Les propos ont été tenus par Thierry Lakhanisky en 2016 : "Quand on a vocation à lutter contre la mort, la misère et la guerre, affronter des procédures judiciaires sans fin me fait parfois penser à Don Quichotte face aux moulins à vent. Mais je ne désespère pas !"
À l’époque, son entreprise Skytech se débattait, finalement avec succès, dans une procédure de faillite. Skytech était alors présentée comme une société à vocation essentiellement humanitaire œuvrant pour le Comité international de la Croix Rouge, l’ONU ou encore Médecins Sans Frontières.
Mardi matin, l’entrepreneur installé à Lasne a été interpellé dans le cadre d’un dossier de courtage en armes. Il a été inculpé et placé sous mandat d’arrêt. Il aurait joué un rôle d’intermédiaire pour le transport d’armes de guerre à destination de pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Thierry Lakhanisky a-t-il facilité l’acheminement d’armes vers des pays sanctionnés par un embargo ? Oui, selon des éléments d’enquête recueillis par la rédaction police-justice de la RTBF.
Par la voix de son avocat Emmanuel De Wagter, Thierry Lakhanisky conteste et affirme "qu’aucune transaction ne semble avoir été exécutée". Selon l’avocat, l’homme d’affaires "aurait agi comme consultant dans des transactions d’avions et hélicoptères militaires à destination de pays d’Afrique, du Moyen-Orient et des Etats-Unis".
Un rôle de consultant et des activités menées aujourd’hui depuis l’étranger, selon son avocat
Les enquêteurs soupçonnent aussi des manquements aux règles encadrant les activités de courtage en armes en Belgique. L’homme ne serait pas dûment enregistré comme courtier et ne serait donc pas autorisé à exercer des missions d’intermédiaire depuis le territoire belge.
Pour ce volet, l’avocat affirme que son client "aurait possédé les licences valables pour de telles activités jusqu’à la faillite de sa société belge en février 2022 et exerçait alors sans être inquiété". Le suspect nie mener actuellement des activités irrégulières en Belgique et mènerait dans ce dossier ses activités "depuis l’étranger, comme directeur et actionnaire d’une société étrangère".
Selon nos informations, la période infractionnelle retenue couvrirait l’été 2021, période durant laquelle Thierry Lakhanisky a effectué un voyage en Ethiopie, précédé d’un déplacement en Russie "essentiellement pour participer à un salon aéronautique réputé", explique Emmanuel De Wagter.
Un carnet d’adresses épais comme un bottin de téléphone
Les investigations sont menées par la police judiciaire fédérale de Bruxelles, un juge d’instruction nivellois et le parquet fédéral. Ce dernier se refuse à tout commentaire sur l’enquête en cours.
Dans le milieu des intermédiaires, Thierry Lakhanisky s’est construit au fil des ans une solide réputation et un carnet d’adresses particulièrement fourni lui permettant d’intervenir dans différents types de négociations à travers le monde. Armées, services de sécurité et de renseignements, proches de gouvernements... : l’homme entretient des contacts au plus haut niveau dans plusieurs pays. La société Skytech aurait par exemple contribué à la libération de personnes détenues en Côte d’Ivoire dans l’affaire des déchets toxiques déversés par le navire Probo Koala en 2006.
Une loi de 2003 pour encadrer le courtage en armes
En 2003, la Belgique s’est dotée d’une loi modifiant des textes de 1991 afin de mieux contrôler les courtiers en armement, c’est-à-dire les intermédiaires qui facilitent et organisent les transactions. L’activité est légale mais de nombreux rapports et enquêtes internationales relèvent la position centrale de ces intermédiaires dans les trafics illicites et les violations d’embargo.
La loi de 2003 a instauré un système de licence préalable délivrée pour toute personne souhaitant faire le commerce d’armes, une sorte d’autorisation d’exercer la profession. Pour accorder une licence, le ministre de la Justice vérifie que l’intermédiaire, agréé comme marchand d’armes, remplit les conditions de moralité requises. Police, procureur, Sûreté de l’Etat et Douanes sont consultés.