Santé & Bien-être

Un hôpital peut-il exiger de l’argent avant d’admettre un patient ?

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Un hôpital peut-il exiger de l’argent avant d’admettre un patient ? Pire, peut-il refuser de soigner quelqu’un si la somme réclamée n’est pas versée immédiatement ? Ce sont des questions qui se posent après la mésaventure vécue par une jeune femme mauritanienne qui était sur le point d’accoucher à Bruxelles. Un hôpital, l’UZ de Jette, a refusé de l’accueillir car elle ne pouvait pas payer 2.000 euros. L’établissement s’est excusé depuis lors mais la question demeure : quelles sont les règles d’accueil dans nos hôpitaux et les obligations sont-elles différentes entre institutions privées et publiques ?

Refoulée aux urgences car elle ne peut pas payer 2000 euros d’acompte

Son histoire date du 19 octobre mais elle est interpellante. Celle que nous appellerons Fatimetou a 23 ans, elle est originaire de Mauritanie où elle était guide touristique et elle est demandeuse d’asile, ayant fui son pays pour éviter que sa fille de deux ans ne soit excisée. Fatimetou est enceinte d’un autre enfant et sa grossesse touche à sa fin.

Ce jour-là, la jeune femme sent que l’accouchement approche, la famille d’accueil qui l’héberge à Grimbergen la conduit aux urgences de l’hôpital le plus proche, l’UZ Jette, l’hôpital universitaire de la VUB, l’Université libre flamande de Bruxelles. Fatimetou s’assied dans la salle d’attente, elle perd les eaux, la flaque autour de sa chaise s’étend lentement mais l’employé du service des urgences explique à la jeune femme qu’elle doit payer 2000 euros en espèces avant de pouvoir consulter un médecin car elle n’a pas d’assurance maladie. N’ayant pas cette somme, Fatimetou est donc refoulée malgré les contractions qui augmentent. Elle l’explique dans les colonnes du Standaard " tout a défilé dans ma tête, j’allais accoucher dans la rue, ou dans la voiture avec laquelle j’étais venue. Peut-être que mon bébé allait mourir. "

En fin de compte, sa famille d’accueil emmène Fatimetou dans un autre établissement, l’hôpital Brugmann, juste en bas de la rue. Elle y est accueillie sans qu’on lui pose de question et sans qu’on lui réclame la moindre somme d’argent. Son bébé naît peu de temps après, un petit garçon qui saura peut-être un jour qu’il a failli venir au monde en rue au nord de Bruxelles.

L’UZ reconnaît le dysfonctionnement, s’excuse et sanctionne son employé trop zélé

Cet incident n’aurait pas dû se dérouler. L’UZ Jette le reconnaît, sa porte-parole Karolien De Prez présente même des excuses " nous sommes vraiment désolés de cet incident, c’est inacceptable qu’on ait refusé d’accueillir quelqu’un aux urgences pour une question d’argent, cela ne doit pas arriver chez nous, nous avons d’ailleurs sanctionné notre membre du personnel et nous étudions des mesures pour que cela ne se reproduise plus. Nous avons également contacté la famille concernée et nous lui avons proposé d’assurer un suivi médical. "

Le refus d’admettre Fatimetou en salle d’accouchement serait donc à mettre sur le compte d’une erreur de jugement individuelle. " Il est bien clair que toute personne qui en a besoin doit être admise aux urgences et soignée, peu importe son statut. Il n’y a aucune raison pour la refouler. D’ailleurs, chaque semaine nous recevons aux urgences entre 5 et 10 patients qui sont demandeurs d’asile, migrants ou sans-abri. Tout le monde a droit à des soins d’urgence ".

Les soins urgents semblent donc assurés par tous les hôpitaux, qu’ils soient publics ou privés, à tous les patients, qu’ils aient ou non une couverture sociale, mais les autres actes médicaux le sont-ils aussi ? C’est là que se marque la différence entre les différents types d’établissement.

 

« L’hôpital public accueille tout le monde, sans distinction, c’est notre ADN social »

Le contraire eut été étonnant mais du côté des hôpitaux publics, on assure ouvrir ses portes à tout le monde, qu’il s’agisse des urgences ou pas. C’est le cas notamment du CHU Brugman où Fatimétou a finalement accouché de son petit garçon. Confirmation par sa directrice générale Caroline Franckx : " l’ADN de l’hôpital public, c’est de prendre en charge tous les patients sans aucune distinction, qu’ils bénéficient ou pas d’une assurance sociale, qu’ils aient des papiers ou non, qu’ils soient en ordre de mutuelle ou qu’ils soient migrants ou SDF, peu importe, notre rôle social est de soigner tout le monde. Cela concerne les urgences et tout le reste. Tous nos patients sont traités de la même manière."

Comment cela se passe-t-il au niveau financier si certains patients ne peuvent pas payer leur facture ? " Cela ne doit pas être un frein. Notre service social travaille avec les CPAS ou avec Fedasil pour régler les démarches administratives et tenter de trouver des solutions, c’est un travail compliqué mais en tout cas l’aspect financier ne peut jamais justifier un refus d’accueillir quelqu’un, je le répète, c’est notre mission d’hôpital public de soigner tout le monde. D’ailleurs, cela se sait et nous attirons effectivement toute une frange de la population qui vient chez nous et qui n’a pas les moyens de payer des soins pourtant nécessaires. "

Mais quand on lui demande si c’est la même attitude dans les hôpitaux privés, y compris les hôpitaux universitaires, la directrice se garde bien de répondre. " Il faut leur demander… "

« Plus question de mettre un patient dans une ambulance et de l’envoyer ailleurs comme il y a 20 ans. »

Du côté des hôpitaux privés, on s’empresse de répéter que tout le monde est accueilli aux urgences, sans filtrage. Mais que se passe-t-il quand un patient n’a visiblement pas les moyens de payer la facture ? Ilse Cluytens est coordinatrice du service social des Cliniques de l’Europe : " il faut commencer par rappeler que tout patient a le droit de choisir son prestataire de soins. S’il n’a pas de ressources financières, nous ouvrons une enquête sociale pour évaluer la situation et nous contactons le CPAS dont dépend la personne pour que ses frais soient pris en charge. "

" Si le CPAS refuse la prise en charge financière, la décision finale revient au médecin. Elle dépendra de l’état du malade, du traitement en cours, il peut aussi n’assurer que les soins vitaux et reporter certains soins moins urgents à plus tard. "

Il ne serait donc pas question de refouler un patient sans le sou ? " Cela se faisait peut-être il y a 20 ans, mais aujourd’hui plus question de mettre un patient dans une ambulance pour l’envoyer dans un hôpital public. Si on le faisait, on aurait ces hôpitaux sur le dos. Non, on ne refuse aucun patient d’office. Maintenant, s’il a une dette de 20.000 euros, c’est autre chose… "

Confirmation à St-Luc, l’hôpital universitaire de l’UCLouvain situé à Woluwé-St-Lambert : "le principe, c’est l’obligation de soigner tout le monde aux urgences et d’assurer le suivi des soins. Et cela représente pas mal de monde chez nous avec la proximité de l’aéroport de Bruxelles et son lot de réfugiés et de personnes ayant pris l’avion pour venir se faire soigner en Belgique. S’il y a défaillance dans le paiement des soins, le service social, et cela représente 40 personnes chez nous, contacte Fedasil ou le CPAS pour trouver une solution, en assumant le risque de ne jamais être payé. Pendant longtemps, les CPAS n’acceptaient d’intervenir dans les frais que pour les hôpitaux publics mais c’est du passé."

Pour les urgences, on l’a compris, hôpitaux publics et privés ont plutôt la même attitude, c’est pour les soins non urgents que la différence se marque. "Si une personne se présente chez nous", explique-t-on à St-Luc, "elle doit d’abord passer au secrétariat, on vérifie si elle dispose d’une mutuelle, d’une assurance ou si elle a bien acquitté ses dernières factures. S’il reste une dette impayée, on discute pour voir comment apurer le passé mais cela ne conditionne pas l’admission ni les soins nécessaires. S’il n’y a ni mutuelle ni assurance, on va demander le versement d’un acompte et si c’est impossible, on confie le cas au service social. Il faut savoir qu’une nuit d’hospitalisation nous coûte 1.000 euros, que le patient paye ou non."

Au-delà des personnes en situation précaire, la question du coût des hospitalisations concerne en fait tout le monde car personne n’est à l’abri d’une mauvaise surprise financière. Par exemple, le choix d’une chambre individuelle ouvre la porte à des suppléments d’honoraires pouvant aller jusqu’à 100, 200 ou 300%. Il est donc conseillé de vérifier l’étendue de son éventuel contrat d’assurance. Et puis surtout, depuis le mois de janvier, les hôpitaux sont obligés de donner une estimation du coût de l’hospitalisation, une sorte de devis qui devrait éviter de tomber à la renverse en découvrant sa facture d’hôpital.

JT du 12/01/2023

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