Belgique

Un Oeil sur demain : comment survivre dans un environnement hostile comme celui de Mars ? Chez nous, plusieurs projets et simulations sont en cours

© Mars UCLouvain

Par Pascale Bollekens

Aller s’installer sur Mars, le jour où notre planète deviendrait invivable. C’est le rêve d’Elon Musk avec SpaceX et le Projet "Nüwa" de mégalopole lancé par Alfred Muñoz, des studios Abiboo, un bureau d’architectes espagnol. Construite au cœur de la falaise Tempe Mensa sur la planète Mars, à l’abri des radiations et des températures, elle réunirait cinq villes pour quelque 250.000 habitants, une cité basée sur la verticalité, la sobriété et l’autonomie totale avec des espaces individuels de vie de 32 m2.

L’idée est de la construire à partir de 2054 pour l’habiter dès 2100 mais cela reste pour le moment surtout une source pour alimenter notre imaginaire. En attendant sur notre planète, plusieurs équipes tentent de manière plus "terre à terre" de se préparer à une survie dans l’espace voire sur la planète rouge.

Dans la peau d’un astronaute à la base martienne nichée dans le désert de l’Utah

La base martienne de la Mars Society dans le désert de l'Utah - Crew 279

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C’est le cas de jeunes belges. Huit étudiants de l’UCLouvain entre 20 et 25 ans viennent de passer deux semaines dans le désert de l’Utah aux Etats-Unis. La base martienne de la Mars Society américaine accueille, depuis près de 20 ans, des jeunes fans d’exploration spatiale.

Le décor est digne de Mars, roches rouges et terreuses, la "base martienne" sous forme de cylindre hermétique comporte des sas pour simuler la dépressurisation, quand habillés de scaphandres comme les astronautes, ils reviennent de l’extérieur.

Aglaé Sacré est la "Crew Journalist", la journaliste de l’équipage. Elle nous explique : "Il y a de petites chambres, des endroits pour les scientifiques, d’autres pour les ingénieurs. Chacun doit pouvoir mener ses expériences. Le matin, nous faisons des sorties extra-véhiculaires, nous mesurons les radiations de la roche, nous faisons du mapping avec un drone. Quand on sort, c’est combinaison spatiale obligatoire, avec un petit ventilateur pour nous aider à respirer, pour simuler l’O2 que les astronautes reçoivent."

"Le plus difficile": ajoute-t-elle, "C’est de vivre les uns sur les autres mais cela ne nous a pas empêché de mener toutes sortes d’expériences sur le stress, les radiations. Et puis il y a la nourriture sèche, lyophilisée comme dans la l’ISS, la station spatiale internationale, il faut s’y faire."

 

Comment assurer un régime équilibré aux premiers colons de l’espace ? En recyclant tout

Bioréacteur pour le projet Melissa sur la nourriture des astronautes.
Bioréacteur pour le projet Melissa sur la nourriture des astronautes. © ESA

Comment assurer une nourriture de qualité et équilibrée à ces premiers explorateurs martiens quand on sait qu’ils vont devoir séjourner plusieurs mois sur la planète rouge et qu’ils ne peuvent pas embarquer des tonnes de bagages dans leurs fusées. Et c’est sans compter qu’un astronaute consomme par jour près de 5 kg sous forme d’oxygène, de nourriture et d’eau. A l’Université de Barcelone, un projet de l’ESA l’agence spatiale européenne baptisé Mélissa met au point cette alimentation du futur. Des scientifiques ont installé une série de bioréacteurs dans lesquels ils espèrent tout pouvoir recycler.

Serge Pieters, un diététicien belge est consultant en nutrition pour ce projet de l’ESA. Il nous détaille le concept : "Il y a de la nourriture qui va être mangée par les astronautes, ceux-ci vont produire des déchets (urine…) qui seront ensuite recyclés dans des réacteurs alimentés par des bactéries spécifiques qui vont à leur tour, produire de l’eau potable, de l’oxygène et des nutriments. Ce processus fonctionne déjà à Barcelone."

C’est donc une boucle fermée, ces bactéries absorbent le CO2 et dégradent nos déchets pour en faire des nutriments, de l’O2 pour respirer et surtout de l’eau pour les plantes et les humains.

Aujourd’hui, ce ne sont pas encore des astronautes qui testent ce nouveau mode de vie mais des rats. Et ça marche. L’objectif de cette boucle Mélissa est de fournir jusqu’à 60% des besoins nutritionnels des astronautes.

Une nouvelle base martienne bientôt à l’Euro Space Center

La nouvelle base martienne à l'Euro Space Center

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C’est un vrai challenge pour les architectes inclusifs du Bureau Assar, imaginer la première base martienne de Belgique qui sera bientôt, installée à l’Euro Space Center de Transinne, en province du Luxembourg. La Base doit pouvoir être montée rapidement pour offrir une protection immédiate aux astronautes. Alors ils ont pensé à une architecture Origami qui se déplie ou se gonfle avec des moyens légers et des formes imprimables en 3D.

Pierre Maurice Wéry a coordonné le projet chez Assar, il se souvient : "La démarche était passionnante. Nous parlions avec des personnes avec qui nous ne parlons jamais, des scientifiques de l’espace venus d’une autre planète pour nous. Le projet a été mené en quelques semaines de réflexion mais on devait prouver qu’il était crédible."

Et d’ajouter : "Nous savions que les matériaux sur Mars pouvaient être ingérés par des machines à impression 3D. Donc on a trouvé des formes imprimables en 3D pour former une coque rigide qui protégera la tente gonflée (..) mais l’architecture Origami gonflable, on ne la pratique pas souvent. Ici, on nous demande de penser une protection en déployant le minimum de moyens. C’est ce qu’on appelle l’architecture frugale, comment répondre à un besoin sur Terre avec le moins de matière possible, pour le bilan carbone et l’énergie. C’est un laboratoire d’essai pour nous !"

Pierre-Emmanuel Paulis, Instructeur à l'Euro Space Center et Président de la Mars Society Belgium se réjouit: "Cette nouvelle base belge ici à  Transinne va servir à sensibiliser les plus jeunes aux sciences et au spatial et quoi de mieux pour les appâter que l’aventure martienne. Comme on ne peut pas encore aller sur Mars, autant pouvoir trouver Mars sur Terre. c'est comme ça qu'est née, il y a 20 ans, la toute première base martienne dans le désert de l'Utah."

La planète rouge a très peu de chance de nous servir de planète B mais toutes ces recherches vont peut-être nous aider à vivre plus sobrement et qui sait, à sauver la nôtre.

Extrait du JT du 14/05/2023 :

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