas pour que les jeunes entrepreneurs réussissent. "

Comme bien d’autres jeunes entrepreneurs, Amaury et Sébastien ont compris l’importance de se lancer sans compter les heures et surtout d’être bien entourés pour réaliser leur rêve, avec la certitude d’avoir fait le bon choix de vie.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Tous les sujets de l'article

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous