Environnement

Un navire autonome traverse l’Atlantique, une première mondiale réalisée par des Belges

Par Marie-Amélie Lenaerts

Après quelque 6 mois en mer, le Mahi2, une embarcation sans équipage, propulsée uniquement par l’énergie solaire, a échoué en Martinique le 15 mars 2022. Les 6 ingénieurs belges à l’initiative du projet ont ainsi pu montrer qu’une embarcation autonome, utilisant uniquement l’énergie solaire, est capable de naviguer sur une longue distance, en haute mer, sans présence humaine à bord.

Qu’est-ce qu’une embarcation autonome ?

Un navire autonome est un navire capable de naviguer sans équipage grâce à de nombreux capteurs et instruments connectés… comme un radar et une connexion satellite. On parle souvent de "drones marins" pour les désigner.

Le Mahi2 ressemble à une grande boîte rectangulaire de 4 mètres de long. À l’avant, comme sur la majorité des bateaux, on retrouve une proue pointue pour fendre les vagues. Sur le haut de la boîte, des panneaux solaires qui alimentent les batteries et le moteur électrique. Dans l’eau, une quille pour assurer la stabilité de l’embarcation. Enfin, à l’intérieur et à l’extérieur se trouvent une série de capteurs qui enregistrent une multitude de données.

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Pendant sa traversée, le Mahi2 a collecté des données atmosphériques et océanographiques. Comme la pression atmosphérique, la température de l’air, la force et la direction du vent, et le rayonnement solaire. Dans l’eau, des caméras ont enregistré des images d’animaux marins, et des hydrophones ont enregistré les sons. Cela permet par exemple d’évaluer la pollution sonore ou encore reconnaître les animaux marins grâce à leur signature sonore.


L’aboutissement de 6 ans de travail

Le Mahi2 a récolté des données qui seront mises à la disposition de la communauté scientifique.

Mais l’objectif principal du Projet Mahi était de montrer qu’une embarcation autonome utilisant uniquement l’énergie solaire est capable de naviguer sur une longue distance, en haute mer, sans présence humaine à bord. Cela n’avait jamais été démontré jusqu’alors. Il y a bien eu un navire autonome à voiles qui a traversé l’océan Atlantique, l’embarcation de l’américain SailDrone, mais jamais grâce à une énergie 100% solaire.

Pieter-Jan Note explique comment il a eu l’idée de relever ce défi avec quelques amis : "Le Projet Mahi, c’est surtout une idée entre copains, c’est un projet que j’ai réalisé avec 5 amis rencontrés durant mes études d’ingénieur civil à Leuven. L’idée m’est venue quand j’étais en Angleterre dans le cadre d’un master en architecture navale en 2013. J’y ai rencontré un Américain qui travaillait sur un projet similaire, aussi avec des panneaux solaires, mais après 60 jours il a perdu la connexion avec son navire. J’ai motivé mes amis à relever le défi et à mettre toutes nos compétences en commun pour construire un navire autonome. On a travaillé durant 6 ans, en plus de notre boulot, pour réaliser ce projet !"

Arrivé presque à destination…

Au final, le Mahi2 est bien arrivé de l’autre côté de l’Atlantique après 6 mois de navigation. Mais pas en Guadeloupe où il était attendu. À 700 milles nautiques de l’arrivée (environ 1300 km), l’équipe de jeunes ingénieurs qui suivait la trace du navire au quotidien a perdu le contact satellite. Ils ont même pensé que le bateau avait coulé et qu’ils ne le retrouveraient pas. Mais après quelques semaines ils ont reçu une photo du Mahi2 échoué sur une plage en Martinique !

© Mahi2

Ils n’ont pas encore pu identifier pourquoi la connexion a été coupée mais selon Pieter-Jan Note, le Mahi2 aurait continué à naviguer jusqu’au dernier point planifié sur sa feuille de route et il se serait ensuite laissé dériver jusqu’en Martinique.

Pour l’équipe du Projet Mahi, c’est une réussite car ils ont pu démontrer qu’un navire sans équipage propulsé uniquement par l’énergie solaire pouvait naviguer sur une très longue distance !

Une intelligence artificielle qui permet au navire de décider seul

Pieter-Jan Note et son équipe se sont rendus en Martinique pour récupérer les boîtiers et les données. Ils doivent à présent analyser 2 térabytes d’images et autres data. Quant au bateau, il doit arriver ce vendredi 22 avril sur un cargo dans le port de Zeebruges.

Ensuite, Pieter-Jan Note, Bertold Van den Berg et Quinten Lauwers, 3 des 6 ingénieurs à l’initiative du Projet Mahi ont décidé de se lancer dans une autre aventure, celle de l’entrepreneuriat. Ils viennent de fonder une start-up qui propose un produit de niche, basé sur le travail de développement et l’expérience accumulée dans le cadre du Projet Mahi.

Ils ont développé un boîtier et un logiciel d’intelligence artificielle qui est à placer sur d’autres navires autonomes. Ce logiciel permet au navire de naviguer par lui-même puisque c’est lui qui va prendre les décisions sur la route à suivre, sur base des données qui se trouvent dans l’environnement direct du bateau.

Par exemple, si le radar et la caméra identifient un cargo à l’horizon, le logiciel va croiser les informations et modifier la route de l’embarcation pour éviter une collision avec le cargo.

Les navires autonomes vont-ils se multiplier à l’avenir ?

Selon Pieter-Jan Note, il y a un vrai potentiel de développement. Le premier avantage est économique car ces embarcations fonctionnent sans présence humaine à bord. Un autre atout est que la majorité de ces drones marins sont propulsés par des énergies renouvelables.

Parmi les clients de la start-up MAHI on retrouve une entreprise néerlandaise qui construit des embarcations ramassant les déchets le long des côtés ou encore une entreprise française qui utilise ces drones pour analyser les fonds marins en amont de la construction d’un parc éolien offshore.

Des développements à suivre de près dans le futur car cela pose aussi la question de la cohabitation au sein d’un espace maritime de plus en plus convoité.

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